Avec sa couverture mélancolique et rêveuse à souhait, Lucy Ann Montgomery annonce d'entrée la couleur : ce tome qui clôture la série sera différent des autres, avec une lumière plus âpre, plus intérieure. Si j'ai moins aimé que la lumière chaleureuse à laquelle elle nous a habitués, je salue l'exercice !
Après l'apothéose que fut le tome intitulé
La vallée arc-en-ciel, j'attendais beaucoup de ce dernier volume. Malheureusement, je n'ai pas été emportée comme je l'aurais souhaité. L'autrice fait le choix, et je le comprends vu son histoire, de nous parler de l'impact de l'annonce de la Premier guerre puis de la participation du Canada, sur les habitants de la petite ville où vit désormais la famille d'Anne, et ce à travers le regard de Rilla, sa petite dernière, la plus évaporée.
J'ai d'abord eu du mal avec cette femme-enfant, tellement immature et si loin de sa mère qui, elle, dans son imaginaire foisonnant avait quelque chose d'attachant. Rilla, elle, dans son désir de plaire me parle moins. Elle est plus légère, plus superficielle, et c'est normal aussi, elle n'a pas vécu ce qu'a vécu sa mère et elle n'est pas cette dernière, je ne devrais pas le lui reprocher. Elles sont différentes et l'une me correspond plus que l'autre. Pourtant l'autrice lui offre des occasions de grandir au cours de l'oeuvre mais ça n'a pas fonctionné avec moi.
Autre frein à mon plaisir, un certain éloignement ressenti dans la plume. Nous ne suivons plus Anne, qui était un peu notre phare dans la nuit et celle-ci semble bien bien lointaine. On ne parle plus avec elle, mais d'elle, et ça change tout, j'aime moins. Certains enfants avaient pris le relais dans le tome précédent, ce n'est plus le cas ici où on suit juste Rilla, et vous savez ce que je pense d'elle.
Enfin, ce tome est avant tout le récit de la guerre de 14 à l'arrière, au Canada. L'autrice, qui a vécu ce moment, nous raconte, et c'est très riche et fort bien décrit, comment est perçu, ressenti cet événement ô combien majeur de notre histoire. On entend l'enthousiasme des débuts, les premières peurs, les enrôlements progressifs, l'attente des nouvelles, les morts, les naissances, les mariages, l'avancée des troupes, les revers, etc. Tout y est, c'est très complet et réellement vécu de l'intérieur par les habitants mais n'ayant aucun goût pour les récits de guerre, cela m'a semblé terriblement long. Je n'attendais qu'une chose que cela prenne fin ou qu'on nous parle d'autre chose, mais toute leur vie tourne alors autour de cet événement et les moments où on s'en écarte sont bien brefs, trop pour moi.
J'ai tout de même noté quelques chapitres qui ont su profondément m'émouvoir. Ce sont ceux qui concernent de près les Blythes et Rilla, avec le départ Walter, son grand ami, puis celui de Kenneth, l'amoureux de notre héroïne. Les deux sont très justement écrits et très doux. Eux me sont allés droit au coeur, là où les autres étaient plus factuels en quelques sortes pour moi. de la même façon, même si je ne suis pas touchée par le rôle de Rilla dans tout ça, j'ai aimé l'idée de l'autrice d'évoquer un bébé orphelin de guerre dont elle s'occupe comme « sol fils » (enfin tout est relatif…), c'était touchant.
J'aurais aimé quitter les Blythe sur une note plus positive comme lors de ma merveilleuse lecture de
la Vallée arc-en-ciel, mais ce sera avec une note plus amère que cela se produira. J'ai espoir que le prochain tome bonus à paraître avec des Chroniques d'Avonlea comble ce manque. Mais l'univers d'Anne, Gilbert et leurs enfants reste un monde réconfortant, doux et émouvant où j'ai pris plaisir à me balader en allant à leur rencontre et celles de tous leurs proches et amis, alors je ne regrette rien, même si tome trop dramatique à mon goût.
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