Davantage connu pour ses romans
Claustrations ou Amamnèse,
Salvatore Minni est également l'auteur de différentes nouvelles parmi lesquelles iniquité, son texte le plus intime et personnel.
On connaît davantage l'adjectif inéquitable, mais le nom iniquité, antonyme d'équité, renvoie également à l'injustice extrême. Celle que l'on ne comprend pas. Contre laquelle on a envie de hurler et de rendre notre propre jugement, beaucoup moins tolérant.
Et qu'y a-t-il de moins juste que la condamnation à mort d'une innocente ?
"La sentence venait de tomber. Coup de massue. J'étais sonné. Abasourdi. Incrédule. Effrayé."
La femme qui compte le plus aux yeux du narrateur, prénommé Lucas ( mais derrière lequel on devine l'ombre de Salavatore Minni ), est atteinte d'une maladie incurable. Probablement un cancer - même si les mots ne sont jamais prononcés - à seulement quarante-six ans.
Quelle autre saloperie expliquerait sa lente dégradation ?
"Ne plus assister à sa déchéance. Trop dur. Chaque partie de son corps l'abandonnait."
Mais contre qui retourner toute sa colère quand la grande faucheuse s'en prend ainsi à vous ou à votre famille ? Comment rétablir l'équité quand l'injustice frappe ainsi, au hasard ?
"Ça n'arrive qu'aux autres. Cette fois les autres c'était nous !"
Le plus frappant dans iniquité, c'est le style.
Les phrases se réduisent parfois a de simples mots qui expriment toute la rage et tout le désespoir de Lucas.
"Ne me l'enlevez pas. Pas maintenant. Je ne suis pas prêt ! Peur. Angoisse. Prière. Colère."
Ces mots sont jetés sur le papier comme un ultime appel au secours et font ressentir l'état d'urgence permanent de ce combat perdu d'avance.
Pourtant chaque seconde compte.
"Douche rapide. Vite. Se préparer. Pas le temps de prendre mon petit déjeuner."
"Le temps... Mon pire ennemi. le plus impitoyable. Celui qui remporte chaque bataille."
Quand la colère deviendra une incommensurable haine et que le monde entier deviendra coupable toutes les souffrances endurées par Lucas, des blessures morales par oppositions aux dommages physiques subis par la femme qu'il aimait par dessus tout, alors la nouvelle passera dans des tons plus noirs encore.
"J'en veux au monde entier. Il n'y a rien de plus insupportable que de se rendre compte que chacun continue sa petite vie merdique alors que la mienne s'est arrêtée."
Il faudra inventer des coupables et les punir comme ils le méritent, le poids de la douleur s'en retrouvera peut-être allégé ?
Dans cette collection Opuscule adaptée aux personnes de petite taille, il s'agit de la seconde nouvelle d'affilée de très bonne facture que je lis. Il y en a une qui est publié chaque semaine, avec une possibilité d'abonnement.
Le texte de Salvatore Minni est rédigé avec beaucoup de pudeur, mais on devine aisément que lui aussi a été amené à veiller une personne très proche et condamnée.
Concernant la colère démentielle qui rongera son personnage principal, Lucas, j'imagine que l'écriture a davantage tenu lieu d'exutoire.
Avec une écriture parfaite, vraiment, pour distiller les impressions d'injustice, les envies de vengeance, la haine contre tous qui vient remplacer l'amour pour une seule défunte.
La folie n'est pas loin dans cette nouvelle qui commence mal, qui continue son chemin dans la noirceur et qui ne pouvait avoir de fin heureuse.
Si comme le veut l'expression l'espoir fait vivre, alors que fait le désespoir ?