Entre 1572 et 1592, date de sa mort,
Montaigne a écrit, quand il en avait le temps, puis repris, et re-repris son oeuvre majeure :
les Essais, ensemble de considérations philosophiques, et d'écrits d'introspection sur ses propres réactions, on pourrait dire psychologiques, face à l'adversité, l'épreuve, les épines de la vie. Ici, ce petit livre ne traite que quelques chapitres des premiers livres ( I et II ) des
Essais : l'oisiveté, le pédantisme, la cruauté, la fainéantise, la colère.
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« Toute cette fricassée que je barbouille ici n'est qu'un registre des
essais de ma vie. » Voilà le style humoristique et agréable de
Montaigne sur son oeuvre, inspirée des Anciens à la base :
"Ces
Essais ne sont qu'un tissu de traits d'histoire, de petits contes, de bons mots, de distiques, et d'apophtegmes » ( Malebranche ).
Mais pas que, puisqu'il n'arrête pas de blâmer "les têtes bien pleines" dans le chapitre sur le pédantisme !
Il y a beaucoup de réflexions, de pensées dans ces
Essais, et d'ailleurs, des philosophes ultérieurs se sont inspirés de
Montaigne.
Sur son cas particulier, il dit qu'il a été favorisé par peu "d'épines de la vie", soit qu'il ait hérité du calme de son père, soit qu'il ait eu une saine éducation. On rejoint là l'éternel, mais plus contemporain débat entre l'inné et l'acquis.
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Outre le pédantisme,
Montaigne expose beaucoup de considérations sur la mort virile, "la mort debout", comme celle de Socrate, qu'il admire dans les premiers livres. S'appuyant sur
Diogène Laërce,
Sophocle,
Cicéron,
Sénèque ou
Plutarque, il évoque beaucoup de récits vertueux ( courageux ) de personnages faisant leur métier de gouvernants jusqu'à la dernière limite de leur souffle. La fin de Caton d'Utique ou celle de Moulay sont particulièrement émouvantes et bien racontées.
Montaigne, qui a été un diplomate émérite, ce qui n'était pas évident à cette époque troublée, entre Henri III, le duc de Guise et Henri de Navarre fustige les "conquérants belliqueux".
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Pour lui, la cruauté est le péché capital numéro un. Il ne comprend pas toutes les souffrances et tortures qu'il détaille, que font subir les vainqueurs aux vaincus, les hommes aux animaux, qu'il est bien près de rendre plus Sages que l'homme.
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Enfin, il y a la colère. Il cite des colères antiques mémorables, et parle de son propre cas, surtout à l'égard de ses valets. Des colères qu'il a du mal à maîtriser, malgré sa volonté.
Il fait aussi des colères simulées, et c'est bien dans son caractère : )
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On a du plaisir à lire ce petit livre philosophico-historico-psychologique. C'est, je crois, la première fois qu'un homme fait une introspection. Mais la devise "connais-toi toi-même", reprise par Socrate, n'est-elle pas un bon moyen de devenir meilleur, de s'approcher de la Sagesse ?
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Pour l'anecdote, dans un devoir simulé d'agreg, j'avais fait appel à
Montaigne pour dire que, bien avant la "ponte" en didactique Linda Allal, il avait découvert et utilisé les "paliers d'apprentissage pour les élèves", pas trop hauts, pas trop bas, pour passer d'une étape à l'autre : le jury n'a pas aimé : )