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EAN : 9782866422837
288 pages
Cahiers du cinéma (01/01/2006)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Des grands maîtres du cinéma japonais comme Ozu, Mizoguchi, Kurosawa, c’est Mikio Naruse qui reste à ce jour le moins connu du public occidental. Pourtant "Ma femme, sois comme une rose", fut élu meilleur film de l’année au Japon en 1935, et le premier film parlant japonais distribué aux USA ; pourtant encore, "La Mère", sorti en France en 1954, a toujours été répertorié dans les catalogues des ciné-clubs comme l’un des fleurons du cinéma japonais. Mais il faudra at... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Se souvenir à tout prix des si beaux films de NARUSE Mikio / 成瀬 巳喜男, fils d'un artisan brodeur de Tokyo, né en 1905, disparu en 1969 dans cette même métropole, devenant presque par miracle l'artisan modeste "père" de 89 moyens et longs-métrages réalisés entre 1930 et 1967...

Tel le personnage du "Schpountz" (1938) de Marcel PAGNOL, il entre à l'âge de 15 ans en 1920 comme accessoiriste à la compagnie cinématographique "Shôchiku" où on lui confiera la réalisation de moyens métrages (muets) à partir de 1930 puis il passe à partir de 1934 à la "P.C.L." / "Photo Chemical Laboratories" qui deviendra la célèbre "Tôhô" (où il fut bien mieux considéré), il oeuvra et s'épanouira dans le genre du "Shomingeki' ou Shōshimin-eiga / 小市民映画 (ou « théâtre populaire » ou "tragi-comédie s'intéressant aux classes moyennes salariées ou aux classes populaires : ouvriers, commerçants, petits fonctionnaires, acteurs sans attaches, marchands ambulants...), il fut l'ami d'un autre grand créateur dans ce genre qui nous est désormais familier : 小津 安二郎 OZU Yasujiro (1903-1963), tokyoïte lui aussi ayant traversé de même la tragédie de la seconde guerre mondiale.

Qui ne se souviendra à jamais des beautés noires-et-blanches du film "Le Grondement de la Montagne" / 山の音 ("Yama no oto", 1954), mélancolique adaptation en 1954 d'un des romans - initialement paru sous forme de fragments dûment "chapitrés" dans une revue tokyoïte, de 1949 à 1954 - de KAWABATA Yasunari / 川端 康成 (1899-1972) ?

La tendre et pudique HARA Setsuko / 原 節子 (1920-2015), qui fut l'une des actrices favorites de OZU et NARUSE (ayant renoncé au cinéma à l'âge de 43 ans, à la disparition d'OZU), y jouait le rôle d'une belle-fille mal mariée : Kikuko méprisée par son mari Suichi (UEHARA Ken / 上原謙, 1909-1991) mais révérée avec tendresse par son beau-père Shingo si bienveillant (incarné avec tant de finesse finesse par YAMAMURA So / 山村 聰, 1910-2000).

Qui pourrait oublier l'adaptation sensible du dernier roman très sombre (publié en 1951) de HAYASHI Fumiko / 林 芙美子 (1903-1951) : "Nuages flottants" /浮雲 ("Ukigumo"), récit de la débâcle d'un couple errant dans les ruines du japon vaincu de 1946 ? Qui pourra jamais oublier les visages de l'ancienne actrice-enfant TAKAMINE Hideko / 高峰 秀子 (1924-2010) face à la tristesse et la veulerie du personnage taciturne et désabusé, incarné par MORI Mayazuki / 森雅之 (1911-1973) : Kendo et Yukiko, les deux amants, modernes Lancelot et Guenièvre écartés des mirages du "Graal", revenus des rivages indochinois où ils s'étaient séduits et aimés ? L'après-guerre au goût de cendres, de mauvais alcools, de froid et de misères... On remarque aussi la présence lumineuse de la très sensible OKADA Mariko / 岡田茉莉子 (née en 1933) incarnant la jeune Osei.

Qui pourra pareillement oublier les visages de la même discrète (aux sentiments cachés à fleur de visage) TAKAMINE Hideko / 高峰 秀子, veuve amoureuse du jeune frère de son mari (sobrement joué par le jeune acteur et chanteur "yéyé"-musicien de rock KAYAMA Yûzô 加山 雄三, né en 1937) dans le très beau "Tourments" ou "Une femme dans la tourmente" / 乱れる, ("Midareru") de 1964 : film mélancolique où les supermarchés aux oeufs bradés à 5 yens pièce viennent tuer les petits commerces où le même article essentiel doit se vendre 11 yens...

Le mélodrame Naruséen est indissolublement couplé à l'attention au "petit fait vrai" cher à Georges SIMENON...

Et toujours, pour élargir notre perspective (l'océan tranquille des émotions rentrées des personnages), les vertiges du fameux "TÔHÔSCOPE"...

On se souviendra des longues déambulations de couples amoureusement suivis par le regard-caméra de NARUSE Mikio — glissant sereinement sur ses rails de travelling —, réalisateur qui nous enseigna ce qu'au cinématographe la "vista" veut bien dire — comme en cette fin bouleversante et presque sereine du "Grondement de la Montagne" où les deux personnages incarnés avec tant de grâce par HARA Setsuko et YAMAMURA So se font si pudiquement leurs adieux : sur ce lieu de notre propre existence, NARUSE l'orfèvre nous aura appris à toujours souhaiter "élargir notre point-de vue"...

Cela s'appelle aussi l'art.

L'ouvrage de l'historien et cinéphile Jean NARBONI est justement un "ouvrage d'art", édité en 2006 aux éditions Cahiers du Cinéma (collection "Auteurs") : il comprend 288 pages, coûte 25 €, est illustré par de très nombreux photogrammes des films de NARUSE (on peut juste regretter la trop petite taille de quelques photogrammes 4 cm x 3 cm), de photographies de plateau, de photos-souvenirs réunissant l'équipe technique mêlée aux acteurs et actrices, de photos personnelles — et on regardera avec beaucoup de curiosité les portraits des écrivains HAYACHI Fumiko et KAWABATA Yasunari, saisis dans toute leur banalité d'êtres humains "présumés ordinaires"...

Sa PREMIERE PARTIE intitulée "Les temps incertains" comprend une quinzaine d'articles reprenant les figures thématiques favorites du cinéaste : les femmes éternelles "sacrifiées", les amants séparés, le destin des petites gens, la tragédie de l'existence, le sentiment dans toutes ses pudeurs... En voici les intitulés : "Ouverture"/ "La juste vue"/ Prélude français" / "Le récit légendaire" / "INTERMEDE I : NARUSE, SHIRO KIDO ET LA SHOCHIKU" / "Une vie après la Shochiku" / "INTERMEDE II : RYUKO UMEZONO" / "Années de guerre et d'après-guerre" / "Le cours des choses" (Un fleuve profond ; "Le naturel" , "Andante" ; "La marche") / "Il faut vivre" ["Tchekhov et Naruse" / "Endurance"/ "Vaillance d'actrices"] / "Un vrai roman" / "Sentiments partagés" ["Ni crainte ni pitié" / "Intermittences du coeur" / "Affections"] / "INTERMEDE III : OZU ET "NUAGES FLOTTANTS" / "Au fil du temps" ["la vie quotidienne" / "Politique" / "Eclaircies" / "Le jeu"] / "Fin de saisons".

Sa SECONDE PARTIE, reprenant le titre d'un de ses films, " "Au gré du courant", a fait le choix forcément subjectif de 30 films dont tout l'argument nous est exposé de façon détaillée, et comptant les titres : "Bon courage, larbin ! " (1931) / "Après notre séparation" (1933) / "Rêves de chaque nuit" (1933) / "Trois soeurs au coeur pur" (1935) / "Ma femme, sois comme une rose !" (1935) / "La fille dont on parle" (1935) / "Les larmes d'une femme" (1937) / "Tsuruhachi et Tsurujiro" (1938) / "Toute la famille travaille" (1939) / "Sincérité" (1939) / "Acteurs ambulants" (1940) / "Hideko, receveuse d'autobus" (1940) / "La Chanson de la Lanterne" (1943) / "Quelle vie agréable !" (1944) / "Les produits de beauté de Ginza" (1951) / "Le repas" (1951) / "La mère" (1952) / "L'éclair" (1952) / "Un couple" (1953) / "Epouse" (1953) / " Frère aîné, soeur cadette" (1953) / "Le grondement de la montagne" (1954) / "Derniers chrysanthèmes" (1954) / "Nuages flottants" (1955) / "Pluie soudaine" (1956) / "Au gré du courant" (1956) / "Nuages d'été" (1958) / "Chronique de mon vagabondage" (1962) / "Tourments" (1964) / "Nuages épars" (1967).

Sa TROISIEME PARTIE est une Filmographie complète des 89 titres (soit 24 moyens métrages muets N & B suivis de 64 moyens métrages puis longs métrages noir-et-blanc, couronnés par son seul long-métrage en couleurs, "Nuages épars" en 1967), complétée par un INDEX des films cités.
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Mikio Naruse est l'un des grands maîtres du cinéma japonais classique avec Mizoguchi, Kurosawa et Ozu. En France il a surtout fallu attendre la rétrospective de 2001 à la cinémathèque française pour le découvrir. Kurosawa, qui avait été son assistant, insista sur la grande maitrise technique de Naruse, cinéaste à la fois discret et méticuleux, et décrivit ses films comme des fleuves à la surface tranquille dissimulant des courants furieux. le réalisme de Naruse est souvent teinté d'une grande mélancolie. Naruse avait été confronté à la précarité. Il excelle dans le portrait des classes les plus défavorisées de la société japonaise, à l'époque de la grande dépression dans les années trente ou celles d'après-guerre marquées par la défaite. Ses films foisonnent de personnages de geishas, de serveuses de bar, de petits escrocs, etc. Poignants sans jamais verser dans de le sentimentalisme ou la résignation, il émane de ces films une très grande beauté. Naruse savait rendre perceptible chez ses personnages le moindre sentiment avec une fluidité dans l'enchainement des plans qui donne à ses films une profondeur particulière. Jean Narboni, l'auteur de cet essai, évoque la grande musicalité du cinéaste. Comme chez Mizoguchi, les personnages féminins sont au premier plan, interprétés par des actrices remarquables dont Hideko Takamine ou setsuko Hara. Naruse a souvent été inspiré par la littérature, adaptant Tanizaki ou Kawabata mais aussi Fumiko Hayashi, l'auteure du "Repas" et de "Nuages flottants". Jean Narboni rend à bel hommage à Naruse en évoquant de très nombreux films.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il est aujourd'hui bien connu que Naruse a maintes fois manifesté son admiration pour l'oeuvre de Fumiko Hayashi, et souligné les affinités qu'il se sentait avec les milieux qu'elle décrivait : des groupes, des individus isolés, des couples ou des familles vivant au bas de l'échelle sociale ou appartenant à la petite bourgeoisie salariée, usés par la monotonie des jours, les contraintes matérielles et la routine du quotidien. Mais Naruse s'est dit proche surtout de ses personnages de femmes, que leur profession (hôtesses, serveuses de bar, geishas) ou leur destin (amoureuses désillusionnées, épouses désabusées par le couple et l'existence même) exposent aux souffrance de la servitude, de la trahison ou de l'abandon, mais que l'endurance empêche de sombrer. Sans doute l'enfance pauvre, l'impossibilité de poursuivre des études, l'obligation de gagner sa vie très jeune et l'acharnement au travail ont-ils également joué dans le sentiment de proximité que Naruse éprouvait avec la romancière. Et peut-être aussi, bien avant la découverte par le cinéaste des livres de Fumiko Hayashi, un amour partagé dès leur plus jeune âge pour les livres des autres.

[Jean NARBONI, "Mikio Naruse. Les Temps incertains", éditions Cahiers du Cinéma (Paris), coll. "Auteurs", 2006 — chapitre "UN VRAI ROMAN", pages 112-113]
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LA VIE QUOTIDIENNE.

Hayashi Fumiko déclarait en exergue de son roman inachevé "Le Repas", «aimer irrémédiablement les actes splendidement pitoyables des hommes perdus dans l'immensité de l'univers». Des hommes et des femmes ordinaires sont entraînés chez Naruse au gré du courant d'un récit singulier que rien ne semble devoir interrompre, presser ou ralentir, dans l'insistance d'un quotidien à la fois répétitif et changeant. (*)

(*) Voir le deuxième vers de la "Complainte sur certains ennuis" de Jules Laforgue ("Les Complaintes", 1885) : « Ah ! que la vie est quotidienne... »

[Jean NARBONI, "Mikio Naruse. Les Temps incertains", éditions Cahiers du Cinéma (Paris), coll. "Auteurs", 2006 — chapitre "AU FIL DU TEMPS", page 151]
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On ne peut que partager [...] l'opinion d'Audie Bock selon qui la grandeur de Naruse tient « au portrait qu'il donne de cette blessure inguérissable que l'on appelle la vie », inguérissable parce qu'il « n'attribue pas la souffrance humaine à des causes externes ». Nous nous permettons de nuancer un peu en ajoutant le mot « seulement » : Naruse (proche en cela encore de Tchékhov, qui a connu le même reproche d'indifférentisme en matière de politique) n'attribue pas la souffrance humaine "seulement" à des causes externes.

[Jean NARBONI, "Mikio Naruse. Les Temps incertains", éditions Cahiers du Cinéma (Paris), coll. "Auteurs", 2006 — chapitre "AU FIL DU TEMPS" sous-chapitre : "POLITIQUE", page 158]
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Jean Narboni présente Mikio Naruse.
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