Une jeune fille d'une grande beauté s'isole dans un atelier et réalise des étoffes merveilleuses pour combler son mari, marchand cupide. Celui-ci découvre un jour qu'elle est en réalité une grue blanche et qu'elle s'arrache les plumes au péril de sa vie, pour les glisser dans le métier à tisser.
«
Psychopompe » est un livre surprenant et beau, dont le conte traditionnel nippon sert de prélude. C'est Nishio-san, la nounou d'
Amélie Nothomb, qui le lui racontait quand elle avait quatre ans.
À bien y regarder, il contient les grands thèmes du roman : les oiseaux, l'agression (la bassesse de l'homme révélée), l'écriture (pour écrire, il faut tisser des mots) et le
psychopompe (le vol de la grue vers la montagne).
Amélie Nothomb se confie comme jamais, sur sa passion pour les oiseaux, sur l'écriture, sur sa relation avec la mort. Elle nous parle surtout, sans s'appesantir, sur la terrible agression qu'elle a subie à ses douze ans au Bangladesh. Un viol collectif commis par « les mains de la mer ».
Elle cite alors l'impératif passif du grec ancien « Sois mangée ! »
L'anorexie sera d'abord la réponse à ce traumatisme. Elle y voit sa première expérience de
psychopompe. le
psychopompe est celui qui peut escorter les âmes des morts dans la traversée du fleuve des enfers, et en revenir. Avec son anorexie, elle explique avoir tué quelqu'un en elle et en avoir rapporté les restes. « La morte, c'était la moi d'avant », dit-elle dans un entretien.
Sa mère dira après cette agression simplement « Pauvre petite ! » Puis, plus personne n'en parlera.
Mais ce livre, c'est aussi une leçon d'écriture. Elle exprime tout son bonheur à écrire, à s'envoler et à y trouver la liberté.
Elle dit aussi dans un entretien écrire « en proie à une terreur sacrée. » La peur de retomber. Et si l'écrivain ne retombe pas, c'est grâce au style. « Le style, c'est la façon que chaque écrivain a de voler. »
Elle témoigne de son étonnante relation avec son père diplomate. Tous les deux amoureux des mots, du langage, lui par le biais de la diplomatie, elle de l'écriture.
Bien évidemment, ce livre n'échappe pas à la « mise en scène
Amélie Nothomb », avec son ironie, son érudition, son surréalisme, sa personnalité singulière. Et en prime, la perception étonnante de son monde sous l'angle ornithologique, car tout au long de ce roman, les oiseaux et l'écriture sont intimement liés.
Et j'avoue, moi qui m'impatientais déjà au mois de juin, que son écriture m'a offert un grand plaisir de lecture.
Pour moi, «
Psychopompe » est un grand cru et vaut le détour !