Sandrine a une très haute opinion d'elle-même. Jugez plutôt, à partir de cet autoportrait :
« Pathétique, pitoyable (...) Grosse conne, pauvre conne, pauvre moche, pauvre conne, grosse conne. »
Grâce à qui, une telle confiance en soi, depuis toujours ? A son père, sale connard abruti et accessoirement violent. Et à la mère, forcément, complice muette et guère plus subtile.
Sandrine ne s'est sentie aimée que par sa 'mamie en miel' et par deux copines d'école ; ça remonte à loin, elle était enfant.
Son expérience des hommes s'est limitée à quelques petits coups d'un soir, et l'une s'est conclue piteusement ainsi : « L'un avait fini par avouer qu'il ne la présentait pas à ses amis parce qu'elle n'était pas son genre et que son genre c'était les femmes belles. »
Tous les contacts humains deviennent compliqués lorsqu'on vous renvoie une telle image. Vous partez perdant, forcément, et rares sont les bonnes âmes qui persistent à tendre la main à ceux qui déclinent systématiquement les invitations parce qu'ils sont trop nuls, sans intérêt, qu'ils ne servent à rien, etc.
Bref, quand Sandrine trouve "l'homme qui pleure", l'aime, qu'il l'invite à s'installer dans sa maison - où il vit avec son fils de 5-6 ans - la jeune femme se sent enfin exister, enfin aimée.
Mais la première épouse, portée disparue depuis quelques mois, reparaît. Que va devenir Sandrine ? Va-t-elle devoir s'effacer, quitter ce foyer, 'son' homme et ce petit garçon qu'elle aime tant.
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J'imaginais un 'duel' entre les deux femmes.
Jusqu'à ce que je tombe sur un 'mot clef' lié à cet ouvrage, sur Babelio. Dommage pour la surprise, car j'aurais aimé suivre le rythme de l'auteur dans cette descente,
cette violence domestique larvée, latente, de plus en plus exprimée, ou de plus en plus avouée par la 'petite voix' intérieure de Sandrine. le processus est lent, fait de déni, de rémissions qui laissent espérer à la victime que "l'homme qui pleure" l'aime, qu'il n'est pas un bourreau, que c'est sa faute à elle quand il se met en colère et humilie, et frappe, et crache, ce M. Langlois.
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Le processus est très finement décrit, et les personnages semblent plus vrais que nature. L'enfant, ses postures et ses dessins ; Sandrine, sa douceur, sa générosité, ses comportements auto-destructeurs, ses doutes, sa force... et les autres, je vous laisse découvrir.
L'un d'eux m'a rappelé un collègue et un oncle...
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Merci beaucoup à Iris & Judith qui m'ont vivement conseillé cette lecture.
J'avais black-listé l'auteur suite à '
Embruns', finalement lu jusqu'au bout, mais je n'avais pas complété le billet, tant l'intrigue & les dénouements m'avaient paru improbables et torchés, calqués à la va-vite sur un 'Club des Cinq'.
Pour en revenir à '
La deuxième femme', ces mots si justes de
Juliette Arnaud : « Ce roman n'est jamais paresseux. Pourtant il est audacieux, il est même acrobatique. Comme un vrai bon polar, il n'ôte nos bandeaux devant les yeux que lorsqu'il le veut, à une allure millimétrée par l'écrivaine. (...) le respect est absolu pour l'intelligence du lecteur. »
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• intégralité de la chronique de
Juliette Arnaud sur cet ouvrage :
https://www.youtube.com/watch?v=SvGgmTku90Y