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3,57

sur 328 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
un souffle poétique porte cette histoire d'un tableau imaginaire représentant les onze membres du Comité de Salut public. On quitte avec regret cette reconstitution de l'atmosphère de la Terreur où Michelet est évoqué.
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Une fois refermé ce court roman ma première réaction a été : quel style remarquable!
Un style impressionnant au service d'une histoire impressionnante. le narrateur se trouve au musée du Louvre, dans une salle du pavillon de Flore à l'extrémité de l'aile du musée du Louvre, où il nous fait découvrir en s'adressant à un personnage anonyme l'unique oeuvre présente dans la salle :le tableau dit "Les Onze". de François-Elie Corentin. Immense toile de 4m sur 3m représentant le Comité du salut public en 1794. Il nous raconte l'histoire de ce tableau, son auteur. Il nous apprend ce que d'autres ont pu y lire et y voir notamment Michelet qui décrit ce tableau dans son histoire de la révolution française. le tableau est pour le narrateur une métaphore de l'histoire et la représentation des forces et des puissances qui gouvernent le monde depuis la nuit des temps et que les artistes ont tenté de représenter aux travers des siècles. L'histoire des ancêtres du peintre qui ont réussi leur vie sur la misère et l'exploitation des hommes, soit dans la construction d'un canal par les ouvriers-esclaves Limousin, soit par la vente à ces mêmes ouvriers d'une piquette, la vie même du peintre, symboliser par son aspect physique ou la manipulation de l'amour que lui portent les deux femmes, sa mère et sa grand-mère, qui l'entourent, la vie des membres du comité du salut public tous à une exception près ayant des vélléités de littérature et tous ayant du sang sur les mains par la répression et les massacres lors des années de la révolution française, toutes ces vies qui font l'histoire illustrent aux yeux du narrateur ce que nous sommes : des êtres ballotés par des puissances tyranniques ou divines... et que toute beauté, tout progrès se créé sur le malheur et la misère.
"... car les réussites sociales qu'on attribue aux seuls mérite et travail dans ce temps comme dans le nôtre, procèdent d'infiniment plus de scélératesse..." (p36 Ed Folio)
"...car Dieu est un chien et quand on est infime, on ne grandit qu'en marchant sur plus infime"
" Il se dit avec une sorte de joie que le zèle compatissant pour les malheureux et la plaine des Brotteaux, la table hospitalière et la lande de Macbeth, la main tendue et le meurtre, nivôse et avril, c'est dans le même homme. (..). Il se dit encore que tout homme est près à tout. Que onze hommes sont près à onze fois tout. Que cela peut se peindre." (p114 Ed Folio)
C'est le premier roman que je lis de Pierre Michon et je reste sur une impression assez équivoque. Par moment j'ai été emporté par l'histoire et le style, notamment lorsqu'il décrit, il imagine les conditions de construction du canal le long de la Loire, ou bien lorsqu'il décrit le tableau. Mais à d'autre moment le style m'a bloqué en me donnant le sentiment que l'auteur forçait le trait à trop vouloir utiliser des termes très peu usités et à les faire tourner en boucle au fil des pages comme par exemple : anacréon. Néanmoins ce style particulier a au moins le mérite de nous faire découvrir du vocabulaire et d'ouvrir le dictionnaire.
Malgré ces remarques sur le style, ce court roman m'a impressionné par sa densité, ses multiples références picturales et artistiques et surtout par le fait que Pierre Michon arrive à rendre crédible l'histoire de ce tableau et de son auteur.
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plongée dans "les onze" de Pierre Michon, ce que j'avais lu sur ce livre, et qui me faisait craindre une déception, effacé par les mots, leur saveur, le rythme des phrases, leur précision et leur mouvement, leur emportement allègre, la façon dont elles s'imposaient à moi - et tout serait à citer (me restent trente pages ou à peu près pour cette nuit), alors cela, au début avec Corentin en aide de Tiepolo, portraituré en page sur un plafond
"Vous imaginez cela, Monsieur ? le prince-évèque en bas sur sa canne folâtrant, argumentant, rimant, colérant, doutant, jetant un coup d'oeil à son image peinte se rassurant, le petit Français qui sera lui-même un jour de la carrure de Frédéric Barberousse, qui ne l'est pas encore, qui pour l'instant fait des niches au prince, tous les petits assistants avec leurs pots de rose, de bleu, leurs grimpettes aux échelles, parmi eux Domenico Tiepolo qui a vingt ans, qui apprend la magie..."
parce que j'aime en recopiant retrouver mon goût pour les Tiepolo, et au delà des grands plafonds glorieux et blonds, des toiles, cet oiseau qui s'échappe d'un plafond d'une petite salle de je ne sais plus quel palais vénitien, et que le fils a posé juste contre le haut du mur, au delà des moulures.
Alors il y a la blondeur de la mère, les limousins dans la boue, les onze, ces limousins poètes manqués et hommes redoutables (le Comité de Salut Public) etc..
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Suivez le guide.
Dans Les Onze, Pierre Michon nous dévoile ses talents d'historien d'art et de guide. En effet, le narrateur nous fait découvrir (ou redécouvrir ?) un tableau du musée du Louvre en nous en donnant une description précise et détaillée (dimension, composition, personnages, …) mais aussi en nous racontant les circonstances exactes et même les anecdotes de sa commande au trop méconnu François-Élie Corentin. On y découvre que l'art y joue un rôle secondaire et que l'enjeu de cette peinture dépasse largement le talent indiscutable du « Tiepolo de la Terreur ». Michelet y verra d'ailleurs « L Histoire en marche » dans cette « cène révolutionnaire ».
Mais alors, Pierre Michon n'est-il qu'un historien d'un épisode négligeable de la Terreur ? Bien sûr que non ! Il est pleinement un romancier malicieux et en pleine possession de ses maléfices faisant travailler l'imaginaire de ses lecteurs. Il maîtrise son roman du début à la fin dans une langue somptueuse et ciselée. Il réalise même un véritable numéro d'équilibriste en restant sur la crête instable qui sépare une réalité vraisemblable d'une fiction effrénée. le pari du livre repose en grande partie sur ce double aspect : une réalité réinventée fusionnée avec une fiction omniprésente. L'auteur en profite pour nous dire, presque en contrebande, que l'art n'est jamais gratuit, qu'il est le centre d'enjeux de basse politique, ce qui remet souvent en cause la sincérité (voire l'innocence ?) de l'artiste. Mais évidemment tout cela se passait il y a bien longtemps, à l'époque de la Terreur et il serait bien vain de vouloir généraliser …
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Un petit bouquin admirable, écrit au scalpel, au style sec et resserré, qui aborde la Révolution sous un angle tout à fait original. Lisez Michon, le plus discret de nos grands auteurs !
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Je viens de relire Les Onze, et il m'a sonné comme la première fois...
Pourtant, entre lui et moi c'était mal parti et pour être honnête, je crois que de moi-même, je ne me serais jamais dirigé vers ce livre d'apparence austère malgré sa couverture orange-soleil...
C'est un professeur de stylistique qui nous l'avait fait étudier... Si je m'en suis plainte, je n'ai pas dû le faire longtemps, tant le livre m'avait plu, même quand il me donna à travailler le thème de la cruauté dans le roman...
"Les Onze", c'est le monumental tableau qui représente les membres du Comité de Salut Public en 1794, ère de Terreur. C'est aussi le récit de la vie du peintre génial qui créa le tableau: François-Elie Corentin.
Pierre Michon joue à l'historien d'art mais tout est fiction et roman, affabulation. On croit à ce tableau, à ce peintre qui vont si bien avec la Révolution Française, ses excès, ses passions. On croit à cette mère aimante et sacrifiée par l'enfant sans vergogne ni empathie; on croit à ces limousins tous entiers pétris de boue, de sang, de poussière; on croit à la lumière presque purificatrice de la peinture à l'huile. Les Onze n'est pas vraiment un roman historique ni un roman sur l'art. Il est un peu tout ça et plus encore. Les Onze, c'est la puissance évocatrice des mots, c'est un souffle poétique, c'est une écriture magnifique, exacerbée, excessive. C'est un peu Baudelairien aussi car Michon de la boue et de dureté des limousins fait de l'or et de la soie. Dans la terre et le sang.
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Ce livre mythique est effectivement un bijou. Pierre Michon y conte l'histoire d'un tableau exposé au Louvre, qui représente le rassemblement pour un repas, autour de Robespierre, de onze commissaires du Comité de Salut Public qui en 1794 doit instaurer le gouvernement révolutionnaire de l'an II, et engager la période dite de la Terreur. Au delà du tableau, il nous retrace la généalogie familiale et picturale, ainsi que la vie d'un peintre inconnu, François-Elie Corentin, sorte de Tiepolo français. Il explique qui sont les commanditaires du tableau, quel est le but de cette " Cène révolutionnaire ", qui sont les participants, les Billaud, Collot, Saint Just etc... d'où ils viennent, quel était le rôle de chacun autour de Robespierre. Sans oublier que ces hommes vont finir sous la lame de la guillotine. Il décortique l'interprétation que le siècle suivant, Michelet a faite du tableau. 130 pages sublimes qui ont conduit beaucoup de monde au Louvre pour voir le tableau, car la force d'évocation de cette période par Pierre Michon réussit à nous persuader de l'existence du tableau, d'autant que régulièrement il prend le lecteur à témoin. J'ai beaucoup aimé!
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Le roman présente un peintre fictionnel qui a réalisé un tableau fictionnel du Comité de Salut Public. C'est magnifiquement écrit. Il y a des beautés et des idées dans ce style. Les phrases sont longues mais la lecture reste fluide. Les répétitions rajoutent du sens au lieu de délayer.

J'ai trouvé, je l'avoue, le début un peu creux. Dans cette biographie imaginaire, les parties fortes en symboles sont mêlées avec des détails précis qui servent plus à renforcer l'illusion qu'à créer quoi que ce soit, cela peut donner une impression de broder sur du vide. Et contrairement à certains lecteurs, je n'ai jamais eu l'impression de voir le tableau décrit, il reste en négatif dès qu'on essaie de l'imaginer. C'est sans doute volontaire, mais c'est frustrant.

J'ai beaucoup plus aimé la seconde partie, avec la présentation de la politique de l'époque, là aussi lourde en symboles frappants et originaux, sans compter un petit complot pour faire marcher le tout. Je regrette juste, vu les dates, l'absence de toute mention d'Hérault de Séchelles, que je considère comme une simplification abusive : si le tableau a été commandé en nivôse, les membres du Comité n'étaient onze que depuis quelques jours, et cela aurait dû mériter au moins une remarque des personnages ou de l'auteur.

Sinon, puisque j'en suis dans les détails, je voudrais ajouter que l'écriture par Michon de Collot d'Herbois est la meilleure que j'aie vue, humaine sans tenter d'excuser quoi que ce soit, avec l'imagerie obsédante de l'ancien acteur devenu un méchant shakespearien.
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Dans le dernier opus de Michon, il est question, cette fois, de la Terreur et d'un tableau imaginaire commandé à un peintre imaginaire (Limousin dont les ancètres viennent de la Marche) par le comité de salut public pour immortaliser le pouvoir jacobin.
On y découvre, entre autres que tous ces tyrans étaient des écrivains plus ou moins ratés... Tiens tiens......Et pourquoi donc je vous le demande ? L'un des intérêts du livre est de tenter une explication : C'est parce qu'ils sont des ratés, précisément qu'ils deviennent des bourreaux.....Le message qu'il donne sur ce premier prurit des dictatures sanglantes du vingtième siècle à venir On comprend mieux, en le lisant, en quoi la révolution française est totalitaire au sens Arendtien et non ans son acception galvaudée, comme le font aujourd'hui ceux qui confondent despostisme, tyrannie, dictature ettotalitarisme, c'est à dire pour Arendt, essentiellement le nazisme et le stalinisme.
Il y a dans ce livre, outre les pages lucides sur la terreur et sa dimension totalitaire avant la lettre, des pages magnifiques sur les paysans esclaves "limousins" qui ont cons,truit les canaux sous l'ancien régime.
Je l'ai lu d'une traite, sans pouvoir m'arrêter, tant l'écriture de Michon est somptueuse, comme d'habitude, même si elle en énerve certains.
il n'y a rien que j'apprécie le plus que le mélange des genres entre une langue châtiée et populaire, voire vulgaire, que ce choc, cette complémentarité, que j'estime salutaire et créatrice entre plusieurs registres de langues, dont les plus grands classiques ont su jouer pour rénover la langue.
Le "style de Michon n'est pas fait que de préciosité, mais précisément de ce mélange où les deux regsitres sont parfois intimement mélés et s'enrichissent l'un l'autre.
Michon n'écrase pas de sa plume les limousins ou les humbles, il ne les piétine pas comme des taupes, il les élève au contraire, tout en s'élevant lui-même, par l'acte d'écrire, dans le style qu'il a choisit et convient au message qu'il veut transmettre : celui d'un d'un moins que rien, petits fils de ces esclaves creusois qui furent ces ancêtres, qui parvient à sublimer la malédiction de classe en s'appropriant (et en la sublimant de sa rage de taupe limousine) la langue de l'exploiteur. Pour s'en convaincre, il suffit, je pense, de lire le passage que je donne en citation


Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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Quelle écriture ! Superbe ! Dense cependant; seulement 130 pages mais très dense. Des phrases qui font 10 lignes, que l'on est obligé de relire, si on n'est pas concentré, mais c'est tellement superbement écrit que ça n'est pas grave
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