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sur 1116 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Wahhch Debch, canadien d'origine libanaise, découvre sa femme enceinte assassinée, atrocement torturée. Poussé par une nécessité intérieure qu'il ne comprend pas forcément, il décide de partir à la recherche du tueur. Les premières pistes l'emmènent dans une réserve indienne dans laquelle les autorités n'ont pas droit de cité. Mais plus qu'une chasse à l'homme, c'est une plongée dans sa propre histoire qui attend Wahhch.


C'est un roman étrange que signe le Québécois d'origine libanaise Wajdi Mouawad ! le trait le plus étrange, et le plus significatif, est bien sûr que l'histoire nous est racontée au travers du regard d'animaux, grosses et petites bêtes, qui croisent la route de notre héros, qui cherche au fond la vérité de sa propre histoire. Seule la quatrième et dernière partie, qui est également la plus courte, nous est contée par un "homo sapiens sapiens" (bien que, dans le roman, la plupart de ceux qui se tiennent sur deux pattes ne méritent pas vraiment le qualificatif de "sage" !!). La violence dans Anima est omniprésente, les actes des hommes sont souvent insoutenables. C'est le regard animal qui donne au lecteur le détachement suffisant pour avancer dans l'histoire. Si les animaux suivent Wahhch, c'est parce qu'ils reconnaissent en lui une part d'eux-mêmes ; certains l'aideront, d'autres seront aidés, d'autres enfin retourneront simplement à l'activité qui est celle de leur race. Ce qui est étrange également dans ce roman, qui saute aux yeux, c'est que l'humanité et la bestialité ne sont pas souvent du côté où on pourrait/devrait les attendre.

S'il faut un peu de temps pour s'habituer aux changements de perspectives liés à la gente animale qui prend parole lors du chapitre (ne maitrisant pas les noms latins, j'ai eu le plaisir de découvrir dans le texte à quelle espèce appartenait le narrateur d'un temps), le livre devient vite difficile à lâcher : envoutant, hypnotisant, repoussant, à la limite du supportable parfois, on s'acharne à suivre notre héros malmené dont on ne fait que deviner les états d'âmes et les raisons qui le poussent à suivre sa quête. Nous, nous poursuivons, dans l'espoir d'un peu de lumière, d'un peu de paix, d'un moment de rédemption, pour lui, pour l'humanité qu'il décrit. Mais Anima est résolument un roman noir d'une très grande force, et le mieux que son auteur semble proposer, c'est regarder en face ce que l'on est, être en accord avec soi-même (quel qu'en soit le prix!), et croiser la route d'un Mason Dixon Line.

Anima est une très belle découverte, noire, envoutante et originale. A réserver aux "âmes insensibles" !
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Comment parler d'un tel monument. J'ai pris un coup de poing dans l'âme à le lire.
De retour à la maison, Wahhch retrouve sa femme morte, poignardée, la dépouille profanée d'une ignoble façon et c'est un doux euphémisme. Fou de douleur, Wahhch part à la recherche de son meurtrier, non pour le tuer mais pour le voir et être certain qu'il n'était pas, lui-même, le monstre. « Cet homme-là, si cela avait pu dépendre de sa volonté, aurait préféré confier sa raison à la démence au lieu d'être mesuré dans sa douleur comme il l'était » raconte le grand corbeau
Les animaux seront les grands témoins de cette fuite en avant et, tout à tour, se relaieront pour raconter l'histoire. Cette figure de style, ces voix hors champ servent de soupape de décompression tant, à certains moments, le livre côtoie l'insoutenable.

Dans les premier et second actes, le titre des chapitres, en latin, est celui de l'animal témoin. Nous croiserons toute une gente ailée, des insectes, des animaux domestiques, sauvages, nocturnes…. Au 3ème, les titres sont ceux des villes traversées ou celles qui sont importantes pour son histoire. Ces villes ont des consonances connues : Oran, Jerusalem, Thebes, Cairo… Il y a là une inversion car c'est un dialogue à deux voix, celle de Wahhch et celle du canis lupus lupus, ce loup devenu chien, qui l'a sauvé d'une mort certaine et de l'enfer. En effet, il va retrouver les témoins de sa prime enfance. Il y a un parallèle entre son sauvetage par le loup-chien et ce qui a déterminé le reste de sa vie.
Dans ce livre, nous passons de la guerre de sécession au martyr de Sabra et Chatila, des réserves indiennes à la Palestine, au Liban. Il faudra à Wahhch Debch traverser les Etats-Unis pour découvrir ce qui le hante, pour fermer les vannes des souvenirs, des questions et, surtout, comprendre. Il y trouvera des êtres immondes et violents, mais également des personnages qui le feront avancer, qui le soutiendront physiquement et moralement.

Wahhch Debch est parti à la recherche de son Anima. Il y a sûrement perdu une partie de son âme, mais il a trouvé la vérité. La route de cette vérité se termine à Animas, petit village au sud du Nouveau-Mexique pour mieux repartir vers d'autres territoires.

A certains moments, je ne pouvais plus quitter ce livre et, à d'autres, un ressort me sortait de ma chaise longue tant il fallait que je marche pour digérer ce que je venais de lire.

C'est vraiment une belle oeuvre. « le fleuve glissait dans son vêtement de khôl, la glace en plaques cadenassait sa puissance. Il était dans sa lenteur et nous dans sa fraîcheur » nous dit le goéland poète. Des phrases belles comme celle-ci, il y en a beaucoup dans ce livre que j'ai aimé car quelle écriture ! C'est un livre dur, quelque fois cruel mais jamais voyeur.

J'avais aimé sa pièce de théâtre « Rêves » jouée, entre autres, par Coline. Dans ce livre, il y a toujours l'urgence, la violence, la réalité, le surréalisme, le fait de passer par des « voix off », mais multiplié par 100 et une telle force dans l'écriture. Oui vraiment un gros coup de coeur.
Je ne suis pas certaine d'avoir réussi à vous parler convenablement de ce livre tant tout se bouscule en moi, mais je vous le recommande chaudement.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Madame la libraire de Bergerac, vous m'avez chaudement recommandé cet ouvrage et suggéré de vous faire connaître mon ressenti à sa lecture. Je le fais volontiers dans les pages de Babelio. Il me reste maintenant à ne pas trahir ma satisfaction, cette surprise d'avoir apprécié ce roman d'un genre qui n'est pas de ma prédilection.

Je n'ai en effet pas de passion pour le "gore". Je cherche donc encore les raisons qui m'ont poussé à aller au bout de ce road movie sanglant. Mais je vous l'affirme dans ces lignes, Anima fait partie de ceux qui ont rivé mes yeux sur leurs pages au point de mettre ma ponctualité en danger. Force m'est donc de confirmer votre encouragement et de l'applaudir de mes deux mains, ensanglantées, au moment de reposer ce roman sur son rayonnage. Oui, j'ai beaucoup aimé.

Wahhch Debch, son héros, est parti sur les traces de l'assassin de sa femme. Pas pour se venger. Pour le regarder dans les yeux. Pour comprendre. Mettre un visage humain sur la sauvagerie. Une forme d'exorcisme. Tuer est un acte qui doit répondre à une loi occulte. Mais la sauvagerie, trouve-t-elle une justification quelque part ? Il n'y aura que le regard pour le dire.

Sur son chemin les animaux l'observent. Ce sont eux les narrateurs de son parcours en quête d'apaisement. Ils racontent le monde des hommes tel qu'ils le voient. Sans jugement. Des perceptions seulement, selon le sens le plus développé de l'un ou de l'autre. L'odorat avant tout. Il identifie sans faille et décode même les intentions. L'odeur, du sang, des humeurs, des vapeurs artificielles dont s'ennuage l'espèce humaine. La vue, des gestes du prédateur. Les cris, ceux de la victime. Le goût, qu'ils n'ont si peu, parait-il. Le toucher, des matières, la caresse parfois, les coups plus souvent, la déchirure des griffes et mandibules. Et puis ce sixième sens que n'a pas l'homme, la perception du danger. L'intuition.

Point de sagesse, point de sottise chez les animaux. Point d'étonnement ou de contentement. Sur le parcours de qui cherche l'assassin de sa femme, ils observent cet autre animal dont on vante la supériorité de l'intelligence. Et pourtant, ce bipède avide de toujours plus, pétri d'orgueil et de cupidité, si poltron devant la mort, convoite, jalouse, s'arroge des pouvoirs, condamne. De quel droit, quand ce n'est pas pour survivre ?

Le procédé narratif donne à cet ouvrage son originalité. Son "origénialité" me permettrais-je de dire si j'avais le pouvoir d'inventer des mots. De ce procédé narratif, on en tire la conclusion qu'aucune bête au monde, même quand elle se repaît des entrailles de sa proie, ne rivalisera avec la trivialité et la bassesse humaines. Les animaux, qu'ils soient chat, chien, mouche, corbeau, mais aussi blatte ou araignée, souris et tant d'autres encore qui nous racontent le passage de Wahhch Debch dans leur champ de perception nous disent tous que l'horreur est humaine. La vérité quant à elle est animale. Car dénuée de préjugés, de haine. Relisons au passage le monde vu par le poisson rouge dans son bocal. Mémoire de poisson rouge. C'est du vrai talent. C'est avec cette approche de la nature humaine que l'on mesure le génie de ce procédé narratif si original.

Pourquoi l'ai-je donc lu jusqu'au bout cet ouvrage ? Pourquoi m'a-t-il collé aux doigts ? Pas à cause de l'hémoglobine. Car au final j'ai perçu que l'intention n'est pas dans le sordide. C'est un artifice. L'intention est ailleurs. Je l'ai lu jusqu'au bout sans doute parce qu'en qualité de membre d'une espèce capable d'amour, je me suis senti le devoir d'assumer aussi ses manifestations de haine. Peut-être aussi me suis-je dit qu'un monstre sommeille en tout homme et que l'amour que j'ai reçu dans ma vie l'a entretenu en moi dans son hibernation. Quelle chance. Mais plus surement l'ai-je lu jusqu'au bout parce que j'ai moi aussi la conviction qu'on guérit d'autant moins de son enfance lorsqu'elle a été baignée d'épouvante. Ou encore ai-je été fasciné qu'un auteur trouve les mots, le style pour traduire le glauque, le monstrueux, sans révulser son lecteur ?

Anima est un ouvrage certes dur, mais tellement atypique. Le dénouement est superbement amené. Ce roman témoigne d'un vrai talent. Ne vous laissez pas rebuter par le choc des scènes de violence. C'est la nature humaine. Laissez les animaux vous le raconter.

Homo erectus horribilis. Ça aussi je l'ai inventé. Mais ce pourrait être le titre du chapitre dédié à notre espèce.
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Oh, comme il est dur, noir, beau et glaçant, ce roman… Dès les premières lignes – le moment fatal où le personnage principal, Wahhch Debch, découvre sa femme assassinée – « Anima » nous prend aux tripes, une griffe d'acier qui s'enfonce dans notre estomac et nous entraîne de page en page, fascinés et révoltés à la fois. Lecture difficile donc, presque insupportable par moment dans sa brutalité sans fard, mais quelle épopée pourtant ! Quelle sanglante et magnifique odyssée !

Mais commençons par le commencement. Et le début de toutes choses, c'est Wahhch tétanisé devant le corps monstrueusement massacré de son épouse, si assommé de douleur que plus rien ne semble pouvoir l'atteindre, ni la compassion des amis, ni la souffrance de la famille, ni les regards investigateurs de la police. Wahhch dans l'esprit duquel s'insinue un doute affreux : et si c'était lui ? Si c'était lui qui avait fait cela à Léonie ? Lui qui l'avait violée, tuée, avait assassiné l'enfant qu'elle portait dans son ventre ? Soupçon horrible qui le ronge jusqu'à la folie et dont le seul moyen de se défaire est de partir sur les traces du meurtrier, non pour se venger, ni même pour le livrer à la police, mais pour voir son visage et se prouver qu'il n'est pas responsable de la mort de sa femme. Commence alors une quête éprouvante qui mènera Wahhch à travers tout le nord de l'Amérique jusqu'à la mystérieuse ville d'Anima où violences passée et présente se mêleront dans un final aussi splendide que violent.

Cette chasse sanglante ne nous sera pas contée par Wahhch lui-même, mais – et c'est là, l'idée géniale de Wajdi Mouawad qui hisse ce roman au statut de chef d'oeuvre – par une multitude de narrateurs : les animaux ! Chiens errants, goélands planant au dessus de la ville, lucioles dansant dans le crépuscule, chats, renards, mouches, chevaux… C'est par leurs yeux et leurs oreilles que le lecteur suit l'odyssée de Wahhch, partage ses peines et ses terreurs. Une intuition brillante, fabuleuse même, qui, loin d'alourdir le récit, lui donne une toute autre dimension et insuffle aux scènes les plus épouvantables une troublante beauté. Contrairement à ce que l'on pourrait craindre, ce procédé ne semble jamais artificiel : chaque scène et chaque point de vue animalier s'enchaînent avec une étonnante fluidité et contribuent à rendre le roman impossible à lâcher.

Brutalité candide du monde animal et violence perverse des hommes, beauté brulante des paysages et immobilité glaçante des villes… « Anima » est un roman tout de contrastes, d'échos et de subtilité : un merveilleux voyage aux confins de la bestialité et de la sauvagerie, parsemé d'éclats de tendresse et de douceur parfois plus cruels que les pires des crimes. C'est beau, poétique, effrayant, incontournable. Je n'aurais pu trouver meilleur livre pour débuter cette année 2013 !
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Typiquement le genre de bouquin monstrueux dont on sort sonné (et il faut reconnaître que c'est bonnard).
Wahhch Debch découvre le cadavre abominablement mutilé de son épouse, et sa vie bascule dans la folie des hommes. Il se lance à la poursuite de l'assassin, non pour se venger mais pour s'assurer que ce n'est pas lui. Sa quête va le mener dans les réserves indiennes canadiennes, puis dans le Midwest et le Southwest américains, et bien plus loin encore, dans les confins de sa mémoire, de sa conscience, et de son existence. Particularité supplémentaire de cette quête : elle est racontée par des animaux.

Dès la première page, ce roman prend aux tripes ; normal, avec cette polyphonie animale qui parle au ventre sans passer par le cerveau, car au-delà des mots. Félins, canins, oiseaux, poissons, rongeurs, insectes, équidés... tous ceux qui ont aperçu ou croisé Wahhch relatent ses faits et gestes, et surtout ressentent et expriment son intense tristesse. J'ai été prise au dépourvu et bouleversée par la pureté et la bonté de ces témoins muets et souvent invisibles, qui ne jugent pas mais observent les hommes et compatissent à leur malheur. Pour autant, l'auteur ne dresse pas une fable écologique, et il n'oppose pas les uns aux autres -si certains représentants de l'humanité sont parfois désespérants de férocité, d'autres personnages sont d'une grâce bienfaisante.
En outre, j'ai été envoûtée par la poésie de Wajdi Mouawad, par son écriture mystique qui, par le biais animal, va à l'essentiel et se concentre sur la course des nuages, la couleur du ciel, la lumière du soleil, la chaleur de la terre, la fraîcheur de l'eau, l'odeur de l'herbe, et puis les regards qui révèlent et les émotions qui transpirent. C'est à la fois léger et grave, d'une beauté qui m'a profondément émue.
Enfin, il y a le récit en lui-même, dont la trame se dédouble tout en restant cohérente malgré ses rebondissements inopinés ; qu'importe, je suis restée emportée par l'histoire, tant l'auteur m'a donné envie d'y croire, et même si certains passages sont très durs, à la limite du supportable -comme le dit Wahhch : "Depuis que le monde est monde, le ciel n'a rien vu de plus bestial que l'homme."

C'est donc une expérience littéraire qui m'a laissée sur le derrière, et je salue l'audace de Mouawad, sa prise de risque à écrire quelque chose d'aussi fou et d'une façon aussi incroyable. N'hésitez pas à tenter l'expérience, vous aussi ; vous en sortirez forcément chamboulés (prévoyez quand même un coussin moelleux pour vos petites fesses).
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Un livre époustouflant!
Wahhch Debch retrouve sa femme abominablement assassinée. Meurtri jusqu'au plus profond de lui-même, il se lance à la poursuite de l'assassin, moins poussé par un désir de vengeance que par une absolue nécessité. En effet, le meurtre de Léonie, sa femme, a rouvert une blessure antérieure, jusque là recouverte par les évènements de la vie. Traversant plusieurs états d'Amérique, c'est pourtant sur les chemins de sa mémoire enfouie que Wahhch voyagera surtout, jusqu'à l'ultime explication. Il découvrira alors sa propre vérité.
Incroyable narration où ce sont les animaux qui témoignent des agissements du héros! Les descriptions sont instinctives, ressenties: odeurs, couleurs, sensations...
C'est un roman noir, un voyage au coeur de la souffrance d'un homme; une oeuvre où la barbarie côtoie la sagesse amérindienne. L'histoire d'une résilience au prix d'une victoire sur ses peurs les plus terrifiantes.
Un chef d'oeuvre!
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Dix ans, dix ans, c'est le temps qui a été nécessaire à Wajdi Mouawad pour écrire ce roman. Tout part du meurtre de Léonie, compagne de Wahhch Debch. Un meurtre innommable.

Wahhch quittera tout pour se mettre à la poursuite de l'assassin. Il est intouchable, car il est indien, et toute personne étrangère à la réserve, ne peut y entrer, quel que soit le crime commis. L'assassin est donc à l'abri des autorités, d'autant plus qu'il est « protégé ».

Cette quête va mener Wahhch Debch au bout de lui même, non seulement, il trouvera ce qu'il cherchait, mais cela ouvrira chez lui d'autres plaies qui le suivent depuis l'enfance. Un écran s'est déchiré en lui depuis le crime. Des bribes de souvenirs que son esprit avait occulté jusqu'à présent reviennent à sa mémoire. Il devra tirer le fil d'airain afin de comprendre ce qu'il a vécu étant petit.

Ce que va découvrir Wahhch Debch est plus effroyable que tout ce qu'il a pu imaginer.

Chaque page de ce livre est une plaie ouverte. Par-ci, par-là, une poche s'ouvre pour permettre au lecteur, pour une courte durée, de reprendre son souffle, avant de le replonger dans l'ignominie. Il n'y a pas de limite à la cruauté de l'homme et de sa capacité à plonger au pire de l'humanité.

J'en ai lu des histoires qui racontent l'atrocité dont sont capable les hommes, mais là j'ai encore découvert un pas de plus vers ce qu'il y a de plus abjecte en l'homme. Wajdi Mouawad imagine son histoire d'abord à Montréal et ensuite en Amérique, dans les réserves d'Indiens, mais cela aurait pu être dans n'importe qu'elle autre partie du monde. Car, une guerre n'est et ne sera jamais propre. Où que l'on soit, une guerre est une atrocité et reste une atrocité et laisse place à ce qu'il y a de plus cruel et de plus vil en l'homme.

Car ce à quoi fait référence Wahhch Debch, c'est la guerre au Liban et notamment le massacre de Sabra et Chatila pour laquelle une amnistie générale a été déclarée. Aucun procès ne peut et n'aura jamais lieu.

Un livre fort, puissant, de part les mots et de part l'histoire. La spécificité de ce roman est que les narrateurs sont les animaux croisés par Wahhch Debch, lors de ses quêtes, que ce soit des mammifères ou des insectes. Ils n'ont pas d'état d'âme sur les actes des hommes. Ils se contentent de narrer ce qu'ils voient. En cela, ils reconnaissent Wahhch Debch comme l'un des leurs. Chaque chapitre commence par le nom d'un animal en latin. J'ai découvert, par ce biais les noms scientifiques du monde animal qui nous entoure. Alors, Wahhch Debch saura-t-il retenir la bête qui est en lui, la maîtriser, la rendre docile ou au contraire lui laisser libre court ? le monde étant ce qu'il est, tout n'est jamais blanc ni jamais gris.

Un livre inoubliable, qui m'a remué jusqu'au fond de l'âme. magnifique !
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Baudelaire avait pris de la boue pour en faire de l'or. Wajdi Mouawad est le nouvel alchimiste. Les plus extrêmes violences du XX° siècle se métamorphosent en un récit poétique qui donne voix aux animaux qui nous entourent, nous hommes aveugles à eux.
Peu à peu, l'acte de sang individuel va céder la place aux tueries collectives (guerre de Sécession, guerre d'Algérie, massacre de Sabra et Chatila) pour revenir à un nouvel acte individuel, acte ultime qui unit Wahhch l'humain au chien monstre.
Il en faut des voix pour relater la quête de Wachhch et de sa douleur. de la fourmi au corbeau, du cheval d'abattoir au chat domestique, de la blatte à la colombe, chacun a une perception propre, tous ont une voix singulière.

Jamais Wajdi Mouawad ne cède à la facilité. Chaque phrase vibre, la beauté sourd de partout. Chaque évènement résonne. La violence est partout.

Et dire que ce livre fait partie de la rentrée littéraire 2012 et que l'on ne parle pas de lui...

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En rentrant chez lui, Wahhch découvre sa femme assassinée d'une manière horrible.
Il va sillonner les routes du Canada aux Etats-Unis en passant par des réserves indiennes pour retrouver l'homme capable d'un tel crime, uniquement pour voir son visage.
Quel livre époustouflant
C'est un cheminement d'écriture d'une rare originalité.
L'histoire est racontée par tous les animaux témoins de la progression de Wahhch : chiens, chats, serpent, araignée, mouche, renard……
J'ai été subjuguée par la puissance, la profondeur de cette histoire
Violence et beauté se côtoient.
animalité et humanité.
Quelle part d'animal dans l'homme ?
Quelle part d'homme dans l'animal ?
C'est un bonheur rare de tomber sur un livre qui impressionne autant.
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Pour ceux qui ne connaissent pas l'auteur, Wajdii Mouawad est né au Liban et a quitté sa terre natale, suite à la guerre civile pour s'installer, d'abord en France, puis au Canada. Ses oeuvres engagées s'articulent autour de thèmes liés à son histoire personnelle : la guerre, le poids des souvenirs traumatiques, la quête d'identité, le devoir de mémoire.

*
Lorsque Wahhch Debch retrouve le cadavre de sa femme, sauvagement assassinée, le lecteur est loin de se douter qu'« Anima » n'est pas un roman policier, il ne soupçonne pas qu'il a entre ces mains un roman noir, psychologiquement dur, dont les images marquent dès les premières lignes.
« Anima » est un voyage dans la violence, au plus profond de l'âme humaine.

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Wahhch veut se libérer de la culpabilité de ne pas avoir réussi à protéger sa femme. Il décide de traquer le meurtrier, un homme dont on connaît l'identité très rapidement. Mais cette course-poursuite ira bien au-delà d'une simple traque. Elle le bousculera dans son être, dans ses convictions les plus profondes, et son passé le rattrapera.

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Ce qui m'a beaucoup plu, outre l'écriture de l'auteur, à la fois poétique et glaciale, c'est l'originalité du procédé narratif. Je l'ai trouvé astucieux, surprenant, totalement innovant. En effet, ce sont les animaux qui racontent l'histoire. Chiens, chats, chevaux, oiseaux, poissons, insectes, serpent, araignée… rapportent ce qu'ils ont vu, entendu, perçu, flairé, senti, ressenti.

Les chapitres courts s'ouvrent sur un nouveau témoin de l'intrigue, un animal qui croise le temps de quelques secondes ou de plus, la route de Wahhch Debch. A chaque animal, un regard différent.

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Chaque chapitre a pour titre le nom scientifique de l'animal narrateur : des animaux domestiques, felis silvestris catus (le chat), passer domesticus (le moineau) …, mais aussi des animaux sauvages, vulpes vulpes (le renard), strix varia (la chouette), procyon lotor (le raton laveur), ...
Le lecteur devient spectateur à travers le regard que portent les animaux sur nous : le rat et sa peur instinctive de l'homme, le chien et sa fidélité à notre égard, la sensibilité du cheval, l'indépendance du chat, l'appétit vorace de l'araignée qui ne souffre aucune inattention…

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Certains lecteurs pourraient penser que l'auteur fait preuve d'anthropomorphisme. Je ne l'ai pas ressenti, dans la mesure où les animaux ont une perception différente et des sens plus développés que l'homme : ils sont sensibles aux intonations de voix, aux odeurs, ils perçoivent certaines émotions humaines (la peur, le chagrin, la joie), … Leur instinct leur permet de voir au-delà des apparences.

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Quoiqu'il en soit, ce procédé aurait pu entraîner une distance entre le lecteur et le personnage principal de cette histoire, nous faire éprouver moins d'empathie pour lui. Mais il n'en est rien. Au contraire. Wahhch Debch n'en apparaît que plus touchant, plus humain, car les animaux perçoivent ses blessures intérieures, son chagrin, et nous les communiquent.

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« L'homme est un loup pour l'homme à l'état de nature ». Cette phrase m'est apparue comme une évidence à la lecture de ce roman. Quand on fait fi de loi, l'homme est un animal qui peut faire preuve d'indifférence, de monstruosité, de sauvagerie.
Faire des animaux les narrateurs de cette intrigue met les hommes sur le banc des accusés, les mettant face à leur violence, leur haine, faisant resurgir leur part d'animalité. Certains passages sont très durs, les animaux sont aussi spectateurs que victimes de la violence des hommes.
Les chapitres courts s'enchaînent sans temps mort, à un rythme palpitant et nerveux. La fin du roman m'a laissé sans voix. Les dernières pages sont aussi bouleversantes qu'éprouvantes, la beauté du récit se mêlant aux atrocités, l'humanité se fondant dans la bestialité.

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Wajdi Mouawad propose un roman unique, étonnant, puissant, très bien construit. Si vous recherchez un roman qui n'est pas ordinaire et si vous n'êtes pas trop sensible, je ne peux que vous conseiller « Anima ».
Un chef d'oeuvre ? Je le pense. En tout cas pour moi, c'est un très gros coup de coeur, un roman qui restera gravé dans ma mémoire.
Je remercie infiniment Levant pour sa critique qui m'a donné envie de découvrir ce livre et cet auteur, je ne regrette pas d'avoir suivi son conseil !
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