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sur 574 notes
Émilie a cessé d'aimer Richard. Elle oppose désormais à son mari une attitude pleine d'indifférence et de froideur. Pourquoi ce mépris alors que ce dernier s'est endetté pour acquérir un appartement sensé lui plaire, acceptant pour le financer un travail de scénariste qu'il n'aime pas ? Richard s'interroge. Richard est déstabilisé. Et ce n'est pas l'écriture de son nouveau scénario, une adaptation de l'Odyssée d'Homère, qui va le distraire de ses problèmes. Au contraire. L'écrivain doit imaginer un Ulysse en but au désamour de Pénélope.

L'incommunicabilité entre les êtres, voilà un sujet cher à Moravia. Il est traité dans ce roman avec une analyse magistrale de la psychologie des personnages et du comportement spécifique de leur milieu. Ainsi l'héroïne, en quête de stabilité et de protection masculine, incarne le drame d'une petite bourgeoise en prise avec une évolution des moeurs qui la dépasse. Un décalage et une incapacité de s'adapter à la réalité propres pour Moravia à la bourgeoisie italienne des années 1950.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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Hum... C'est une belle analyse de la mésentente au sein d'un couple.
Nous sommes dans les années cinquante. Richard est scénariste à Rome. Il est marié depuis deux ans à Emilie qui a abandonné son travail de dactylo. Battista est un riche producteur qui lui propose d'écrire un scénario pour produire un film sur l'Odyssée d'Homère. Bien qu'il préfère écrire sur le théâtre, Richard saute sur l'occasion pour assurer les traites de l'appartement qu'il a acheté pour faire plaisir à Emilie. Mais celle-ci devient indifférente à ses attentions, alors qu'elle s'intéresse au producteur...
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Alberto Moravia a une très belle écriture, et produit une superbe analyse psychologique d'un couple en déconfiture.
Richard pense qu'Emilie l'aimait, et, par de petits indices, des attitudes, un ton, s'aperçoit qu'elle "cesse" de l'aimer. Une question obsessionnelle revient dans son esprit :
Pourquoi a-t-elle cessé de m'aimer ?
Elle répond par de l'indifférence ou des paroles vagues, et ça le travaille encore plus...
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Ce qui est intéressant, c'est que j'ai opéré des basculements de pensée, trois " phases".
D'abord, je trouve qu'Emilie n'est pas correcte, et humilie son mari.
Ensuite : mais non, c'est lui qui exagère à être lourd, harceleur et même violent : pauvre Emilie, pourquoi reste-t-elle ?
Enfin, ce Battista me fait penser à DSK ou Harvey Weinstein, un fortuné qui saute sur tout ce qui bouge, et il manque de savoir-vivre à détourner Emilie de son mari.
Bref, Richard est vraiment maso de laisser les choses se faire ainsi, car il ne le fait même pas par intérêt, ce n'est pas la promotion canapé, il aime vraiment sa femme.
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La comparaison Richard / Ulysse et Emilie / Pénélope est bien amenée. Ulysse est-il un héros antique, ou, comme le suggère le metteur en scène, d'après la version de James Joyce un homme dont les valeurs "modernes" ne s'accordent pas avec celles "antiques" de Pénélope, et qui part faire un long voyage pour prendre de la distance ?
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Bref, la question est éternelle :
qu'il est dur de choisir un conjoint avec lequel on sera sûr de partager les valeurs, et être heureux toute la vie terrestre... Et au-delà : )
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Je n'ai pas vu le temps passer. J'ai bien fait de lire "Le Mépris" aujourd'hui et non à vingt ans. Pour l'apprécier, il faut avoir vécu, je pense.
C'est un personnage en quête intellectuelle des raisons du désamour et du mépris de sa femme, que Moravia fait monologuer sur fond de l'Odyssée et de psychanalyse sommaire. Cette introspection minutieuse, déprimante et captivante est le fait d'une écriture incroyablement efficace mais qui ne manque pas de quelques notes de poésie, et qui force (ou facilite) l'identification tant à l'homme qu'à la femme. Les rapports hommes-femmes sont quelque peu désuets - il ne s'est pas écoulé plus d'un demi siècle depuis la sortie de ce roman sans modifier nos sociétés - mais c'est sans importance.
Il en ressort notamment que l'amour peut se passer de fidélité alors que la fidélité sans amour n'est rien, si ce n'est souffrance.
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C'est mon premier Moravia, un des plus célèbres grâce au film de Godard qui en a été tiré.
Un peu sceptique a priori, j'ai peu à peu été séduit par l'écriture de Moravia. C'est une peinture remarquable de justesse sur le délitement d'un couple, vu du côté masculin. Sa description des sentiments intimes, écrite à la première personnes, l'incertitude et l'incompréhension, les malentendus irréparables, tout cela est magnifiquement bien vu, et me fait penser à Zweig ou à Marai. Ce devait donc être un peu démodé dans les années 50. Mais Moravia avait en plus une façon assez directe de parler de sexe dans ses romans, qui était déjà plus moderne. Et puis il inscrit son histoire dans la société italienne contemporaine en lui tendant un miroir peu flatteur.
C'est aussi un roman sur le cinéma et la création. L'enchevêtrement d'ailleurs entre la relation amoureuse et l'orientation professionnelle dans le domaine de la création est remarquable et sent le vécu.
On y parle beaucoup de la manière de représenter l'Odyssée au cinéma et les différentes options présentées sont tellement appauvrissantes qu'elles sonnent comme une satire.
Bref c'est un roman riche et superbement écrit.
Comment expliquer alors que je sois un peu resté sur ma faim, que je ne sois pas enthousiasmé? Je ne sais pas vraiment. Peut-être est-ce la façon d'écrire comme un constat clinique, un peu froid et sans échappatoire, qui m'a paru réductrice. Mais elle est à découvrir, sans aucun doute.
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« le mépris« , pour beaucoup de gens, c'est avant tout le célèbre film (1963) de J.L. Godard, avec Brigitte Bardot.

Mais il s'agit avant tout du livre d'Alberto Moravia, auteur italien réputé entre autres pour « L'ennui » et « le conformiste« .
Si le début du film de Godard demeure célèbre (Bardot demandant lascivement à Michel Piccoli s'il aime chaque partie de son corps), l'incipit du roman n'en n'est pas moins fameux: Durant les deux premières années de mon mariage, mes rapports avec ma femme furent, je puis aujourd'hui l'affirmer, parfaits. L'objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l'aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou cru découvrir certains de mes défauts, me jugea et, en conséquence, cessa de m'aimer.

Ricardo est un jeune homme cultivé et passionné de théâtre. Pour palier aux envies de sa femme, il accepte des scénarios de films et s'éloigne de plus en plus de son idéal littéraire d'indépendance. Pris de compromis en compromis, son intégrité s'étiole au fil du roman, alors que son intention n'en demeure pas moins bonne. le mépris est l'histoire d'une spirale infernale, d'un labyrinthe sans issue, qui semble faire le jeu de la société moderne.
Roman sur le cinéma, comme le met en exergue Godard, « le mépris » aborde la question de la modernisation des moeurs et de la société. le film dont il est question de faire le scenario pour Ricardo n'est rien de moins que la célèbre « Odyssée » d' Homère. Fresque héroïque par excellence, elle contraste habilement avec les tribulations du scénariste italien. Un défi insurmontable pour le héros mortel?
Car en héros moderne, Ricardo endure mille tourments; la précarité, la peur de perdre un emploi, et l'estime de sa femme, les compromis douloureux avec sa boîte de production…Lui qui était un artiste, Ulysse un roi, tout deux se retrouvent jetés sur les chemins de l'errance par quelques facéties d'un dieu à l'humour cruel. Destin tragique, ou quête identitaire, « psychanalytique »? Moravia dépeint cette époque de la découverte de la psychanalyse, ou tout prend un sens intimiste et freudien.
A son réalisateur allemand qui entend donner un sens tout personnel et individuel à un Ulysse qui a peur de rentrer au foyer, héros civilisé et rusé, face à une Pénélope barbare et pétrie de tradition, Ricardo appelle un héros cathartique, pleinement « ancien », issu d'une époque révolu. Il a le goût du sacrifice sans réaliser que la cause, elle, est morte, ou pire, dépassée, déclassée.
C'est ce monde post-moderne, trop intimiste ou trop spectaculaire que décrit « le Mépris », au milieu duquel le héros flotte comme un individu solitaire, pathétique finalement, dans son incapacité à reprendre sa vie en main ou même à se résigner. Lutte perdu d'avance d'un héros antique en proie à des maux modernes, il souffre du mépris implacable de cet Emilia dont le mystère s'évapore peu à peu. de l'héroïne tragique, farouche nymphe, elle n'incarne que le drame de la petite bourgeoise en quête de stabilité et de protection masculine.
Moravia nous dépeint une société oscillant entre deux extrêmes, du grand cinéma à l'introspection de soi. Ricardo malgré lui incarne ce déséquilibre social. Homme de théâtre, il se « vend » au cinéma et à ses grandes productions pour les besoins bourgeois de sa femme qui le méprise finalement de cette bassesse. Entre ces deux écueils, quel issue reste t-il? C'est bien son impossibilité que Ricardo expérimente, car au bout de chaque chemin se trouve dressé comme un Sphinx moderne l'énigme du mépris contemporain.

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Tout le monde connait le film de Jean Luc Godard, vampirisé par Brigitte Bardot et Michel Piccoli, tout au moins par quelques extraits largement diffusés.
Tout ceci, pour les besoins de l'adaptation cinématographique, a à mon avis sérieusement dénaturé l'impression que l'on pouvait avoir de l'oeuvre d'Alberto Moravia.
On est dans l'Italie des années cinquante, et on va vivre avec des personnages, sans que l'on nous raconte véritablement une histoire. En effet le sujet est relativement minimaliste, et le livre est vraiment centré sur une étonnante étude et description psychologique des personnages qui vont vivre une lente mais inéluctable descente aux enfers sentimentale.
Une jeune femme, au bout de deux ans de vie commune n'aime plus son mari, et s'en détache lentement. Cela peut arriver ! Mais quoi de pire que d'en arriver au mépris ?
C'est une littérature très fine, très ciselée que nous offre Moravia.
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Partie pour écrire une critique sérieuse du livre, je finis par tout effacer. le Mépris me fatigue, c'est clair non ? C'est quoi : dissection d'un désamour progressif, nerfs extraits à la petite cuillère, allusions à l'histoire d'Homère et de Pénélope, pour ne pas faire croire au lecteur élitiste qu'on lui livre là une vulgaire soupe à l'eau-de-rose. Comme si la création moderne devait forcément faire circuler l'air vicié des oeuvres anciennes pour trouver légitimité.


Quiconque cherche trouvera dans ces pages des éléments pour essayer de comprendre son propre merdier. Et pourtant, qui sait si les sentiments et les comportements sont irrationnels. On ne peut que tendre vers leur compréhension mais cet effort, inhumain et inutile, nous renseigne surtout sur les bonnes raisons que nous avons de mépriser le sentiment.
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N°694 Novembre 2013.
LE MEPRIS – Alberto Moravia- Flammarion (1955).
Traduit de l'italien par Claude Poncet.

Le sujet de ce roman est celui du mariage d'un homme d'une trentaine d'année, Richard, un peu désargenté mais surtout fan de théâtre qui accepte pour vivre d'être scénariste de cinéma et d'Émilie ancienne dactylo et maintenant femme au foyer. Les deux premières années de cette union sont heureuses. Au départ, c'est un peu la vie de bohème mais la situation de Richard s'améliore vite avec de nouveaux projets de scénarios et le couple achète un appartement, une voiture... Peu à peu, il prend conscience qu'Émilie ne l'aime plus et cela le bouleverse puisqu'il n'a rien fait pour cela. Même si ce travail déplaît à Richard, l'éloigne de son épouse, il lui permet d'éponger les dettes du ménage. Petit à petit, le malaise qu'il vit au sein de son couple affecte son travail. Dès lors la question est simple : doit-il quitter Émilie ou abandonner son emploi pour la garder, est-ce l'absence d'enfant qui provoque cette atmosphère toxique ? Richard entame un dialogue mais ne parvient qu'à une affirmation de cette dernière : Émilie l'aime et veut qu'il garde son emploi, c'est à tout le moins ce qu'elle lui dit. Richard devrait être rassuré mais, imperceptiblement, il sent qu'elle lui ment, il l'interroge encore et de guerre lasse, à force de questions qui sont un peu une forme de harcèlement, son épouse lui avoue qu'elle ne l'aime plus, qu'elle le méprise et qu'elle veut le quitter sans pour autant mettre ce projet à exécution. le lecteur ne peut pas ne pas supposer un adultère d'Émilie, mais il n'en est rien. Elle se révèle par ailleurs incapable de formuler la raison de ce désamour nouveau, toute l'écriture du roman étant basée sur le raisonnement de Richard, sur sa quête, sur ses interrogations. Dès lors, ils mènent deux vies parallèles et l'ambiance au sein du couple est délétère mais, des motivations d'Émilie, de ses aspirations et des raisons qui la pousse à agir ainsi envers Richard, nous ne saurons rien puisque tout se passe, comme une longue introspection, dans la tête du mari délaissé. D'autre part, Émilie nous est présentée comme une femme d'intérieur assez effacée, d'une éducation un peu sommaire face à un mari artiste et créateur. Moravia souligne par là le fossé qui existe entre les époux qui se sont mariés par amour sans considération de leurs aspirations réciproques. Une fois l'amour disparu, il ne reste plus rien que le vide et le mépris de la part d'Émilie.

Plus tard, Battista, le producteur, propose à Richard d'écrire un scénario sur le thème d'Ulysse. Il souhaite que son travail s'approche le plus possible de la poésie d'Homère parce que ce concept plaira au public alors que Rheingold, le metteur en scène, un Allemand proche de Freud, considère, au contraire Ulysse « comme un homme qui appréhende de revenir auprès de sa femme » et voit dans cette oeuvre moins une expédition guerrière vers Troie et un voyage de retour de dix ans que le drame intérieur d'un homme qui souhaite fuir son épouse. Il soutient d'ailleurs que le roi d'Ithaque est parti en guerre moins pour délivrer Hélène que pour fuir son foyer, parce qu'il ne s'entendait plus avec son épouse Pénélope. Les deux visions s'affrontent donc et Richard, coincé entre eux, va devoir choisir mais le producteur qui n'aime guère la psychologie entend bien faire prévaloir son avis au seul motif que c'est lui qui finance le film. Cette ambiance de travail n'est guère favorable à la création d'autant que ce que vit Richard dans son couple s'apparente peu ou prou au scénario prôné par l'Allemand. Cette situation est soulignée par le procédé de mise en abyme. Ces quatre personnages se retrouvent à Capri dans la propriété de Battista et l'affaire se complique puisque qu'Émilie n'est pas insensible au charme de ce dernier et quitte son mari. Dès lors, Richard, trop prudent, trop servile peut-être puisqu'il dépend financièrement de Battista, se révèle incapable de vraiment réagir face à lui. Il ressemble ainsi un peu à cet Ulysse du scénario de Rheingold alors qu'Émilie campe sans le savoir, le personnage de Pénélope. le metteur en scène ne se prive d'ailleurs pas de lui faire remarquer sa lâcheté par rapport à Battista, mais à mots couverts, en usant de la métaphore grecque, en interprétant le comportement d'Ulysse. Il lui suggère de faire comme lui, d'éliminer le prétendant de sa femme c'est à dire le producteur. Richard s'y refuse[«  En substance, j'étais l'homme civilisé qui dans une situation de caractère primitif, en face d'une faute contre l'honneur, se refuse au geste du coup de couteau, l'homme civilisé qui raisonne même en face des choses sacrées ou réputées telles »] et au lieu de cela Richard songe à se suicider sans pour autant mettre son projet à exécution. Émilie quant à elle finit par formuler enfin une explication à son attitude au sein du couple : Richard n'est pas un homme puisqu'elle suppose que, pour consolider sa situation financière, Richard a poussé sa femme dans les bras de Battista. Elle le méprise donc à cause de cela, même s'il n'en est rien. Son mépris serait donc né d'une méprise.

J'ai relu avec plaisir ce roman découvert, comme bien d'autres ouvrages du même auteur il y a bien des années. Il est l'occasion pour Moravia de se livrer à ce qu'il aime, c'est à dire à une fine analyse psychologique de ses personnages autant qu'à un essai brillant sur le manque d'amour au sein d'un couple. Il nous rappelle que tomber amoureux illumine la routine de ceux qui croisent Eros, mais il ajoute tout aussitôt que ce sentiment appartient aux choses humaines c'est à dire qu'il s'use, que ceux qui le font rimer avec « toujours » sont des menteurs ou des inconscients et qu'on peut facilement oublier ce sentiment par intérêt. J'ai apprécié l'écriture, la poésie des descriptions (notamment celles des paysages de Capri), la finesse des observations. Cela dit quel peut être le message de Moravia ? Voulait-il opposer l'intellectuel qu'est Richard à Battista présenté comme un être « primitif » juste préoccupé par des questions matérielles. Il désire Émilie, a les moyens de sa conquête et ne voit pas pourquoi elle se refuserait. de son côté, cette dernière qui n'aime plus son mari et le lui fait savoir se comporte moins comme une victime que comme une sorte de proie consentante, l'arbitre ou le butin de cette lutte entre deux hommes que tout oppose. Elle a peut-être aussi l'occasion de changer de statut social et entend ne pas s'en priver.

Ce roman est connu surtout depuis que Jean-Luc Godard en fit une adaptation cinématographique en 1963 avec Michel Piccoli et Brigitte Bardot. Moravia reste pour moi un écrivain majeur, sans doute un peu oublié. En effet le lit-on encore de nos jours ?

Hervé GAUTIER - Novembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
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On se demande pourquoi, de nos jours, pratiquement aucun écrivain ne sait écrire comme Moravia.
Un auteur qui aurait vu, comme Moravia, autant de ses écrits devenus des films.
Si ce livre force l'admiration, c'est par son style à la fois naturel et fluide, par cette intimité qui se crée entre le lecteur et son auteur, par la qualité des descriptions physiques et psychologiques. La finesse avec laquelle l'auteur analyse chaque personnage, en faisant s'exprimer le héros perdu dans ses réflexions et sa femme qui peu à peu se détache de lui. a quelque chose d'un Flaubert et me touche profondément.

Par rapport au film de Godard, la différence est grande. Les images et le jeu des principaux acteurs rachètent la pauvreté du scénario, sa mauvaise adaptation, en se demandant si Godard a bien compris le roman...
La musique il est vrai, de Georges Delerue, ajoute un peu de grandeur à ce film.

Pour en revenir au roman, il est la signature d'un grand génie littéraire, qui semble être peu lu de nos jours, malgré le succès des nombreux films qui ont été tournés. À croire que les lecteurs n'aiment que les daubes et « méprisent » ce qui est admirable. J'espère me tromper.
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Le narrateur, Riccardo Molteni, est un jeune homme qui rêve de devenir écrivain et dramaturge. Mais il a épousé il y a deux ans Emilia, il en est très amoureux et après avoir vécu avec sa femme dans un meublé, il accepte un travail de scénariste que lui propose le producteur Battista même si ce travail ne lui plaît guère car cela va lui permettre d'acheter, à crédit, l'appartement dont rêve Emilia. Quand ils emménagent dans leur nouvel appartement, Emilia annonce à Riccardo qu'elle préfère qu'ils fassent chambre à part. Riccardo va n'avoir de cesse de comprendre pourquoi quelque chose a changé dans l'attitude d'Emilia à son égard. Une fois le premier scénario achevé, Battista propose à Molteni de travailler sur un nouveau film, avec le réalisateur allemand Rheingold, qui sera une adaptation de l'Ulysse d'Homère. Il a peu envie de s'engager dans ce travail mais Battista propose que lui-même, Rheingold, Riccardo et sa femme se retrouvent quelques jours dans sa villa de Capri pour travailler sur le scénario d'Ulysse. Riccardo finit par accepter et ils se retrouvent tous ensemble dans une belle villa qui fait face à la Méditerranée.

La grande force du roman tient dans le parti-pris de l'auteur de nous raconter l'histoire uniquement au travers de ce que perçoit, ressent, comprend le narrateur. le lecteur est dans la tête de Riccardo Molteni et uniquement là. Et nous assistons, impuissants, à la dérive de cet homme amoureux qui voit son amour se défaire avec comme torture supplémentaire le mépris que sa femme avoue ressentir pour lui. Ses efforts pour rationaliser cette situation, pour argumenter, pour contre-attaquer, pour sauver sa mise peuvent nous sembler pathétiques, voire méprisables, mais on peut y voir aussi une certaine forme d'héroïsme, cet héroïsme des faibles que défendait Romain Gary.

Histoire dans l'histoire, Moravia a placé son roman sous le signe d'Ulysse. Rheingold, le réalisateur allemand, voit dans cette épopée le récit d'un homme qui fait tout pour ne pas rentrer chez lui, car, selon lui, Ulysse et Pénélope ne sont pas heureux en ménage. Ulysse serait même méprisé par Pénélope car, avant de partir pour la Guerre de Troie, il n'aurait pas eu le courage de chasser les prétendants qui tournaient autour de sa femme. Bien-sûr Molteni s'insurge contre cette version psychanalytique du livre d'Homère. Mais elle l'obsède néanmoins et . Emilia, spontanée, franche, entière et prévenante est le personnage fort du roman, alors que Riccardo ploie et s'effondre. A travers les yeux de Riccardo, nous assistons, dans un livre écrit en 1954, au passage du sceptre entre l'homme et la femme. Pénélope peut bien désormais se passer d'Ulysse.
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