Terreur en Gévaudan a été publié en 2006 par les éditions du Pré aux Clercs, puis réédité par les éditions de Borée en 2019, dans la collection "Polar". le style est fleuri, en même temps qu'abrupt dans les constructions de phrases et voluptueux dans son vocabulaire: "Les regards se détournent en direction des hautes fenêtres. Un vent sournois descendu du mont Mouchet fait frissonner les proches herbages. Au-delà se dresse un bois touffu et escarpé. Une forêt comme tant d'autres." (Page 9)..."A 99%, je déteste l'art contemporain. Je n'y vois que bluff, frime, goût de chiottes, verbe prétentieux et (quand les collectivités achètent) détournements de fonds." (Page 23).
L'histoire, racontée à la première personne, se déroule fébrilement au rythme de chapitres courts, ne laissant aucun répit au lecteur. Les scènes d'actions sont rythmées par des phrases courtes, un vocabulaire incisif: "Visions intermittentes. Violente nausée. Les chiens qui me lèchent sont sanglants...Mauriçou est tout souillé de mon sang. Il applique sur mes plaies je ne sais quel chiffon." (Page 322).
Fil rouge: histoire de la bête du
Gévaudan qui, de 1764 à 1767, a fait plus de 120 victimes sans que ce mystère soit élucidé, le musée qui lui est consacré, les lieux, les détails historiques, les archives défaillantes=> Une documentation sérieuse et approfondie de tous les aspects des attaques du XVIIIe siècle et des recherches actuelles, des traces encore palpables dans le folklore local. "Aujourd'hui, 19 juin, le colloque qui accompagne l'inauguration du musée est censé faire le point des connaissances sur la Bête. Mes récents articles et recherches me valent d'y être invité en tant qu'intervenant...La Bête et le
Gévaudan, ça compte pour moi. Je suis né et j'habite près du
Malzieu, dans une ferme depuis toujours familiale. La Bête, j'ai toujours baigné dans son jus. Enfant, c'est avec une douce horreur que j'entendais narrer ses exploits réels et imaginaires. Ce qu'était la Bête du
Gévaudan? Je ne suis pas le seul que le mystère de son identité fascine." (Page 17).
L'intrigue:
Margeride, jeune étudiante, se rend à l'inauguration du musée de la Bête à Ribeyrevieille situé à l'orée de la forêt de Ténazeyre, motivée par le désir de percer un dangereux secret détenu dans sa famille depuis des lustres, sous forme d'un bocal "fermé par un gros bouchon de liège", cacheté de cire, comportant "une sorte de sceau cabalistique en forme de main, index et auriculaire tendus, les autres doigts repliés, contenant un liquide trouble et jaunâtre dans lequel flotte "une fourrure associée à une doublure de chair filandreuse." (Page 44)
Serait-ce un morceau de la Bête du
Gévaudan? Pour le savoir, le narrateur, avec l'aide de son ami Ulrich, se livre a des expériences génétiques consistant à cloner la Bête afin d'identifier son origine et sa race. Un peu plus tard, les deux amis partent huit mois en mission pour les îles Kouriles.
En leur absence, des événements inquiétants se produisent: plusieurs troupeaux de moutons auraient été attaqués par un prédateur, et des chiens auraient été dévorés. Aussitôt, la légende d'une assez grosse et inquiétante bête reprend vigueur. A l'aide des documents d'époque, Margeride et le narrateur se lancent sur les traces de la Bête. Une quête impossible? Rumeurs? Réalité? Hallucination collective? Magie noire?
Le bémol: très bon début se perdant malheureusement dans les méandres des fantasmes et péripéties sexuels du narrateur, négligeant parfois l'intrigue.
Ce qui est dommage car
Terreur en Gévaudan est un roman érudit, très bien documenté, intelligemment construit, présentant des aspects scientifiques sans être rébarbatif.
Le +: une intrigue moderne tissée selon la trame des faits historiques concernant les attaques de la Bête du
Gévaudan. Ainsi, le passé et le présent s'entrecroisent, donnant un parfum d'authenticité au récit: "Aujourd'hui, donc, je suis à Clermont-Ferrand sur le plateau des Cézeaux. Lieu assez vague au milieu de nulle part et qu'on nomme "complexe scientifique"...Après-demain, je suis à l'INSERM de Montpellier. Comme par hasard, Clermont et Montpellier sont les extrémités nord et sud non pas exactement du champ d'action, mais du champ de rayonnement de la Bête. Voilà qui m'offre une perception stéréoscopique du
Gévaudan." (Pages 47-48).
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