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3,89

sur 207 notes
J'avais lu dans les années 90 Vies minuscules de Pierre Michon et j'en avais gardé un souvenir un peu mitigé. Cette année, la fête du livre de Bron, dans la région lyonnaise, m'a donné l'occasion de lire ce très court roman : La Grande Beune du même auteur. Et je suis bien embarrassée pour porter sur ce live un jugement équitable, d'où l'absence de notation.
Je n'ai pas été dérangée par l'absence d'intrigue à proprement parler. le narrateur est l'instituteur d'un petit village de Dordogne, Castelnau près de Lascaux. La Grande Beune, rivière toute proche, la pluie qui tombe une bonne partie de l'année font que les paysages se perdent dans une liquidité qui les noie. de très belles évocations d'ailleurs de cette omniprésence d'une nature personnifiée mais peu hospitalière courent dans tout le roman. C'est un des points forts de l'écriture de l'auteur.
Mais qu'en est-il du héros de cette histoire, ou plutôt devais-je dire de ce conte érotico poétique , car si certaines scènes sont très ancrées dans le quotidien de ce petit village des années 60, celles qui constituent le "noyau dur" du récit relèvent vraiment du conte onirique.
Que penser en effet de cette rencontre, un dimanche après-midi, entre le narrateur et la buraliste, une femme qui suscite en lui de violents fantasmes sexuels mais qui ne lui accorde aucun regard car elle se consume d'amour pour un homme du village. Un amant qu'elle a rencontré de toute évidence ce dimanche après-midi. Sa rencontre avec le narrateur constitue l'acmé du roman et c'est un des passages les plus réussis sur le plan de l'écriture. Par un entrelacs subtil entre une scène de chasse primitive soigneusement décrite et une scène érotique mêlée de violences sexuelles mais évoquée de façon allusive, l'auteur suggère très habilement combien cette cruelle découverte est ambivalente pour le narrateur. Voir dans cette femme "une pauvre femme" et en même temps une victime consentante qui le défie du regard est le dilemme auquel il est confronté.
Et c'est là pour moi où le bât blesse car dans tout le roman et à travers le portrait de la buraliste émerge une vision de la femme qui me dérange, tour à tour vue comme "vénus callipyge", déesse inaccessible mais aussi comme "louve" ou "garce". Il n'y a pas de place pour une femme qui ne soit pas fragmentée, dissociée et autre chose que mère ou proie d'un désir masculin brutal qui fait de celui qui l'éprouve un chasseur impitoyable.
Ceci dit, les qualités de l'écriture de ce court roman sont indéniables : la richesse et la diversité du lexique, la scansion de la phrase, l'art de suggérer sans dire, le sens de la formule, tout cela est très présent et on pourrait presque le lire deux fois rien que pour mieux en savourer le style.
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Il y a des textes dont la beauté enivrante exonère de toute intrigue construite sur une suite millimétrée d'évènements, des textes dont le style absorbe de manière voluptueuse l'histoire. La Grande Beune de P. Michon en fait assurément partie.

La Grande Beune n'est pas un roman, c'est une fable. Une fable qui déploie tous les rêves charnels d'un jeune instituteur muté pour son premier poste à Castelnau, village isolé, figé dans le temps, coincé entre les grottes de Lascaux et la Grande Beune qui crache des pêches miraculeuses. Dans cette campagne vivotant au rythme de ses habitants, le jeune instituteur se consume de désir pour Yvonne, la buraliste.
C'est ce désir que P. Michon déploie tout au long de l'oeuvre ; un désir fou, brutal, animal qui obsède le narrateur. « Au milieu des galops de pluie » et de l'épais brouillard, l'auteur nous plonge dans un désir envahissant qui pare la rivière, la forêt et même les grottes préhistoriques d'une sensualité rare : c'est ainsi que, sur « les lèvres de la falaise », le narrateur s'égare dans ses rêveries en regardant « en bas la Grande Beune couler dans son trou ».
Tout est bestial, à l'image des peintures rupestres recouvrant les parois des grottes.

C'est une oeuvre qui n'a rien de conventionnel.
Avec une écriture complexe mais mélodieuse, P. Michon fait de cette oeuvre, certes une exaltation de la sensualité, mais qui n'obéit à aucun code du romanesque. On se laisse embarquer dans les divagations du narrateur en abandonnant tout repère. Les émotions primaires du narrateur bousculent la trame du récit et rendent même toute intrigue superflue.
Avec des phrases qui s'étirent toute en longueur jusqu'à épuiser le souffle, le rythme se décline en un style tout en représentation, visuel : une écriture faite d'entrelacs qui ne cessent de se croiser et s'enchevêtrer. Une écriture qui aurait pu faire écho aux peintures rupestres recouvrant les parois des grottes préhistoriques, mais la poésie de Michon est autrement plus lumineuse.
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Quel ennui! A ce point, ça m'arrive rarement mais que 78 pages peuvent être longues!

Je n'ai absolument pas adhéré à cette histoire. Et encore moins au narrateur, instituteur de vingt ans en 1961, affecté pour son premier poste dans le petit village de Castelnau, dans le Sud-Ouest. Ses délires érotomanes et vains à propos de la belle buraliste - nommée Yvonne ou "le beau morceau" (ça ne fait pas du tout quartier de viande...) - deviennent très vite lourds et fastidieux. Certes ses vingt ans pourraient l'excuser. Mais ne pouvant avoir la mère, mortifier son enfant, élève de sa classe, est d'une mesquinerie inique absolue.

Le style n'a pas racheté le fond; j'y suis restée insensible. Je découvrais Pierre Michon avec ce (heureusement) très court roman. A mon goût, vraiment pas un bon souvenir de lecture. Ça arrive; on ne peut tout apprécier.
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J'ai relu La grande Beune que j'avais initialement lue lors de sa parution il y a plus de vingt-cinq ans, et la magie a de nouveau opéré. Ce livre m'avait laissé un souvenir tenace et sa puissance m'a encore une fois été révélée. Ce fut mon entrée dans l'oeuvre de Pierre Michon.
La grande Beune est un long poème en prose qui relate l'arrivée d'un jeune instituteur dans un village de Dordogne, les quelques habitants rencontrés, les enfants de l'école, et avant tout une histoire de passion érotique fantasmée qui suscite chez lui de sombres émois et désirs de possession. Mais Yvonne la buraliste n'est pas libre car elle entretient une liaison orageuse, dont son corps garde les traces, avec un pêcheur du coin.
L'ambiance est poisseuse, aqueuse. L'eau, qui tombe infiniment, s'infiltre partout, imbibant les intérieurs et les paysages et les nimbant de brouillard. le cours de la rivière, la Beune, dessine les vallons et les côteaux. Son débit rythme la vie des villageois qui consacrent du temps à la pêche et à la préparation de grands poissons sauvages.
Sur ce fil narratif ténu, Pierre Michon dresse, à partir de scènes visuelles, une composition comme un peintre le ferait devant sa toile, avec de magnifiques coups de pinceaux combinés à un art du détail.
Il nous fait pénétrer dans les mondes ancestraux enfouis, dans le dédale des grottes abritant les peintures pariétales, dans les demeures troglodytes construites au bord du cours d'eau. Il évoque les traditions de ces contrées, au travers notamment de la procession des enfants qui porte la dépouille d'un renard.
Le violent désir pour la buraliste ne dépare pas dans le tableau, relevant du même primitivisme et de la même mythologie.
Grâce à un style unique, Pierre Michon parvient à décrire des scènes saturées de sensations, perceptions, impressions. La langue est saccadée, heurtée, impétueuse, sinueuse, à l'image de la rivière qui donne son titre au roman.
J'ai hâte de lire La petite Beune.


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J' avais envie de retrouver Pierre Michon
J'ai lu puis relu par petits bouts Les Vies Minusules , une oeuvre devenue majeure dans la littérature française
Ici, le propos est moins ambitieux
Il s'agit d'un jeune instituteur qui débarque dans un petit village de Dordogne , près de la Beune , une rivière, pas loin de grottes préhistoriques
Il découvre ses petits élèves mais aussi la buraliste qui devient l'objet de toutes ses pensées
Pierre Michon a beaucoup d'admirateurs mais aussi de détracteurs qui trouvent son style trop sophistiqué voire pédant pour décrire des vies et des situations ordinaires
Une critique sur Babelio le place entre Proust ( pour le style) et Giono ( pour l'ambiance). Plutôt bien vu.
J'ai jamais réussi à lire vraiment Proust qui évolue dans un univers bien loin des Vies Minuscules et de la Grande Beune. J'avais adoré Giono pendant mon adolescence
Je comprends donc que Pierre Michon puisse être un écrivain décrié
Je n'arriverai jamais à expliquer pourquoi je reste hermétique à certains écrivains( Proust, Joyce, Faulkner, Modiano, Bolano,Knausgard, par exemple ) malgré de multiples tentatives et pourquoi je me sens happé par les univers de Zweig, Tolstoi, Dostoyevsky,Garcia Marquez ou Kenneth Cook
Pour la Grande Beune, je me suis retrouvé en terrain connu, fasciné par la richesse de la langue et l' écriture de Pierre Michon
Comme ce livre est un peu moins riche que Les Vies Minuscules, je ne mets pas la note maximale pour cette fable poétique
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Autre facette de Pierre Michon dans ce très court roman . Un jeune instituteur dans son premier poste proche de Lascaux . Il fantasme sur la belle buraliste du lieu. Rien que de très classique mais il y a la magie Michon , l'écriture de Michon : il mêle à l'éternelle histoire du désir charnel , la mémoire lithique de la région , les immémoriales images de ses grottes ornées . Au fil des saisons et des âges , le flot de la Grande Beune murmure le discours de l'humain aux prises avec ses rêves.
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La langue est fabuleuse. Les personnages de deuxième plan sont inoubliables. Les digressions sur les instituteurs d'autrefois, ceux qui croyaient en Dieu et ceux qui n'y croyaient plus, ou sur les hommes des cavernes dont Michon invente une psychologie ébouriffante, ou sur cette grotte qui ne montre que du rien, sont délectables. Mais... mais la désirable Yvonne n'a pas plus d'âme, et peut-être moins, que les carpes somptueuses pêchées par le champion du village. J'ai bien compris, c'est une histoire de désir. Mais ce n'est que cela, superbement empaqueté certes, mais que cela. J'ai trouvé tellement plus de souffle et de perspectives aux Vies minuscules...
Je le relirai quand même : pour cette langue qui donne à boire et à manger, à savourer et à rêver. Michon écrirait sur le supermarché du coin, il me donnerait envie d'y courir...
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Le style d'écriture de Pierre Michon est foisonnant, les phrases son longues, le vocabulaire est abondant, érudit, et précis. Ce style sert merveilleusement l'histoire dont il est question. Dans les années 60, un jeune instituteur fraîchement diplômé, débarque dans un petit village, bercés par les eaux du fleuve de la grande Beune ,afin d'honorer son premier poste. Il rencontre des yeux , une merveilleuse créature, en la personne de la jeune buraliste du village, qui l'obsède inlassablement. Cependant, le roman est court, et heureusement, car les phrases longues de l'auteur sont parfois difficile à ingérer... malgré leur qualité certaine. Absolument à lire mais quand on se sent en forme!!
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Lire Pierre Michon c'est entrer dans l'oeil d'un cyclone littéraire où tout est calme et serein alors que dans chaque phrase, expression et mot, on est englouti dans un maelstrom de pensées, d'interrogations, de sentiments.
En vrac La Grande Beune c'est : tout un décor avec son et images, des détails pointillistes, un délire amoureux, des silences et des gouffres, de la finesse, des allégories, de l'érotisme retenu ou non, des visions, une finesse d'expression, la vie qui s'écoule.
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Une désir permanent dans ce court roman sublimé par une écriture Michonnesque tellurique , certain d'entre nous ont vécu pareille aventure et s'y reconnaisse aisément . Michon un auteur pour happy few...
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