Entre le suicide et la transpiration, n'hésite pas. Verser son sang est aussi admirable que verser sa sueur est innommable. Si tu te donnes la mort, tu ne transpireras plus jamais et ton angoisse sera finie pour l'éternité.
Le pire, c'est de penser qu'à l'échelle mondiale ces gens sont des privilégiés.
Ta beauté ne t'apportera rien d'autre que la terreur de la perdre.
"Vous êtes ma supérieure, oui. Je n'ai aucun droit, je sais. Mais je voulais que vous sachiez combien je suis déçue. Je vous tenais en si haute estime".
Elle eut un rire élégant:
"Moi, je ne suis pas déçue. Je n'avais pas d'estime pour vous".
Il y avait une incohérence dans le règlement prévu pour les femmes : être irréprochable en travaillant avec acharnement menait à dépasser l'âge de vingt-cinq ans sans être mariée et, par conséquent, à ne pas être irréprochable. Le sommet du sadisme du système résidait dans son aporie : le respecter menait à ne pas le respecter.
Tu as pour devoir d'avoir des enfants que tu traiteras comme des divinités jusqu'à leurs trois ans, âge où, d'un coup sec, tu les expulseras du paradis pour les inscrire au service militaire, qui durera de trois à dix-huit ans puis de vingt-cinq ans à leur mort.
L'une des merveilles de la langue japonaise est que l'on peut créer des prénoms à l'infini, à partir de toutes les catégories du discours.
Les mois passèrent. Chaque jour, le temps perdait de sa consistance. J'étais incapable de déterminer s'il passait vite ou lentement.Ma mémoire commençait à fonctionner comme une chasse d'eau.Je la tirais le soir.Une brosse mentale éliminait les dernières traces de souillure.
J'eus une idée qui parut lumineuse à ma naïveté : au cours de mes déambulations à travers l'entreprise, j'avais remarqué que chaque bureau comportait de nombreux calendriers qui n'étaient presque jamais à jour, soit que le petit cadre rouge et mobile n'eût pas été avancé à la bonne date, soit que la page du mois n'eût pas été tournée.
Cette fois, je n'oubliai pas de demander la permission :
- Puis-je mettre les calendriers à jour, Mr Saito ?
Il me répondit oui sans y prendre garde. Je considérai que j'avais un métier. Le matin, je passais dans chaque bureau et je déplaçais le petit cadre rouge jusqu'à la date idoine. J'avais un poste : j'étais avanceuse-tourneuse de calendriers.
Fubuki, elle, n'était ni Diable ni Dieu : c'était une Japonaise.
Toutes les Nippones ne sont pas belles. Mais quand l'une d'elles se met à être belle, les autres n'ont qu'à bien se tenir.