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3,58

sur 194 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Joshua Seigl, universitaire juif fortuné et auteur du best-seller « les ombres » sur l'holocauste, vit reclus dans sa grande maison du quartier huppé de Carmel Heights. La quarantaine pas encore atteinte, il est atteint d'une maladie que son neurologue n'arrive pas à diagnostiquer. Véritable affection ou trouble psychosomatique, toujours est-il que Joshua se décide enfin à embaucher un assistant pour l'aider dans son travail, lui qui chérit tant sa solitude et fuit les relations humaines.
Alma Bush est la fille tatouée. Campagnarde paumée, illettrée, elle fuit une famille prolétarienne qui ne lui a pas fait de cadeau et un passé tumultueux. Echouée dans le café où Dmitri travaille comme serveur, ce dernier la voyant finir les restes des repas des clients, l'héberge chez lui. Dmitri Meatte, « meat » comme la viande, Dmitri le viandard. Elle tombe éperdument amoureuse de lui, jusqu'à accepter de se prostituer pour lui faire plaisir.
Ayant trouvé une place de vendeuse dans une librairie, elle y croise Joshua. Il l'engage sur le champ comme assistante.
Le roman de Joyce Carol Oates est l'histoire de cette rencontre improbable d'anti-héros.
Lui est imbu de sa personne, noyé par le flot de ses courtisans qui l'adulent, ses succès auprès de la gente féminine et la reconnaissance d'une élite intellectuelle. Il en est devenu misanthrope.
Elle n'est personne. Issue d'une famille de mineurs, elle fait partie de la couche sociale la plus basse, prête à n'importe quoi pour un peu de reconnaissance, jusqu'à s'être fait tatouer le corps avec des bariolages dignes d'un enfant de cinq ans. Elle n'a pas d'existence propre, pas d'avis, aucun caractère. C'est une suiveuse. Elle est antisémite sans savoir ce que cela signifie sinon que son petit copain, Dmitri, qu'elle aime et qui la méprise, l'est.
Trois sentiments les animent : mépris, dégout et haine, de soi comme de l'autre.
Mais la vie se joue des certitudes et brouille les idées préconçues. Son oeuvre achevée, elle lève le voile sur une réalité insoupçonnée et révèle l'ampleur de l'illusion qui a trompé les esprits de ses jouets, ces êtres humains pétris de certitudes. La seule vérité éclate pour désigner l'ampleur des erreurs commises par chacun et du mensonge dans lequel ils se sont vautrés toute leur existence. Malheureusement la folie de l'aveuglement aura le dernier mot.
Traduction de Claude Seban.
Editions Stock, le livre de poche, 405 pages.
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Il n'y a pas à dire, JCO fait partie des meilleurs écrivains !
Profondeur psychologique, style au plus près de la pensée, focus sur l'Amérique profonde, description vraie des mentalités : tout est à prendre, chez elle.

La Fille tatouée vient de cette Amérique profonde, et elle provient même du plus profond des trous perdus, comparable à l'enfer, car son enfance et son adolescence ont été enterrées dans ce paysage de mines d'Akron Valley, finalement incendiées et rejetant des vapeurs toxiques.
La Fille tatouée, prénommée Alma, est profondément inculte, rejetée, niée dans sa personne, exploitée par ces mâles qui sautent sur tout ce qui est débile. D'ailleurs, les tatouages qu'elle porte, elle ne sait pas d'où ils viennent, du moins elle est incapable de l'expliquer.
Et quand la Fille tatouée rencontre l'intellectuel reconnu Seigl, auteur d'essais et d'un roman sur la Shoah, c'est le choc des cultures ! Ou plutôt le choc de l'inculture et de l'intelligence.

Oates excelle dans l'art de plonger dans les êtres, qu'ils soient horribles, fades ou tourmentés, pour en extraire la quintessence. Oates aime l'Homme, même si elle adore en raconter les instincts les plus sauvages ou les plus cachés. Elle l'aime tant qu'elle arrive à en extirper le coeur pour prouver la condition humaine, par là-même faible et excusable.
Pas de parti-pris, rien que l'humain, chez chacun, que ce soit la Fille tatouée, créature débile et molle, ou Joshua Seigl, au cerveau plein d'ouragan, ou encore les personnages secondaires, génialement décrits.

Je me ferais bien tatouer « JCO » sur le bras, tiens !
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Au moment de coller à ce roman des étiquettes, j'ai bloqué. Au-delà de "littérature américaine", blocage complet. Tellement typique de la littérature de Joyce Carol Oates ! Avant la lecture, on ne sait pas de quoi parle le roman ; pendant la lecture, on cherche à savoir de quoi parle le roman ; après la lecture, on n'est pas bien sûr de savoir de quoi parle le roman mais on est sûr d'une chose : on n'oubliera pas le roman. Là est le talent de l'auteure.

Joyce Carol Oates écrit sur la haine ; elle y excelle.
Joyce Carol Oates écrit sur les névroses de la société américaine.
Mais Joyce Carol Oates écrit avant tout sur la femme.
Elle écrit aussi sur l'homme, mais d'abord sur la femme.

Ici, la femme, c'est Alma.
L'âme de ce roman, c'est Alma.
En latin, Alma signifie "nourricière, bienfaisante, aimante, encourageante" ; étrange de ce fait qu'elle soit embauchée comme "assistante" ou plutôt comme "femme-à-tout-faire" par Joshua Seigl, un essayiste et romancier, fortunée figure de proue de l'élite new-yorkaise.
Seigl est d'ailleurs surtout renommé parce qu'il traduit Virgile du latin à l'anglais.
Alma est simple, pas éduquée, basique ; elle est pourtant une ressource pour Seigl.
Aussi mystérieuse qu'une divinité, elle surgit de nulle part ou plutôt de l'Enfer - quelque part en Pennsylvanie, au pays des mines chaudes où se consume la misère.
Alma est tatouée, marquée d'étranges dessins informes qui sont autant de stigmates.
Alma intrigue, séduit, fascine, répugne tour à tour ; elle est comme ces anti-héroïnes qui nous en apprennent beaucoup sur nous-mêmes.

Que raconte "La fille tatouée" ? Beaucoup en peu de pages. La Fille tatouée est clivante, inutile et indispensable à la fois. Elle se trouve souvent au mauvais endroit au mauvais moment. La Fille tatouée est manipulée, exploitée, influencée, utilisée. La Fille tatouée est la femme.

Comme toujours avec Joyce Carol Oates, il y a d'abord l'uppercut de l'écriture qu'on prend en pleine face. C'est tellement corporel, physique, métabolique que le malaise s'installe. On est subtilement un cran au-dessus de la crudité, on est dans la brutalité.

Le lecteur est voyeur, le malaise se poursuit et ne le quittera pas : fascination, répulsion, fascination, répulsion... Tout le monde n'apprécie pas, ça se comprend, moi je suis fan. Peu d'auteurs contemporains me chahutent de la sorte, m'expulsent de ma zone de confort tout en me faisant le cadeau d'une littérature de grande classe.


Challenge PLUMES FEMININES 2023
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Une jeune fille, pauvre, tatouée, dont on en sait pas grand chose, et dont on ne saura pas grand chose.... Alma l'héroïne de ce roman étrange, dérangeant, qui est traversé par plusieurs thèmes, la violence faite aux femmes, les classes sociales, la pauvreté.... Car Alma va devenir la femme à tout faire d'un riche écrivain. A la fois secrétaire, bonne, cuisinière, intendante....
Alma va progressivement haïr cet homme qui a tout alors qu'elle n'a rien.

Pas mon JCO préféré, je dois l'avouer. J'ai mis du temps à me laisser porter par le récit, ne sachant pas trop où l'auteure voulait m'emmener. Il est vrai qu'en plus elle nous a offert une batterie de personnages plutôt antipathiques. Car en effet pas de noir/blanc dans cette histoire, aucun manichéisme. On est loin du feel-good, mais plus proche de la réalité. Chacun son tour va être détestable, odieux....

Un sentiment d'étrangeté m'a accompagnée durant toute cette lecture. Je craignais la fin. J'oubliais l'auteure : j'ai trouvé la fin remarquable.
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Avez-vous déjà lu les critiques enthousiastes de Cécile/Latina concernant les romans de Joyce Carol Oates ?
Il m'était impossible d'ignorer plus longtemps cette auteure dont notre amie se ferait bien tatouer le nom sur le bras tant elle l'apprécie...
J'ai donc attrapé le premier titre qui se présentait et ce fut : La fille tatouée.

D'emblée, j'ai été saisie par la justesse et la précision avec lesquelles l'auteure décrit la personnalité complexe de ses personnages.
Entre Joshua Seigl et Alma Busch se crée un lien étrange fait de haine, d'attirance réciproque, d'observation mutuelle.
Comment l'écrivain malade en est-il arrivé à engager la pauvre fille paumée, originaire de la vallée minière de l'Akron, pour l'assister dans son travail ?
D'autant qu'imprégnée d'un antisémitisme viscéral, elle déteste ce Juif intellectuel, légèrement imbu de lui-même, qui l'ignore.
Telle un animal traqué, la jeune femme baisse les yeux et mendie l'amour, devenant ainsi la proie d'un amant abusif qui profite d'elle sans vergogne.
Farouche, elle se dévoile peu mais n'en est pas fragile pour autant.
Sa détermination à nuire à Seigl n'a d'égal que la pitié qui la saisit parfois malgré elle.
Ses tatouages mystérieux, elle n'en parle pas, ils lui viennent d'une autre vie.
Scarifications indéterminées, ils la condamnent à la méfiance.

La fille tatouée est un roman fort, âpre, dont les personnages sont durs.
Même les personnages secondaires sont dépeints avec une réalité crue, sans concession.
C'est un livre qu'on ne peut lâcher tant il est immersif.

Il se pourrait bien que Joyce Carol Oates trouve sa place au panthéon de mes auteurs préférés...
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Après avoir refermé le livre , on se dit :... roman psychologique . Face face somme toute assez classique. Oui mais pas seulement...c'est peut être un peu plus … un roman sociologique ? . Parce que ce que Joyce Carol Oates peint et dépeint dans ce roman c'est en fait l'état moral, mental d'une certaine Amérique . Certaine ? L'Amérique est multiple.
Mais laquelle exactement ? Un face à face entre lettré et non lettré ? riche face au pauvre ? Considérons le deux personnages : le professeur, et l'ignorante. Cela aurait pu être un « my fair lady » version 21e siècle. Oui cela aurait pu… Et si Bernard Shaw pensait que les pauvres pouvaient encore accéder au savoir détenu par la haute bourgeoisie ( bon ils n'en étaient pas plus heureux pour autant,... ) , Jack London à travers Martin Eden aura également su nous rappeler que le savoir dans certaine contrée ne suffit pas pour être intégré, accepté.
Cette Amérique du 21 e siècle décrite par Oates, elle, ne laisse aucune passerelle possible entre les classes. le gouffre est là. Social, culturel, économique… Mais le calme règne. En apparence, il ne faut pas grand-chose pour que les choses déraillent. Pour que la folie explose.
Hypocrisie de façade, les classes se côtoient, co-habitent sur le même territoire, le bon langage est d'usage. L'union , la concorde...Code de bonne conduite d'une démocratie qui a cloisonné, clivé les groupes sociaux. Car si l'antisémitisme est présent en filigrane tout au long du récit, celui ci aurait aussi bien pu être le racisme, ou tout autre infection cérébrale.
Il s'agit de haine, pour le dire directement. Haine née de l'ignorance, ignorance née du maintien des classes sociales les plus défavorisées dans un triptyque infernal : Misère sociale, misère morale, misère économique. Marquées à vie . Alors oui nous sommes loin, du rêve américain, même si le rêve est vendu comme valeur politique. le rêve occidental tout entier a basculé. Ascenseur social rime à présent avec antiquité sociale, et se conjugue avec précarité. Disons que le monde devient …horizontal. Tout est prétexte à religiosité, la morale, le fric, le sexe, le travail, comme le reste, plus les autels se dressent plus les bidonvilles progressent.
Alors roman psychologique, sociologique et je dirai politique Roman noir.
Roman politique, cela n'engage que moi. On comprend l'étendue du mal qui ronge cette société. Car même la partie la plus démocrate des classes dites supérieures est déconnectée par rapport à la réalité de la déglingue de la société. Ils y croient encore, et l'on comprend que les classes sociales oubliées, elles, n'y croient plus, même si elles en rêvent encore. La faille est belle et bien présente. Ce n'est pas la progression de cette tension résidente dans le face à face des personnages qui m'a glacé le sang dans ce roman, c'est l'issue de son récit.
Joyce Carol Oates : une grande plume de la littérature américaine.

Astrid Shriqui Garain

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Joyce Caroll Oates nous présente ici une drôle d'histoire : aux Etats-Unis, un écrivain reconnu dans le monde littéraire contemporain, solitaire et vieillissant, cherche un assistant. Ayant du mal à laisser quelqu'un d'étranger pénétrer dans son sanctuaire, il ne se résout finalement pas à en engager un, mais se laisse "envouter" par une fille étrange croisée dans le bar où il a ses habitudes, et l'embauche comme assistante.
Cette fille s'appelle Alma, elle a sur le visage, une étrange tâche. Tatouage ou tâche de naissance ? Certainement tatouage, car elle en a aussi sur les mains, sur les jambes, partout, des filaments, des tâches, des dessins incohérents qui marquent ce corps sensuel et attirant.
Son visage poupin et ses formes généreuses contrastent avec ces "salissures". Seigl, l'écrivain solitaire, se prend d'affection pour cette femme-fille mutique et un peu bovine. Ses cheveux paille et ses yeux clairs ajoutent à l'étrangeté.
Seigl, d'origine juive, le très riche et très respectable écrivain, et Alma, le modèle aryen dégénéré, la white trash, se tournent autour, s'étudient, se confrontent.
La jalousie de l'une face à la condescendance de l'autre.
C'est tordu, c'est intense, ça interpelle. C'est la fille tatouée.
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Alma Bush, jeune femme paumée au passé trouble, échoue par hasard à Carmel Heights.
Dans ce quartier huppé vit Joshua Seigl, écrivain reconnu et respecté, célèbre auteur d'un roman sur l'holocauste.
Le jour où Seigl fait une mauvaise chute, il doit se rendre à l'évidence : ses problèmes de santé vont l'obliger à prendre un assistant.
Et contre toute attente, c'est sur Alma, cette fille inculte et fragile, aux étranges tatouages et à l'apparence négligée, que son choix se porte.
Pétri de condescendance, incapable de ne pas jouer les pygmalion, lui qui fait partie de l'élite intellectuelle, il est pourtant bien loin d'imaginer les pensées de haine pure que la jeune femme nourrie en secret à son endroit. Car pour cette fille crédule, sous emprise d'un amant raciste et brutal, il est le «sale juif ».
Deux mondes qui se côtoient sans jamais se comprendre, chacun sûr de sa supériorité, chacun enfermé dans son mépris et sa haine de l'autre.

J'ai lu la version Livre de poche, dont la quatrième indique «un huis clos érotique». Autant dire que j'ai été très surprise puisqu'il n'y a rien d'érotique (à mon humble avis !) dans le traitement réservé à la pauvre Alma par son amant…
Non, ici tout est violence : violence envers les femmes, violence de la pensée négationniste, violence des classes sociales favorisées vers une population jugée culturellement inférieure, violence de la maladie sur le corps impuissant, violence du regard libidineux porté sur la chair féminine.

J'ai retrouvé avec intérêt l'écriture magnétique et intense de Joyce Carol Oates, dans ce roman où elle reprend la plupart de ses thèmes de prédilection, un univers trouble, vénéneux, fascinant.
Le décalage dans ce que chacun suppose de l'autre et la finesse avec laquelle elle décrit les sentiments, les pensées de ses personnages m'a vraiment captivé. Pourtant, je suis resté parfois un peu en retrait de l'histoire elle-même. le personnage de Seigl ne m'a pas vraiment touché, m'a semblé moins incarné; Peut-être parce que son questionnement autour de son travail d'écrivain ne m'a pas vraiment intéressé. Sûrement parce que les thèmes chers à Oates, violence sociale et misogynie notamment, sont traités avec moins de subtilité que dans d'autres de ses romans, Confessions d'un gang de filles ou encore Nous étions les Mulvaney, plus puissants selon moi.
Sans être un rendez-vous manqué, ce ne sera pas mon préféré dans l'oeuvre foisonnante de l'autrice.
J'ai néanmoins apprécié cette lecture pour la brutalité de cette confrontation entre deux mondes, et la vérité crue qui s'en dégage.
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Joshua Seigl, écrivain d'une petite quarantaine d'années, tombe gravement malade, sans savoir de quoi, et est désormais de plus en plus en difficulté face à de nombreux actes du quotidien. le besoin d'un assistant/secrétaire se fait alors sentir, et après de nombreux entretiens infructueux, il décide, sur un coup de tête, venu d'un bon pressentiment, d'embaucher Alma Busch, rencontrée à la librairie. Mais qui est vraiment Alma ? Une jeune femme aux tatouages disgracieux un peu partout sur le corps, qui semble arriver de nulle part, d'abord de passage et s'installant finalement à Rochester, dont l'on ne connaîtra que bien peu de choses sur son passé, mais de ce que l'on sait cependant est loin d'être reluisant...

Comme il est difficile, à la fermeture du roman, pour le lecteur, de sortir indemne de cette description frontale, fouillée psychologiquement, de la relation paradoxale qui se noue entre nos deux protagonistes. Alternant entre le point de vue de Joshua, nous permettant d'en apprendre plus sur sa vie, personnelle, professionnelle, sur le choix qu'il a fait de son assistante, et celui d'Alma, qui nous reste, au contraire, comme une quasi parfaite inconnue jusqu'aux dernières pages, le roman nous place en effet dans une posture gênante, inconfortable, de voyeurisme malsain, nous bousculant dans nos représentations, maltraitant à nouveau une figure féminine par une caractérisation plus qu'antipathique de celle-ci - comme cela semble être souvent le cas avec l'autrice - pour mieux montrer les mécanismes qui y ont mené ; ou comment la Femme peut devenir Autre quand le monde, masculin, qui l'entoure, la façonne ainsi, socialement comme moralement.

Et c'est, je crois, ce que j'ai trouvé le plus intéressant dans La femme tatouée, qui se pressent dès le titre : c'est la capacité de l'autrice à faire de celle qui devrait être le faire-valoir de Joshua la véritable "héroïne" du récit, en un crescendo parfaitement orchestré, pour mieux nous prendre à revers en un terrible dénouement vraiment surprenant, mais qui tient totalement la route.

Une nouvelle lecture de Joyce Carol Oates, de nouveau appréciable, malgré la pesanteur de l'ensemble, qui me donne encore et toujours plus envie de découvrir le reste de son oeuvre, et il y a de quoi faire !
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Parfaite, cette mise en tension des personnages tout au long du roman! Les deux principaux protagonistes sont opposés: l'un, Seigl, est un célèbre intellectuel juif, l'autre, Alma, le personnage éponyme, est une jeune femme inculte, stupide et mal aimée... le récit sera l'arc entre eux, oppressant et mouvant, nous tenant en haleine alors qu'il ne se passe pas grand chose, sauf à la fin. Il faut juste ne pas être allergique aux ambiances oppressantes pour s'y plaire, bien que l'auteure dose très finement les ombres de sa narration.
Ce qui est génial aussi est la manière dont JCO fait exister ses personnages, manière fulgurante et humaine: Alma est comme de la "pâte à pain", en raison de sa pâleur et de sa mollesse, elle respire par la bouche, ce qui dit autant sa sensualité que, peut-être, une noyade imminente dans une existence dont les subtilités lui échappent, l'énervent, la blessent. Magnifique personnage que cette femme perdue!
Et puis il y a la portée symbolique du récit, comme toujours chez JCO, qu'on distingue si on veut: à partir de la ligne narrative centrale clairement marquée, qui rend la lecture agréable, serpentent des lignes de fuite discrètes. Ce que ces personnages disent de la société américaine. Ce que signifie la maladie neurologique dont est affecté Seigl, forme de paralysie affective que réveillerait Alma, qui n'attend rien, qui n'a pas accès au sens métaphorique de la vie. Ce que cet homme, dont le père est juif, qui a écrit sur l'extermination de ses grands-parents, cherche en recrutant une assistante chargée de classer son courrier et ses brouillons: il veut "sauver [son] âme de l'oubli". Pourtant, Alma passera une grande partie du récit à ressentir de la haine pour lui, en raison de sa judéité et de son intellectualisme...
Un roman sur la difficulté à comprendre celui ou celle qui ne nous ressemble pas. Ne serait-ce que pour cela, "La Fille tatouée" mérite d'être lu!
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