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3,9

sur 1476 notes
Dans L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, j'ai trouvé l'écriture de Haruki Murakami plus classique et comportant moins de magie que dans ses romans précédents. le point commun reste le style qui lui est propre et la musique toujours présente ; ici il s'agit des Années de pèlerinage de Liszt et plus particulièrement le Mal du pays qui accompagne Tsukuru depuis son appartenance au groupe de cinq étudiants formé lors de ses années de Lycée à Nagoya. Lors de sa seconde année d'université à Tokyo, alors qu'il ne voit plus ses amis qu'aux vacances, ceux-ci rompent tout contact avec lui, sans aucune explication. Cet abandon le plongera dans un état dans lequel ses pensées seront centrées sur la mort. À trente-six ans, il rencontre Sara, âgée de trente-huit ans, elle va l'encourager à revoir ses quatre amis en vue de percer le mystère de la rupture qu'ils lui ont imposée. Tsukuru retourne à Nagoya mais devra aussi se rendre en Finlande où réside Eri "Noire" ; ses quatre amis ayant des noms de "couleur" seul Tsukuru est sans "couleur".
Haruki Murakami excelle dans l'art du roman, ses histoires émaillées de références musicales, documentées par un auteur qui connaît ses sujets à fond révèle le Maître incontesté qu'il est assurément ! Point n'est besoin de préciser que je lis tous ses livres.
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, le livre de Haruki Murakami qui pourra plaire à tous les lecteurs !
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Ils s'étaient rencontrés par hasard à l'adolescence, s'étaient rapprochés, étaient devenus les meilleurs amis du monde. Trois garçons, deux filles. Unis comme les doigts de la main, ils formaient un cercle d'amitié parfait, partageaient tout, étaient inséparables. Leurs noms représentaient chacun une couleur : Kei Akamatsu (pin rouge), Yoshio Ômi (lac bleu), Yuzuki Shirane (racine blanche), Eri Kurono (prairie noire), sauf Tsukuru, dont le nom signifie ''celui qui construit'', un nom de bâtisseur, certes, mais totalement incolore. Quand arriva le moment d'intégrer une université, tous étaient restés à Nagoya, sauf Tsukuru qui se démarqua encore une fois. Passionné depuis toujours par les gares, il était parti pour Tokyo et une filière technologique spécialisée. Mais le cercle ne s'était pas rompu, l'exilé volontaire revenant passer tous ses congés scolaires dans sa ville natale, auprès de ses amis. Jusqu'aux vacances d'été de sa première année de fac. Alors que comme d'habitude, il prenaient contact avec eux, tous refusèrent de lui parler. Trop peiné pour demander des explications à cette cruelle exclusion, Tsukuru retournait à Tokyo et flirtait avec l'idée de la mort pendant plusieurs mois. Finalement, il survécut à sa blessure et se construisit une vie, solitaire mais tranquille. Mais la blessure ne s'était jamais refermée.
Seize ans après cet épisode douloureux, alors qu'il se sent prêt à entamer une relation durable avec Sara, celle-ci l'encourage à retourner à Nagoya et à demander à ses amis une explication qui pourra enfin lui permettre d'oublier le rejet et de panser ses plaies. Elle localise les membres du groupe et prépare le voyage de Tsukuru, à Nagoya, et jusqu'en Finlande où s'est installée Eri.


Un pèlerinage dans son passé pour pouvoir envisager un avenir, tel est le voyage de Tsukuru Tazaki. Traumatisé par un abandon, il a vécu dans une solitude volontaire, et pense-t-il, propice à lui éviter d'autres peines. Mais cette façon de vivre dans le monde sans s'y mêler ne pouvait durer. Il va devoir déconstruire son passé pour se construire un futur. Quête de la vérité mais aussi quête de soi, son parcours nostalgique dans les méandres de l'amitié est aussi une analyse de la nature humaine.
Tantôt mélancolique, tantôt dur, ce roman s'inscrit dans la réalité pure, même si on y retrouve quelques touches de fantastique, très légères et qui s'intègrent bien dans un récit éthéré mais non dénué d'un certain suspense. Les sombres raisons du rejet qui hante le héros finiront par être dévoilées. Ses rencontres avec ses anciens amis l'amèneront à s'interroger sur le sens de l'amitié, la capacité d'aimer, le travail comme moyen de s'épanouir, les choix de vie et les voyages. de Nagoya à la Finlande, accompagné par la musique de Liszt, le lecteur s'immerge dans l'univers de MURAKAMI, sans jamais perdre pied comme cela a pu être parfois le cas dans certains de ses livres.
Un opus très réussi qui séduira les fans et pourra même en convertir de nouveaux.
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Rarement je n'ai pu autant m'identifier aussi fortement, indélébilement, à un roman. Ce Tsukuru Tazaki me cause au plus profond de moi-même, il est simplement en moi, je le ressens à chaque étape de ma vie. Je crois qu'on se comprendrait tous les deux, à moins qu'il soit moi, que je sois lui, que nous ne sommes qu'un. Une même et unique âme dans une même et unique putain de vie.

« J'ai ressenti avec de plus en plus de force que les autres me considéraient comme quelqu'un qui ne valait rien, ou qui était tout à fait inintéressant. du moins, je me suis vu ainsi. »

Ils sont cinq, comme les doigts d'une main. Unis et inséparables. du moins, c'est ce qu'il croit, qu'il pense, jusqu'au jour où, du jour au lendemain, on lui envoie, une lettre, un mail, un coup de téléphone, peu importe, lui demandant de ne plus revenir. Il l'accepte, même si intérieurement il ne le comprend pas, mais il ne s'imposera jamais aux autres, même si une profonde communion était née entre eux. Cette séparation, brutale, signe sa mort intérieure. Il survit dans ce monde mais sent qu'il n'appartient plus à ce monde. Face à la couleur de ses amis, lui qui s'est perçu toujours comme un être incolore voir transparent dans cette société-là, il n'a plus d'existence dans ce monde, ou est-ce ce monde qui n'a plus d'existence ou de réalité dans cette vie-là. Attendre une prochaine vie…

« Lorsqu'on est profondément blessé, les mots ne vous viennent pas. »

Vivre comme un somnambule, avancer, marcher, courir, alors qu'on est déjà mort. Et écouter le silence de sa vie. Devant une bière et un disque de jazz. Un sax' qui caresse ce silence, encore trop sensuel pour lui qui le ramène à de douloureux souvenirs. Non aujourd'hui ce sera musique classique, parce qu'avec l'âge le classique me va bien, parait-il… Au programme les années de pèlerinage avec Liszt, une ode à la mélancolie et à la solitude.

Tsukuru s'enferme petit à petit dans cette solitude, un univers certes volontaire mais par moment pesant. Mais comment peut-il en être autrement quand il pense qu'il n'est rien, ou si peu, un être si incolore dans le tourbillon de la vie. Roman de gares et de spleen. Tsukuru soigne sa mélancolie en construisant et aménageant des gares. C'est un bâtisseur depuis l'enfance. Moi les gares, je les traverse, Gare Saint Lazare et sa cohue, Gare Montparnasse pour descendre quelques bières au Falstaff, Gare de Lyon, et son train bleu, le train de l'amour pour le sud… Blue Train, Blue Moon… Roman de nostalgie et de mélancolie où la tristesse de Tsukuru s'épanche sur chaque page comme je m'épanche sur les rails de la nuit étoilée, le regard porté sur la lune. Lune japonaise, lune finlandaise. Prendre un billet, traverser les nuages survoler le Mont Fuji et découvrir le silence des fjords. Là où je suis, le silence m'enveloppe.

« C'était seulement de la tristesse. La tristesse d'un homme abandonné au fond d'une fosse profonde et obscure. »
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Tsukuru Tazaki vient de rencontrer Sara et leur relation devenant sérieuse, celle-ci lui demande de parler de lui et notamment de son passé car elle pressent une souffrance enfouie.
C'est ainsi qu'il va raconter l'histoire de cinq amis qui se sont rencontrés durant l'adolescence et sont devenus inséparables, ne se cachant rien, engagés à ne pas avoir d'histoire d'amour ou de sexe entre eux et avec le but d'exercer des activités bénévoles.
On a ainsi : Kei Akamatsu (pin rouge), Yoshio Ômi (lac bleu), Yuzuki Shirane (racine blanche), Eri Kurono (prairie noire), sauf Tsukuru, dont le nom signifie ''celui qui construit'', un nom de bâtisseur, mais totalement incolore, ce qui va devenir sujet de plaisanterie entre eux. Ils habitent Nagoya, où ils étudient au lycée. Désormais, on aura Rouge Bleu, Noire et Blanche et Tzukuru.
Un jour, il faut partir à l'université, et alors qu'ils s'étaient promis de rester à Nagoya, Tzukuru part à l'université de Tokyo. Fasciné depuis l'enfance par les gares il veut devenir ingénieur, et va tenter le difficile concours d'entrée qu'il réussit.
Pendant deux ans, il va rentrer souvent à Nagoya tous les week-ends jusqu'au jour où ses amis ne viennent pas le chercher à la gare. Il téléphone à chacun et l'un d'eux dit qu'il ne doit absolument jamais plus entrer en contact avec les autres car quelque chose de grave s'est produit, mais Tzukuru ne sait pas quoi et surtout il ne demande pas d'explication, acceptant le verdict.
Il entre alors dans une dépression profonde, fasciné par la mort, il maigrit énormément, et pendant six mois il devient un spectre.
Peu à peu il s'en sort, faisant énormément de sport (il nage 1km ½ tous les jours) et c'est à la piscine qu'il rencontre le seul ami qu'il aura jamais Haida (dans son nom, on retrouve le couleur grise), ils deviennent très proches.
Mais, la rupture avec ses amis va avoir des conséquences sur toute sa vie. Va-t-il les revoir ? C'est ce que le roman nous fait découvrir.


Ce que j'en pense :

Tsukuru est un personnage étrange auquel on s'attache très vite, car on voit tout de suite sa fragilité, et on a envie de le connaître davantage donc on le suit dans sa quête de vérité. Il s'est enfermé dans la solitude et un travail qu'il aime, construire ou rénover des gares après avoir flirté avec la mort quand ses amis l'ont rejeté. Pendant ces seize années de solitude, seule la musique de Liszt, une oeuvre en particulier, ainsi que le fait de se réfugier dans une gare, n'importe laquelle en fait, en regardant les trains passer, les voyageurs partir, arrivent à apaiser son angoisse, sa mélancolie même.
La partition de Liszt, « Années de pèlerinage » interprétée par Lazar Berman qu'il écoute sur des vieux trente trois tours, sert de fil rouge au livre. Liszt a composé cette oeuvre, lors d'un voyage en Suisse, Italie et l'a remodelée trente ans plus tard, comme Tsukuru est revenu sur son passé pour résoudre l'énigme de son rejet par les autres membres du groupe, seize ans plus tard. Dans les deux cas, le passé est clarifié et recomposé à la lumière de l'adulte. Il s'agit d'un pèlerinage dans les deux cas. Et aussi de la mélancolie, dans les deux cas : mal du pays évoque la nostalgie, la tristesse comme un écho à la mélancolie de Tsukuru.
C'est un livre très fort, qui fait réfléchir en même temps qu'il nous emmène dans une belle promenade, au Japon (retour vers Nagoya) et en Europe où il n'hésite pas à aller retrouver Noire pour avoir l'explication, lui qui n'est jamais sorti du Japon. Il le fait à la demande de sa copine avant de s'engager dans une relation amoureuse stable, mais il est convaincu qu'elle a raison, il ne le fait pas pour lui faire plaisir.

Vous l'aurez compris, c'est mon premier coup de coeur parmi les romans de la rentrée littéraire. J'aime profondément le style de cet auteur, ses descriptions, sa sensibilité quand il évoque la musique et les blessures de ses héros. C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur et je suis encore plus sous le charme que pour « Kafka sur le rivage » car Murakami est allé encore plus loin dans la réflexion. Son roman est bien construit, ciselé même, chaque personnage, chaque ressenti, chaque action, tout a été sculpté.

Note : 9,5/10

Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Recherchez sur Youtube « Liszt, Les années de pèlerinage ». Installez-vous confortablement, ouvrez ce roman de Murakami et profitez.
Profitez de l'ambiance nostalgique, de la recherche du bien-être en profondeur, de la complicité d'une âme-soeur.

Tsukuru Tazaki l'a fait. Il voulait s'en sortir, après une traversée terrible dans le désert, proche de la mort. A 20 ans, il a été éjecté sans avertissement de son groupe d'amis, ce groupe fusionnel et solaire : les deux garçons et les deux filles, aux noms colorés (en japonais, leurs prénoms signifiaient une couleur), « Bleu », « Rouge », « Noire », « Blanche » l'ont rejeté en bloc, sans aucune explication. Tsukuru qui, déjà, se disait sans personnalité et n'avait pas confiance en lui, s'est senti jeté à l'eau, dans une eau glacée, obscure…Pendant quelques mois, il s'est laissé sombrer, puis est revenu peu à peu à la vie, avec toujours, cependant, cette perte au fond de lui, ce sentiment de vide qui creuse sa poitrine.
Aujourd'hui il a 36 ans, et il est temps qu'il replonge dans son passé, encouragé par une femme qu'il pourrait aimer. Les blessures ne guérissent pas si on ne les lave pas à fond, et elles empêchent de savourer la vie.

Quel beau roman ! Un journaliste l'a comparé à « La ballade de l'impossible », que j'avais adoré. Effectivement, il parle de solitude et d'amitié et nous entraine plus loin que ce l'on voudrait, car il fait référence à la fibre intime de l'être. Murakami adopte un style au plus proche du lecteur, et ainsi on se lie insidieusement au héros, si touchant dans son désir inconscient de s'en sortir malgré tout.

Un fascinant pèlerinage à la fois aux frontières du passé et de l'âme.
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Murakami est un auteur que j'aime beaucoup et que j'ai découvert grâce à mon mari, il y a quelques années. L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage est un vrai coup de coeur et je pense pouvoir le placer en tête des romans de Murakami que j'ai préféré. Je ne l'ai pas lu mais écouté en livre audio, lu par Bernard Gabay, et sa voix m'a fait, je pense encore plus appréciée l'histoire.

On fait la connaissance de Tsukuru Tazaki, qui a aujourd'hui 35 ans et vit une histoire d'amour avec une jeune femme. Il lui confie que lors de ses années de lycée, il était très proche de deux garçons et deux filles et ce groupe de cinq amis était très soudés. Pour ses études, il a dut partir et du jour au lendemain, ses amis ont coupés les ponts avec lui. Cela a été une terrible épreuve pour lui, d'autant qu'il n'y a apparemment aucune explications au geste de ses amis. Sa petite amie va donc le pousser à reprendre le contact et à comprendre leur décision.

Dès les premières pages, j'ai été captivé et prise par l'intrigue. J'étais vraiment curieuse de savoir la raison qui a poussé ces quatre personnages hauts en couleur (oui ok, ce jeu de mot était facile), à rompre le contact avec Tsukuru Tazaki, qui m'a semblé vraiment attachant.

J'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'auteur qui avec une trame de fond basique d'une vielle amitié entre lycéens arrive à ajouter une pointe d'érotisme, un soupçon d'onirisme et de mystère.

Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Mis à la porte du club des cinq sans aucune explication, Tsukuru Tazaki a bien du mal à se remettre de cette éviction, tellement mal que la mort ou du moins la pensée de la mort ne le quitte pas pendant plus de cinq mois. Ce groupe de cinq, trois garçons et deux filles, fonctionnait pourtant harmonieusement. Ils se complétaient formidablement et s'entraidaient mutuellement.
Exilé à Tokyo pour poursuivre ses études d'ingénieur, il ne retourne plus à Nagoya, sa ville natale, depuis que ses amis l'ont rejeté. Les années passent, le temps semble recouvrir ses blessures. Mais tout ceci n'est qu'une apparence et c'est Sara, la femme dont il est aujourd'hui amoureux, qui lui démontre que leur vie commune ne pourra exister s'il n'affronte pas son passé et ne trouve les réponses qui lui manquent...

Un joli roman facile à lire car l'écriture coule allègrement entre le passé et le présent. Les mots d'Haruki Murakami (et des traducteurs) magnifient les maux de Tsukuru et ses amis. Les émotions vibrent au rythme de la musique de Liszt "Années de pèlerinage - Suisse - Mal du pays". Un roman qui aborde, aussi, bien des questions sur le regard que l'on pose sur soi-même et sur les autres (et la réciprocité existe également), sur l'amitié, sur la force du passé.

Une belle lecture !
Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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Tsukuru Tazaki est un homme de 36 ans qui vit à Tokyo. Certes, il réussit professionnellement, comme architecte qui construit et aménage des gares ferroviaires. Mais dans sa vie privée, il se cherche, manque de confiance en lui. Il est proche de Sara, qui lui plaît et à qui il se confie. Malgré son éternelle indécision, il envisage de la demander en mariage. Mais il lui faut tenter de trouver d'abord son équilibre psychologique, son mal-être remontant à son passé d'étudiant à Nagoya. Il formait alors un groupe d'amis, unis comme les cinq doigts de la main avec quatre camarades qui s'étaient attribués des surnoms de couleurs. Il y avait les garçons Rouge (Akamatsu) et Bleu (Ômi), et les filles Blanche (Yuzu) et Noire (Eri). Lui n'avait pas de couleur, ce qui le ramène à son sentiment déprimant d'être sans personnalité consistante. Mais ce qu'il l'a surtout atteint, c'est d'être un jour brutalement exclu du groupe, sans obtenir d'explications. Il ne les a jamais revus. Il lui faut les retrouver, pour comprendre ce qu'il s'est passé et vivre enfin libéré en envisageant l'avenir. Il va rencontrer d'abord Bleu, puis Rouge, qui sont restés à Nagoya, et ont aussi réussi professionnellement. Ils ne se livrent pas complètement, comme s'ils ne voulaient pas trop revenir sur ce qu'il s'est passé et le jaugeaient. Ils lui apprennent néanmoins que Blanche, qui lui plaisait (le pauvre s'en est masturbé souvent) est morte étranglée, et que lorsqu'ils constituaient encore ce groupe, elle a porté sur lui de très lourdes accusations. Ses interrogations et son malaise grandissant, il ne peut pas s'en tenir là, il lui faut retrouver Noire. Elle est mariée et mère, et vit en Finlande. Sara le pousse à s'y rendre…Tsukuru pourra donner libre cours à ses émotions et tenter de comprendre ce qu'il n'a pas su voir, les non-dits, la face cachée des sentiments…Pour, enfin, peut-être, solder son passé envahissant et se projeter avec Sara ?

Mon impression est mitigée sur ce roman, et je vais encore égratigner l'auréole d'Haruki Murakami, dont je ne comprends toujours pas ce qu'on lui trouve de si génial, désolé ! D'abord, disons-le, je me suis ennuyé pendant les deux premiers tiers du roman. Pendant toute la phase où Tsukuru passe son temps à tourner en rond autour de son problème, dans sa tête ou en dialogues avec Sara. Et quand enfin il rencontre Rouge et Bleu, j'ai pensé que ça avancerait…Mais ça continue de tourner, tourner…Et oui, les dialogues sont chichiteux, gnangnans, vides, parfois frisant le ridicule. Les personnages passent leur temps à enculer les mouches. En attendant, ça gratte des pages, des pages à tourner en rond, dans des considérations pseudo poético-intellectuelles qui en fait ne volent pas haut. Résultat, je l'ai mis de côté pendant des mois dans ma PAL «en cours », pour me décider il y a quelques jours à lui tordre le cou. Et pour être honnête, le dernier tiers était plus riche, mais c'est en fait les vingt dernières pages qui sauvent les meubles. Evidemment les retrouvailles avec Noire-Eri sont un moment clé, mais elles souffrent d'un certain décalage entre l'expression verbale d'Eri et l'appréciation et les sentiments qu'elle prétend avoir portés à Tsukuru. Cela nuit à la vraisemblance, et je soupçonne l'auteur d'avoir cédé à l'appel de pages de sentimentalité facile. Les pages les plus réussies sont donc finalement les dernières, où l'auteur m'a semblé bon lorsqu'il replace son héros dans sa réflexion intérieure et dans son environnement ferroviaire, avec des pages d'observation, de captation passionnantes sur le monde grouillant de la gare de Shinjuku, la plus fréquentée du monde, et les tokyoïtes qui l'arpentent, pressés et parfois résignés, puis sur une fin ouverte où l'enjeu est pour Tsukuru de devenir, enfin, un homme qui s'assume et se projette dans l'avenir.

En conclusion, ce roman ne m'a pas émerveillé, mais Murakami est tellement incontournable qu'on ne peut pas décemment se dire fan de littérature japonaise sans se coltiner à l'oeuvre de cette star internationale. Surtout qu'en filigrane, dans quelques moments d'introspection de son personnage principal, et peut-être plus encore lorsqu'il reprend sa position de narrateur en s'extrayant de sa manie des dialogues creux (et j'insiste, mon amie japonaise le dit aussi), il nous livre quelques clés pour comprendre les enjeux des relations humaines (ici sans doute l'ambiguïté potentielle des relations amicales homme-femme, les interdits dans ce groupe mixte alors qu'il existe manifestement des tensions et pulsions sexuelles refoulées), et déploie ses thèmes de la solitude, de la nostalgie (ici incarnée dans Les années de pèlerinage de Liszt, mon compositeur préféré, qui habitent Tsukuru), nostalgie du passé, des rendez-vous manqués et amours impossibles, mais aussi du pays natal. Au Japon, c'est un sujet. Il peut exister une nostalgie de la région natale, du calme de la campagne et des traditions perdues, lorsque les jeunes cadres dynamiques n'ont d'autre choix que de quitter leur région pour rejoindre la tentaculaire Tokyo, centre névralgique écrasant de l'archipel, au risque de s'y perdre, anonymes, incolores...
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J'avais adoré les chroniques de l'oiseau à ressort et eu envie de poursuivre la découverte de l'oeuvre de Murakami sans me précipiter pour autant sur sa fameuse trilogie 1Q84.
Celui-ci me me laisse sur ma faim à la fin. L'auteur maîtrise l'art du roman, il captive son lecteur et l'entraîne à sa suite, et j'ai retrouvé avec plaisir ce grand talent-là. Mais, cette façon de ne pas finir l'histoire me déçoit un peu. Non pas que je manque de l'imagination nécessaire à la construction de mon propre dénouement, mais j'aurais aimé que ne demeure pas inexpliqué le mystère entourant Blanche, le viol, son assassinat, même si de nombreux cas ne sont jamais élucidés dans la vrai vie. J'aurais aimé aussi poursuivre plus loin avec Sara, connaître les dessous de sa relation avec l'homme mur... Toutefois, je continuerai à lire cet auteur avec beaucoup de plaisir...
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La première traduction française de Haruki Murakami date de 1990. 8 ans après sa parution au Japon, ce troisième roman de l'écrivain japonais séduisit un premier cercle de lecteurs. La course au mouton sauvage : déjà le titre du livre préfigurait l'aspect mi-réaliste, mi-onirique de son oeuvre, son étrangeté et sa sensibilité fiévreuse. Nous étions peu nombreux alors à le découvrir mais le cercle s'est agrandi jusqu'à la célèbre trilogie 1Q84. L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage est le premier roman de Murakami écrit après Fukushima. Son ton et ses thèmes renvoient à quelques uns de ses livres anciens, La ballade de l'impossible en particulier. Son héros est à un moment crucial de son existence. Pour la première fois, il peut envisager de vivre un véritable amour. Mais pour cela, il lui faudra affronter la vérité en remontant vers le passé et ses années de lycée, comme un saumon, à contre-courant. Lui qui pense qu'il est "peut-être un homme vide de contenu", qui ne peut qu'être quitté par ses amis une fois qu'ils se sont aperçus de son absence de couleur, va devoir enfin faire preuve de courage et surmonter son manque de caractère. Ce roman est une pépite : il raconte combien est ardu le chemin qui conduit vers la sérénité, on n'ose écrire vers le bonheur. Si Murakami délaisse le fantastique pur, il est toujours aussi adepte de métaphores et de symboles. Parfois, la réalité n'est plus aussi avérée et ce sont les rêves qui semblent véritables. Mais pour un temps seulement. L'incolore ... est bâti comme un thriller sentimental avec son personnage flottant qui a longtemps flirté avec l'idée de mourir. Il s'est contenté de couler avant de se décider d'essayer de remonter à la surface. La délicatesse du livre, sa finesse psychologique et sa construction arachnéenne touchent directement. La douleur de vivre y est permanente mais adoucie et voilée par le sentiment contradictoire que la solitude et le désespoir ne sont pas des fatalités. "Ce n'est pas seulement l'harmonie qui relie le coeur des hommes. Ce qui les lie bien plus profondément, c'est ce qui se transmet d'une blessure à une autre. D'une souffrance à une autre. D'une fragilité à une autre. C'est ainsi que les hommes se rejoignent. Il n'y a pas de quiétude sans cris de douleur, pas de pardon sans que du sang soit versé, pas d'acceptation qui n'ait connu de perte brûlante. Ces épreuves sont la base d'une harmonie véritable."
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