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sur 1606 notes
Je découvre Toni Morrison dans ce petit roman formidable de concision et d'intensité elliptique qui évoque la condition des Noirs dans l'Amérique en noir et blanc des années 50 et les terribles cicatrices imprimées par la guerre de Corée. Et un constat universel : jusqu'aux premiers combats pour leurs droits civiques, les Noirs n'ont été considérés comme des citoyens à part entière que pour les envoyer au casse-pipe.
Cependant, pas de manichéisme dans cette histoire pathétique qui voit un jeune soldat noir revenir brisé de la guerre de Corée et aller secourir sa petite soeur en danger de mort : la misère a creusé un chemin pour l'indifférence et la malveillance, y compris dans une communauté noire exsangue qui tente de trouver sa place au sein d'une communauté blanche prospère et raciste, mais parfois capable de solidarité.
A une époque où on pouvait impunément assassiner un homme parce qu'il était noir, Frank, en quête de rédemption, essaie péniblement de traverser l'Amérique avec l'aide du "Guide de Green", qui répertorie les adresses réservées aux Noirs, pour rejoindre sa soeur, Cee, et la sauver d'une mort certaine : et c'est à Lotus, le bourg haï de leur enfance, qu'ils finiront tous deux par trouver la sérénité.
Puissant, laconique et réaliste, un beau roman sur la ségrégation, l'enfance et la rédemption.
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Première rencontre avec Morrison pour moi, si l'on excepte le film Beloved, vu il y a longtemps et qui ne m'a pas laissé de souvenirs impérissables. Home est un court roman qui ne fait pas dans le détail et qui se soucie peu de ménager son lecteur. En d'autres termes, attendez-vous à avoir la gorge et les poings serrés pendant cette lecture.

Nous sommes dans les années 50 aux États-Unis, suivant Franck Money, récemment revenu de la guerre en Corée, et l'on va pouvoir goûter toute la violence et les horreurs de cette période foireuse de l'histoire américaine, à travers l'histoire de ce vétéran.
Souffrant de traumatismes et incapable de se réinsérer dans la société civile, Franck subit aussi les fantômes de son passé. Car à l'époque, nul besoin de partir au front pour subir la violence et craindre pour sa vie et celle de ses proches, surtout quand on est un afro-americain ayant grandi au Texas et en Géorgie.

Sur fond de ségrégation raciale et de lutte contre le communisme, hors et à l'intérieur des frontières, on suit la lente déchéance de notre personnage, qui intervient parfois à la première personne pour reprendre le récit en main. Celui-ci apparaît parfois comme décousu, avec des transitions dans le temps et l'espace sans logique apparente, mais qui va prendre progressivement tout son sens.
On ressort évidemment meurtri de cette lecture. La narration, souvent glaciale, nous plonge alternativement dans l'horreur et l'affliction, bien aidée par des personnages à fleur de peau, à qui la vie n'a bien souvent jamais fait de cadeaux.

Pas simple de faire une critique de cette oeuvre pour ma part, n'arrivant pas mettre des mots exacts sur mon ressenti, ni à en décrire vraiment ce qui m'y a plu. Ou ce qui m'a pris aux tripes, plutôt.
Des thèmes souvent vus dans la littérature américaine, mais abordés et développés de manière habile et puissante. Un livre à mettre entre toutes les mains, passé un certain âge évidemment.
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De retour de Corée, Frank tente de se reconstruire, d'oublier les images de ses amis morts et de se faire une place parmi les vivants. Mais les fantômes de la guerre continuent de le hanter et il peine à garder des relations stables. Quand il reçoit un appel au secours de sa petite soeur, gravement malade, il se lance sur les routes du sud pour la retrouver et la ramener à Lotus, la ville de leur enfance…

Première approche pour moi du livre audio, un support pas si facile en fait ! J'ai dans un premier temps eu des difficultés à me concentrer sur l'écoute, il faut accepter de ne rien faire d'autre en même temps pour fixer son attention. Je fais partie des lecteurs «lents », qui font des allers retours dans l'intrigue, relisent parfois la même phrase pour bien s'imprégner du texte, compulsent les annexes et les notes de bas de pages…donc sans le support papier j'étais un peu perdue !
Mais j'ai écouté cette histoire lu par Anna Mouglalis dont la voix grave et envoûtante m'a finalement happé. Très adaptée à l'écriture enveloppante mais non dénuée de violence de Toni Morrison, j'ai beaucoup apprécié son interprétation.
On retrouve ici les thèmes chers à l'autrice, ségrégation, folie, rédemption, mais j'ai jugé la forme plus accessible que dans Beloved, tout en y retrouvant la force poétique qui m'avait tant plu et marquée.
C'est un texte sur l'acceptation de soi;
c'est aussi un beau roman sur les liens fraternels et leur pouvoir d'apaisement si ce n'est de guérison. Et j'ai trouvé cette dernière idée très belle et touchante.
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« Cette maison est étrange. Ses ombres mentent. Dites, expliquez-moi pourquoi sa serrure correspond-elle à ma clé ? » (p. 9) Celui qui cherche à retrouver sa maison, son chez-lui, c'est Franck. Il s'est échappé d'un asile et il est prêt à tout pour revenir à Lotus, en Géorgie : prêt à traverser tous les pays, prêt à essuyer des humiliations, prêt à courir tous les dangers pour retrouver Cee, sa petite soeur qui a besoin de lui. Revenu de la guerre de Corée avec des souvenirs traumatisants qui confinent à la folie, Franck doit se réhabituer à la vie civile, laisser ses démons derrière lui et ne pas plonger dans le traître et éphémère réconfort d'une bouteille de whisky. « Voilà que revenait la rage incontrôlée, la haine de soi déguisée en faute de quelqu'un d'autre. » (p. 22)

En parallèle, on suit la vie de Cee depuis que Franck s'est enrôlé. La jeune fille qui ne pouvait compter que sur son frère est tombée d'illusions en déconvenues. Elle est en bien mauvaise posture quand Franck la retrouve, mais elle a appris à s'occuper d'elle. Si son frère lui sauve la vie, elle n'a désormais plus besoin de l'intense et constante protection dont il l'entourait. Cabossés par l'existence, le frère et la soeur s'aiment toujours autant, mais leurs peines respectives les ont fait grandir et s'ouvrir au monde. Pour Franck et pour Cee, il est désormais temps de trouver leur foyer et d'apaiser leurs peurs et leurs douleurs. Une vie de souffrance leur a appris à être libres et à vivre pour et par eux-mêmes et leur a permis de comprendre que chacun est sa propre maison, que chaque coeur libre est une demeure solide.

Toni Morrison s'attaque à un autre pan de l'histoire des Noirs américains. Après l'esclavage, elle aborde la ségrégation et pointe les cruelles injustices de ce peuple déraciné, sans cesse empêché de s'intégrer. « Une armée où les noirs ont été intégrés, c'est le malheur intégré. Vous allez tous au combat, vous rentrez, on vous traite comme des chiens. Enfin, presque. Les chiens, on les traite mieux. » (p. 25) Home est plus court que Beloved ou Love, il est aussi moins dense et plus digeste. Entre la narration au style indirect et les chapitres en italique où Franck se livre, voire se confesse, le lecteur découvre toute l'horreur d'une enfance mal aimée et le drame d'une Amérique qui ne reconnaît pas ses héros et qui tremble devant une menace rouge fantasmée.

J'ai été bouleversée par les passages où Franck parle des femmes, faisant d'elles des anges salvateurs même si elles ne sont que des cocottes ou des emmerdeuses. Pour cet homme meurtri qui flirte avec la folie, la douceur féminine est plus qu'un baume, elle est un chant d'espoir et la promesse d'un lendemain plus serein. « Elle avait quelque chose qui m'a stupéfait, qui m'a donné envie d'être assez bien pour elle » (p. 76) Et d'autres passages m'ont noué la gorge, quand Franck évoque l'enfant qu'il était et l'amour surprotecteur qu'il éprouvait pour sa soeur, les deux gamins ayant grandi en se soutenant l'un l'autre. « Sans mes deux amis, j'aurais étouffé vers l'âge de douze ans. C'étaient eux, en plus de ma petite-soeur, qui maintenaient à l'arrière-plan l'indifférence des parents et la haine des grands-parents. » (p. 89)

C'est un sans faute pour Home qui m'a émue au-delà des mots.
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Dans l'Amérique ségrégationniste des années 1950, Frank doit traverser le pays pour rejoindre sa soeur malade. de retour de la guerre de Corée, il a du mal à faire face à ses souvenirs, à ses traumatismes.


"Home" fait partie de ces romans qui peuvent changer notre compréhension de l'Humain. Petit à petit la vie de Frank et de ses proches nous est dévoilée : son enfance difficile, sa relation avec sa soeur Cee, sa relation aux femmes...
Et par la vie de Frank, l'auteur nous parle de rédemption, de culpabilité et l'expression "les fantômes du passé" prend ici tout son sens. Elle nous parle aussi de l'Amérique de cette époque, comment étaient traités les Noirs, le maccarthysme.

Toni Morrison a écrit un roman très court ; à se demander comment elle peut y aborder toute une vie d'homme. Mais c'est pourtant ce qu'elle fait. Il n'y a aucun remplissage dans ce roman, pas un mot de trop. L'auteur va à l'essentiel et peut dire beaucoup en une simple phrase. Ce qui est à mon avis la maîtrise absolue de l'art d'écrire. le style est exquis, la construction du roman parfaite.
Lien : http://mumuzbooks.blogspot.f..
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150 pages d'une écriture finement ciselée, qui parle du sud des États-Unis dans les années 50. On y retrouve les misères du racisme envers les noirs qu'on traite moins bien que les chiens, la misère aussi des enfants qui découvrent la « beauté » du monde.

Parmi les thèmes abordés, je retiens celui de la culpabilité. Culpabilité du soldat pour les actes commis pendant la guerre, mais aussi culpabilité d'être encore en vie alors que ses compagnons sont morts. Culpabilité de la victime qui se sent coupable de s'être fait avoir, de ne pas avoir été capable de se défendre, culpabilité aussi d'un inconnu qu'on a obligé à se battre à mort et dont « sa vie, dont je doute qu'elle ait valu grand-chose pour lui après ça. ».

Heureusement, un autre thème est porteur d'espoir, celui de la résilience, la force tranquille de ces femmes qui travaillent sans relâche, qui soignent même celle qui ne le mérite pas, qui oublient la haine et la vengeance pour continuer à vivre. Malgré toutes les difficultés, elles créent un chez-soi, un « home » pour que la vie continue.
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Plus un texte est court, plus il se doit d'être efficace et intense. le dernier roman de Toni Morrison a indiscutablement ces deux qualités, et bien d'autres encore… Il ravira tous les adeptes de l'auteur et surtout ceux qui ne la connaissent peut être pas encore, Home est l'un de ses romans les plus accessibles. C'est une plongée frémissante dans une Amérique encore frappée par la terrible ségrégation raciale et rongée par le maccarthysme.

Frank Money vit dans un monde où les "cagoules blanches" mènent la vie dure aux siens, un monde dans lequel "les médecins ont besoin de travailler sur les pauvres qui sont morts pour pouvoir aider les riches qui sont vivants", un monde dans lequel "les flics tirent sur tout ce qu'ils veulent ", même les enfants, fouillent les pauvres types dans la rue et leur confisquent le peu d'argent qu'ils ont, un monde dans lequel on tue les gens qui refusent de quitter leur maison quand on le leur demande. Frank est noir et il habite l'Amérique des années 1950. Enfant, alors qu'il regarde, en compagnie de sa soeur, Cee, des chevaux se battre, "se dresser comme des hommes ", Frank assiste à quelque chose qu'il n'aurait jamais dû voir, l'enterrement à la sauvette d'un homme dont il ne verra que le pied, noir. Des années plus tard, de retour de Corée où ses deux meilleurs amis sont morts de manière forcément atroce, où il a laissé une partie de sa raison et de son insouciance de jeune homme, il essaie de se reconstruire aux côtés de Lily, rencontrée à la blanchisserie où elle travaille. le réapprentissage de la vie est difficile et les occasions de péter les plombs nombreuses. Hanté par des souvenirs douloureux, Frank avance comme il peut, entre moments de répits et crises d'angoisse. Jusqu'au jour où il reçoit un courrier lui annonçant que sa soeur est en danger de mort et qu'il doit venir très vite s'il veut la sauver. le chemin est long, de Seattle à Atlanta, dans sa Géorgie natale, pour aller la retrouver, long et semé d'embûches pour qui ne connaîtrait pas les lieux à éviter. Mais rien ne l'empêchera de ramener Cee qu'il a toujours protégé, vers la ville de leur enfance, Lotus, qu'il a pourtant jadis qualifié de "pire endroit du monde"…

Dans ce court roman (153 pages) incroyablement dense, on retrouve tout le talent et l'efficacité de Toni Morrison. La structure du texte est remarquable. La force de son écriture, belle et subtile, est présente du début à la fin. Les grands thèmes de l'auteur sont là: les origines, le racisme, la détresse, l'enfance, la folie, la possibilité de rédemption. Partageant son récit entre le frère et la soeur, elle équilibre parfaitement ce qu'elle veut nous transmettre : la difficulté de cette jeunesse maltraitée à trouver sa place ; le poids de l'Histoire et de la famille ; l'injustice qui semble immuable ; le cauchemar de la guerre. Ne cédant pas au pessimisme, elle montre que le chemin vers un certain bonheur est difficile mais pas insurmontable, que la force de caractère mène à la guérison et que, même blessé, l'être humain peut s'en sortir. Un livre pour ne pas oublier, pour continuer la lutte, pour rester humain.
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Difficile, quand on garde un souvenir tellement fort de Beloved, de ne pas être un peu déçue par tout autre roman de Toni Morrison... Home est un court roman, il se lit vite. Il n'en est pas moins fort, touchant, dans sa briéveté et sobriété.
Frank est le personnage principal. Tantôt évoqué à la troisième personne, tantôt à la première, c'est lui qui donne à l'auteure et narratrice la voix de son récit, c'est lui qui, en réalité, la met dans l'impossibilité de narrer ce que c'est que la guerre, le froid ou la chaleur intenses: "Vous ne savez pas ce que c'est que la chaleur tant que vous n"avez pas traversé la frontière entre le Texas et la Louisiane l'été. Vous ne pouvez pas trouver de mots pour la capturer. Les arbres renoncent. les tortues cuisent sous leur carapace. Décrivez-moi ça si vous savez comment."
Rentré au pays, hanté par le cauchemar qu'a été la Guerre en Corée, il traverse les états pour secourir sa soeur menacée de mort. Racisme, pauvreté, ségrégation, indifférences et maltraitances traversent le roman. . Une chose m'a surprise, agréablement finalement: c'est que Toni Morrison ne prend pas la peine de préciser que ses personnages sont des Noirs, et évoluent dans un monde de Noirs américains (afro-américains on devrait dire, quelle aberration...) et d'ailleurs, pourquoi devrait-elle le préciser? Prévient-on le lecteur lorsqu'il s'agit de Blancs? Cela dit, ça a quand même largement son importance, dans les romans de Morrison.
Autant le dire tout de suite, si le récit à multiples personnages et cette voix de Franck qui sépare les chapitres sont très prenants, si pas mal de passages sont choquants et malheureusement sans doute très réalistes, et si on devine une écriture travaillée, sobre et fracassante, je n'ai pas été convaincue par la traduction. Les dialogues notamment sont à peine crédibles, ainsi que dès que la narration se veut orale...
J'avoue, lire en français me repose, mais je me dis souvent que la version originale est quand même la meilleure.
Si ce n'était pas du Toni Morrison, je dirais que ce roman est excellent. Mais je dis que c'est un bon cru, qui en peu de mots, en dit beaucoup sur les Etats-Unis.

Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..
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Challenge Nobel 2013/2014

Au retour de la guerre de Corée, Frank plonge dans l'alcool. Traumatisé par la mort de ses deux amis d'enfance sur le front, et des horreurs qu'engendrent la guerre. Il trouve cependant un peu d'apaisement dans sa relation amoureuse avec Lily. Mais un courrier, l'informe que sa soeur est en danger et il part à son secours. Cee est séquestrée par un médecin mal intentionné à son égard.
Tous deux très solidaires dans leur enfance vont-ils retrouver les mêmes sensations ou seront-ils différents après les épreuves que chacun a subi.

On a beau savoir que ce roman est une fiction, il nous révèle des vérités sur une période de l'histoire des États-Unis peu glorieuse avec la ségrégation et la racisme. La lecture de ce livre est remarquable grâce à une force d'écriture.
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Un choc!
Il n'est pas besoin de beaucoup de mots pour dire l'essentiel. La condition des noirs aux États-Unis, et notamment en Géorgie, état du Sud, nous est envoyée au visage sans précaution. Pas de grandes phrases, mais des récits terriblement évocateurs.
Nous sommes dans les années 1950. Frank rentre traumatisé de la guerre de Corée. Toutes les guerres ont leurs horreurs, mais la pire est sans doute ce qu'elles suscitent chez ceux qui la font. Frank lutte pour survivre à ses démons et aux brimades incessantes que les noirs ont à subir. Il pourra compter sur la solidarité de frères d'infortune. Puis un message lui parvient: sa soeur est en danger de mort. Il lui faut retourner là où il ne désirait pas revenir, en Géorgie.
Mais a-t-on un chez soi quand est noir? quand le pays auquel on appartient vous traite pire qu'un citoyen de seconde zone? Dans ce pays, on peut vous chasser du lieu où vous vivez, vous brutaliser, vous tuer, et même pire.
Alors qu'est-ce que cela signifie 'rentrer chez soi'?
Ce livre est le récit d'un homme qui cherche confusément une réponse à cette question.
Ce livre est court. Ne le lisez pas trop vite. Il suscite la réflexion à chaque page. Il est court mais indispensable.
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