Fara et Doalé sont les deux fils d'Osman, le vieux tomal*.
Ils se ressemblent mais l'aîné, Fara, a le regard direct et réfléchi tandis que le cadet, Doalé, a des yeux rieurs sans lesquels son regard fuyant serait inquiétant.
La Touffla, une vieille migdame, que l'on dit un peu sorcière, a deux filles.
La première, Kadidja, est établie, depuis plus d'un an, à Djibouti où elle a magnifiquement réussi dans l'industrie du culte de Vénus.
Sa jeune soeur est promise au même destin mais en attendant d'aller prendre la succession de son aînée, tous les prétextes sont bons pour passer devant la forge où Fara, sous une attitude faussement indifférente, cache le désarroi d'un profond amour ...
Lorsque Henry de Monfreid se pique de raconter une aventure, c'est souvent après y avoir été mêlé.
Et c'est en ramassant une plaque d'identité militaire perdue dans le sable et en recueillant Youssouf, le paisible pêcheur de tortues abandonné sur une île, qu'il va va être amené à dénouer un à un les fils de l'écheveau de cette tragédie.
Il va participer, malgré la réputation sulfureuse que lui prêtaient les autorités coloniales françaises, à l'enquête sur l'assassinat du lieutenant Voiron ...
Henry de Monfreid est une plume efficace, un conteur redoutable.
Il nous emporte, au coeur de cette Afrique orientale sauvage où règnent encore les lions mangeurs d'hommes, où l'esclavage n'est pas qu'un mot, où souffle le kamsin, ce terrible vent chargé du sable du désert.
Le récit est rapide, prenant.
Les digressions que, comme à son accoutumée, l'auteur se permet, sont passionnantes et ne viennent pas entraver le développement de l'histoire mais bien plutôt, en lui conférant plus d'épaisseur encore, lui ajouter de la crédibilité et de l'authenticité.
Les personnages sont peints avec talent et force.
Cette tragédie est une triste et sordide histoire dont l'enjeu est la belle Aléma qui, lorsqu'elle a ôté son moklama, attise bien des convoitises.
Mais c'est aussi une magnifique histoire d'amour ...
* forgeron
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La zeima avait été retardée par les vents contraires au détroit du Périm, autrement dit Bab el-Mandeb, la Porte des Larmes.
Un voilier ne peut réussir à franchir cette passe vent debout qu'aux heures où le courant porte contre le vent.
Mais alors la mer devient très dure avec des lames courtes et déferlantes.
Dans ces conditions les changements d'amures, c'est à dire les virements de bord qui ne peuvent se faire que lof pour lof avec le gréément arabe, deviennent une dangereuse manoeuvre qui exige un nombreux équipage bien entraîné ....
Un soir de mauvais temps je dus relâcher à Boulhar en pays Somali, sur la côte sud du golfe d'Aden.
En dépit de son abord difficile j'avais réussi à prendre le mouillage grâce à mon maître d'équipage Abdi, originaire de cette région.
De plus, étant de la caste des midganes il me fit connaître un tomal (forgeron) camarade d'enfance.
J'étais loin de me douter en quelles tragiques conjonctures je devais le retrouver plus tard.
Au moment où j'écrivis les souvenirs de ma vie en mer Rouge et autres lieux, je n'ai pas conté cette longue histoire n'ayant pas encore le moyen d'en éclaircir le mystère...
HENRY DE MONFREID / VIVRE LIBRE / LA P'TITE LIBRAIRIE