Avec Chers fanatiques, [Amos Oz] renvoie les extrémistes de tous bords dos à dos et analyse les ressorts de toute radicalisation. Incitant le lecteur à s’interroger sur son propre potentiel d’intolérance.
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Depuis quelques temps, le mot "irréversible" m'irrite et me révulse profondément. L'extrême droite, d'une part, et les cercles postsionistes et antisionistes en Israël et à l'étranger, d'autre part, semblent avoir conclu un pacte secret, une conspiration, pour faire croire que l'occupation des territoires par Israël est irréversible, que les implantations sont irréversibles, que la solution à deux États est irréversiblement perdue. La droite frénétique emploi "irréversible" pour nous signifier que l'annexion des territoires par Israël et définitive et absolue, et que si nous refusons de vivre sous la domination d'une majorité arabe entre la Méditerranée et le Jourdain, nous devrons tout simplement renoncer à la démocratie. Il nous faudra accepter que les Juifs contrôlent le Grand Israël et que les Arabes soient de "joyeux bûcherons et des porteurs d'eau" reconnaissants. Vous, les Israéliens juifs qui valorisez tant la démocratie, vous devrez désormais l'oublier, nous lancent nos fanatiques avec une sorte de jubilation malsaine. Si vous ne voulez pas vivre dans un État arabe à majorité arabe, vous devrez abandonné votre démocratie bien-aimée, l'État de droit, la Cour suprême et vous résignez à vivre sous la domination des rabbins des collines. Cela ne vous plaît pas dans ce cas, dégager et bon vent !
Les postsionistes et des antisionistes de Tel-Aviv et jusqu'au campus universitaires occidentaux répètent la même antienne : l'occupation est "irréversible" et, comme en Afrique du Sud, nous devons choisir entre vivre en tant que nation souveraine dans un État d'apartheid juif, abandonner le rêve sioniste et nous résigner à être une minorité sous la domination arabe. Ça ne vous emballe pas ? Vous pouvez aller voir ailleurs.
La tenaille de la gauche et de la droite qui se referme sur nous, ce double lavage de cerveau, la bombe à retardement de l'"irréversibilité" de la situation, tout cela est destiné à briser l'esprit de la gauche sioniste, qui s'oppose à l'occupation et refuse de contrôler une autre nation, mais continue de croire que le peuple juif a un droit naturel, historique est légitime à une existence souveraine en tant que majorité, ne serait-ce que dans un minuscule État démocratique. La gauche sioniste est vomie par les colons des collines d'une part, et par le front postsioniste et antisioniste d'autre part. Ils la voient aux gémonies depuis des années et rêve de la réduire à néant. On dirait presque que ces deux extrêmes on conspiré pour nous décourager et nous forcer à adopter entre abandonner le sionisme ou la démocratie. Il espère que ce choix cornélien sera si douloureux qu'il nous restera plus qu'à débarrasser le plancher.
Mais au fond, que signifie le terme "irréversible" ? Qu'y a-t-il d'irréversible dans l'occupation israélienne et la répression exercée sur les territoires palestiniens ?
Qui a vu de ses yeux, comme moi, la fondation de l'État d'Israël trois ans à peine après le meurtre des Juifs d'Europe par les nazis de s'empressera pas d'accepter le terme "irréversible". Qui a vu Charles de Gaulle, le héro de la droite française, accorder l'indépendance à l'Algérie, annexée par la France et peuplée de centaines de milliers de colons français fanatiques, ne s'empressera pas de reprendre les menaces des prophètes de l'"irréversible" au pied de la lettre. Qui a vu le pacifiste Levi Eshkol (originaire du kibboutz des Degania), après la guerre des Six-Jours, dirigé l'État juif dans ses frontières les plus élargies depuis le royaume de David; qui a vu Menahem Begin, le chef de la droite israélienne, démanteler "l'empire" Deshkol dix ans plus tard exactement afin de signer un accord de paix avec l'Égypte; qui a assisté au discours du président Sadate, "roi des Arabes" et principal ennemi d'Israël, devant la Knesset pour offrir la paix et la reconnaissance en échange de territoires et a vu Menahem Begin lui serrer la main; qui a été témoin de John F. Kennedy, héros de la gauche américaine, enliser les États-Unis dans le bourbier du Vietnam, dont Richard Nixon, un homme de droite, les en a tirés; qui a observé Isaac Rabin et Shimon Perez, deux faucons militant pour les implantations, serrer la main de Yasser Arafat et tenter de parvenir un compromis visant à aboutir à la création de deux États; qui a vu le jeune adhérent au Komsomol, Michael Gorbatchev, démembrer l'empire soviétique; qui a vu les buldozers d'Ariel Sharon raser les colonies de Sharon à Gaza…, qui a vu tout cela et plus encore n'avalera pas facilement la pilule de désespoir connu sous le nom de situation "irréversible". (111)
Ma position sioniste, depuis le départ, est très simple : nous ne sommes pas seuls sur cette terre. Nous ne sommes pas seuls à Jérusalem. Je dis la même chose à mes amis palestiniens : vous n'êtes pas seuls sur cette terre. L'autre face de l'alternative serait de diviser cette petite maison en deux appartements encore plus petits. Un logement pour deux familles. Si quelqu'un de part et d'autre de la barrière israélo-palestinienne déclarait : "c'est ma terre", il aurait raison. Mais s'il affirmait : "Cette terre, entre la méditerranée et le jourdain, est à moir et à moi seul", ce serait un homme assoiffé de sang.
p. 106-107
Jésus a dit à ses disciples :"Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font." Je suis d'accord avec le premier membre de la phrase, parce qu'au fond, il est toujours possible de pardonner, mais pas avec la seconde proposition. On affirmant ils ne savent pas ce qu'ils font, Jésus considère les humains comme des êtres moralement infantiles qui font le mal sans le savoir. Là-dessus, il se fourvoie et trompe son monde. Quand nous infligeons une souffrance à quelqu'un, même à un chat, nous agissons en connaissance de cause. N'importe quel gamin le sait. La douleur est sans doute le plus grand dénominateur commun à l'humanité. (46)
Ceux qui refusent ou sont incapables de catégoriser le mal peuvent en devenir les esclaves. Ce qui "mettent dans le même panier" l'apartheid, le colonialisme, Daesh, le sionisme, le politiquement incorrect, les chambres à gaz, le sexisme, les plus grandes fortunes de la planète et la pollution de l'air servent le mal par leur refus même de le catégoriser. (24)
Aucun homme n'est une île, mais chacun de nous est une presqu'île. Nous sommes tous pour moitié rattachés au continent, à une famille, une langue, une société, des croyances, des opinions, un État, une nation, etc, tandis que l'autre moitié se tourne face à la mer, aux montagnes, aux éléments intemporels, aux désirs secrets, à la solitude, aux rêves, à la peur et à la mort. (42)
1/10 Amos Oz : Ailleurs peut-être (France Culture - Adaptation radiophonique). Diffusion sur France Culture du 20 juin au 1er juillet 2016. Photographie : Arad. Amos Oz. 2004 © MICHA BAR AM / MAGNUM PHOTOS. La vie de tous les jours dans un kibboutz imaginaire des années 60, décrite par un des plus grands écrivains israéliens contemporains. Roman traduit de l’hébreu par Judith Kauffmann. Adaptation : Victoria Kaario. Réalisation : Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière. Ce feuilleton en dix épisodes est l’adaptation du premier roman d’Amos Oz, « Ailleurs peut-être », publié aux Éditions Gallimard. Amos Oz y dépeint la vie des membres d’un kibboutz imaginaire, celui de Metsoudat-Ram, dans les années soixante. Sur le fil d’une année, Ezra, Reouven, Bronka, Noga et les autres, s’aiment, se trompent, se quittent, font des enfants, légitimes ou pas. Et ces drames intimes qui jalonnent le récit n’entravent en rien la marche de la vie collective, rythmée tant par les célébrations communistes que par les rumeurs qui empoisonnent la vie des villageois.
1er épisode : Un village idyllique, Messieurs-dames
2ème épisode : Le charme de la banalité quotidienne
3ème épisode : Le Premier Mai
4ème épisode : Puissance du mal
5ème épisode : Deux femmes
6ème épisode : Soirées poétiques
7ème épisode : Un personnage diabolique
8ème épisode : Tu es à nous
9ème épisode : Idylle familiale
10ème épisode : Tableau final
Avec :
Violaine Schwartz, Quentin Baillot, Jean-Gabriel Nordmann, Evelyne Guimmara, Mohamed Rouabhi, Christine Culerier, Rebecca Stella, Nicolas Lê Quang et bien d’autres
Bruitage : Sophie Bissantz
Equipe de réalisation : Bernard Lagnel et Anil Bhosle
Assistante de réalisation : Julie Gainet
Source : France Culture
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