Quand j'ai décidé de me mettre à la littérature japonaise contemporaine,
Ito Ogawa est l'une des premières autrices vers qui je me suis tournée avec son émouvant Restaurant de l'amour retrouvé puis son surprenant
La papeterie Tsubaki. C'est donc naturellement que j'ai remonté le fil pour découvrir un de ses anciens textes :
le jardin arc-en-ciel qui a su à nouveau me surprendre et m'émouvoir.
En dehors du nom de son autrice, je ne savais pas grand-chose de cette lecture avant de débuter. J'avais un peu oublié résumé et avis lus entre temps. J'ai donc eu le plaisir d'être totalement prise par surprise face au récit de vie fantasque puis poignant développé par l'autrice, un récit résolument moderne et même un brin revendicateur.
A travers quatre parties, qui font en fait entendre la voix des quatre membres de la famille Takashima, l'autrice retrace un parcours de vie exemplaire, fait de rencontres, de choix, d'achoppements, et surtout d'amour et de courage. Tout débute par un coup de foudre inattendu, celui de deux femmes avec un certain écart d'âge en plus. Izumi est en peine avec son jeune fils à élever seule maintenant que son mari a demandé le divorce. Chiyoko, elle, est une lycéenne lesbienne en rupture avec ses parents élitistes. Rien ne les prédestinait et pourtant en un instant tout fut écrit. Quelques temps plus tard à peine, elles fuient la ville ensemble pour aller s'installer à trois à la campagne dans le petit village de Machu Pichu où elles retapent une vieille maison pour y installer leur petite famille.
Sous des abords un peu rocambolesques avec des tournants de vie souvent trop abrupts et mal négociés, pour ne pas dire manquant de crédibilité, l'autrice développe en parallèle une vie de famille parfaitement écrite, elle. Avec audace et pudeur, elle nous compte la rencontre coup de foudre de ces deux femmes, leur choix de partir ensemble et de fonder une famille. Elle n'hésite pas à aborder cela avec honnêteté, montrant leur pauvreté au début, puis leur sobriété ensuite et leurs difficultés pécuniaires, mais sans jamais que ça les freine dans leur amour. La beauté de cette lecture vient de la beauté des sentiments qu'elles ont l'une pour l'autre et pour leurs enfants. L'autrice démontre sans forcer à tous les homophobes l'amour inconditionnel de mères, qui ne sont pas forcément mère biologique et l'équilibre et le bonheur que des enfants peuvent trouver dans ce modèle familial.
Cela n'a pas dû être un texte facile à écrire car la situation au Japon des homosexuels, surtout il y a 10 ans, c'est pas des plus aisées. le mariage homo n'est toujours pas reconnu. Les membres de ces couples doivent s'adopter pour former une famille. Et je passe sur les autres complications juridiques. Ici, l'autrice nous présente, sans chichi ou grands cris revendicatifs, ce que pourrait être la vie de deux d'entre eux, les obstacles à surmonter pour trouver le bonheur. Ce n'est pas simple pour elles au départ. Seule une d'elle a fait son coming-out. Il y a le poids du regard de la famille, mais aussi celui des voisins et des employeurs ou de l'école des enfants et de leurs camarades. Il y a la question des enfants l'une de l'autre, etc. Mais
Ito Ogawa traite tout cela avec beaucoup de douceur et de finesse, sans pour autant détourner le regard, ce qui est superbe. Surtout, donner la voix à chacun des membres de la famille, apporte un vrai relief à ce qu'elle cherche à démontrer et c'est fantastique.
J'ai aimé les suivre ainsi dans leur quotidien des plus simples. J'ai aimé voir les enfants grandir et les femmes vieillir. J'ai aimé les voir se trouver et concrétiser des projets de vie. J'ai été touchée par les épreuves qui leur étaient réservées, qui sont des épreuves que nombres de familles ont, mais qui ne sont jamais faciles. J'ai aimé me retrouver face aux crises d'adolescence, à la maladie, aux difficultés de couple, etc. La plume est simple et pourtant c'était lumineux. Il y a peut-être chez
Ito Ogawa, parfois, un goût trop prononcé pour le mélodrame à mon goût et un côté abrupt dans les changements opérés qui rendent cela un peu ubuesque, je pense notamment aux tout débuts de la relation Izumi-Chiyoko. L'autrice est plus brillante dans les petits riens du quotidien.
Émouvant récit de vie lesbienne, touchante histoire de famille arc-en-ciel,
Ito Ogawa nous offre ici un texte sincère et intime, qui ose se frotter à ce quasi tabou japonais de la famille homosexuelle. Dans ce cadre de petite ville de campagne, ce fut charmant de suivre le parcours de ces quatre êtres dont on aime entendre les voix au fil de ce que leur réserve la vie. Parfois manquant un peu de nuances dans les tournants, j'ai en revanche été touchée par la beauté simple de leur quotidien. C'est encore une très belle rencontre avec l'autrice.
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