Des grives aux loups / Tome I/
Claude Michelet/Prix des libraires
L'histoire commence à la toute fin du XIX e siècle dans le petit village de Saint-Libéral en Corrèze quand les deux copains Léon Dupeuch, 12 ans, et
Pierre-Édouard Vialhe, 10 ans, accompagnés de la petite soeur Louise Vialhe, 9 ans, battent la campagne pour relever les collets de Léon et faire la collecte de litornes, ces grosses grives à tête cendrée qui régalent les palais des amateurs clients de Léon.
le père de
Pierre-Édouard, Jean-Édouard né en 1860, marié en 1888 à Marguerite, est un paysan débrouillard et vaillant, dur à la tâche. Il est respecté avec ses dix hectares de terres et ses dix vaches. Vivent aussi à la ferme le grand-père, Édouard Vialhe et sa femme Léonie. Marguerite est alors enceinte et bientôt naît la petite Berthe. Nous sommes alors en 1893.
Parmi les personnalités du village figurent, le châtelain Jean Duroux, le maire Antoine Gigoux, Octave le garde-champêtre, l'abbé Feix et le médecin le Dr Fraysse.
C'est encore l'époque où l'on pratique le rouissage du lin et le teillage du chanvre, où l'on s'éclaire au moyen d'un caleil, cette petite lampe à huile que l'on déplace et suspend à volonté, une époque où l'on surveille le vol des ageasses pour prévoir le mauvais temps. Et puis la grande affaire pour
Pierre-Édouard qui le prépare dans l'angoisse: le certificat d'études primaire qui en ces temps lointains valait plus que le bac de nos jours et permettait à son titulaire de rentrer dans l'administration. Cinq candidats dans la classe de Pierre et deux reçus seulement, dont lui avec la première place du canton. Et dans les campagnes d'alors on craignait les premières automobiles dont on affirmait que le bruit et les flammes feraient perdre le lait aux vaches, rendraient fous les moutons et enrageraient les porcs !!
Au fil des chapitres on va suivre tous ces personnages, Léon notamment qui devient un maquignon redoutable,
Pierre-Édouard qui prend en main la mécanisation de la fauche…
On entre alors dans la première décennie du XX e siècle avec la séparation de l'Église et de l'État qui met l'abbé Feix dans tous ses états, la construction de la ligne de chemin de fer, la modernisation des méthodes de culture et de récolte, l'apparition de la radiologie au service du Dr Delpy (successeur du Dr Fraysse) et son automobile, la première du village, des événements qui divisent la population de Saint-Libéral.
Les enfants vont grandir et Louise encore mineure va s'amouracher d'un citadin au grand dam de son père, tandis que Pierre, qui commence à lui tenir tête, se prépare à partir au service militaire. Les tensions au sein de la famille Vialhe vont en s'exacerbant, le père devenant de plus en plus irascible, tyrannique et autoritaire. Louise sera la première a s'échapper de la ferme où elle étouffe. La politique va diviser le village. Et le 2 août 1914, c'est la mobilisation générale. Une nouvelle vie commence alors dans les campagnes où les femmes vont s'atteler aux taches dévolues habituellement aux hommes partis combattre.
Ce magnifique roman rural est en même temps qu'une étude de la société paysanne de l'époque avec des conflits de générations notamment dans les mois qui ont suivi1a guerre qui a vu le monde changer et la fragilisation du patriarcat, une très belle histoire de famille avec des personnages durs au travail, amoureux de leurs terres, obstinés, têtus, ne se comprenant pas, mais dont la carapace se fêle lorsque les drames viennent à frapper. Un roman émouvant, riche de non-dits et d'une pudeur toute paysanne dans les sentiments, qui est le premier tome d'une tétralogie merveilleusement écrite par
Claude Michelet. Paru en 1979 et réédité en 2007.