J'avais tellement aimé
Wonder que je n'avais pas le choix, je devais lire ce roman! Pourtant, après quelques pages du récit de Julian, j'avais l'impression de lire un simple bonus, un peu comme lorsque l'on écoute les scènes supprimées d'un film marquant, question d'étirer le sentiment de douce nostalgie nous habitant. J'ai néanmoins compris que ce livre avait dû être utilisé pour le scénario de la récente adaptation cinématographique, comme lorsqu'il est question de l'attitude des parents de Julian dans la gestion du « cas d'August ». Au fil du récit, on comprend mieux Julian, mais on ne l'excuse pas pour autant d'agir aussi imbécilement avec August. Et puis soudainement, l'auteure nous propulse dans l'histoire de sa grand-mère française et juive lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette surprenante issue, qui peut paraitre fantasque, cadre finalement bien dans le scénario et est écrite avec un ton juste et avec un grand souci de crédibilité. Cette fin sera marquante pour Julian, bien sûr, mais aussi pour le lecteur.
La nouvelle de Christopher rappelle quant à elle le point de vue que Via, la soeur d'August, émettait dans
Wonder. On comprend que l'ami d'enfance à Auggie s'est toujours retrouvé dans le second rôle et que cela lui pèse, malgré tout l'amour qu'il porte pour la « tête d'affiche ». S'y sentant enchainé, une part de lui souhaite maintenant s'éloigner pour mieux s'émanciper, devenir plus populaire et apprécié, mais l'autre part ne sait comment gérer sa loyauté défaillante pour son ami. Par exemple, Christopher refuse d'appeler August lorsqu'il apprend le décès de sa chienne adorée. Malgré les bons souvenirs qu'il se remémore, il a d'autres chats à fouetter : plusieurs soucis à l'école avec élèves et enseignants, son groupe de musique sur le point d'imploser à la veille d'un concert, sa mère qui se retrouve à l'hôpital… Quand tout se complexifie, il aura alors l'occasion de reconsidérer le rôle que son ami du primaire peut jouer dans sa vie. Très fort, et émouvant!
Après deux bon textes vient le plus long, celui de Charlotte. Je croyais que celui de Julian allait rester mon préféré des trois; il l'a d'ailleurs été pour une de mes élèves qui a dévoré le roman. Quoique moins saisissant, le troisième récit s'est pourtant révélé le meilleur à mes yeux par sa vision authentique des relations sociales. On retrouve donc Charlotte, qui, en tentant de rester neutre dans les divers conflits, ne souhaite que montrer le meilleur d'elle-même aux jeunes et aux adultes qu'elle côtoie. Ce faisant, elle n'arrive toutefois pas à gagner l'amitié du groupe populaire de l'école et à reconstruire les ponts avec son ancienne meilleure amie de toujours, Ellie. Elle trouve ses amies actuelles différentes d'elle et plus ennuyantes, mais tout de même pas au point de vouloir rejoindre Summer avec August et Jack Will. Vraiment? Même s'ils ont l'air d'avoir tant de plaisir au diner et qu'elle apprécie bien August, qu'est-ce que les autres pourraient penser si elle s'asseyait avec eux? La composition d'une équipe de danse avec seulement trois filles vient cependant brillamment mêler les cartes. Charlotte, Summer et Ximena, l'une des plus populaires de l'école, doivent faire fi des gangs et s'unir pour préparer un audacieux spectacle. Durant tout ce temps, Charlotte dépeint avec finesse son tiraillement entre parfaire son humanité et son image sociale.
Franchement, cette troisième nouvelle boucle en beauté ce recueil quant à l'obsession que l'on peut entretenir dans la recherche de l'approbation des autres et de la popularité. Il offre au lecteur un panorama de la méchanceté quotidienne antagoniste au désir de plaire, méchanceté composée principalement de maladresse et de mauvaise compréhension. Au final, les leçons d'humilité des personnages hissent la gentillesse et l'ouverture à l'autre au sommet des vertus : on retire de l'ensemble que vivre ces valeurs mènent davantage à de belles surprises et expériences qu'à des déceptions. Est-ce cliché? Peut-être, mais c'est un message important qui est ici transmis de façon honnête, en faisant vibrer le lecteur et en lui faisant ressentir une palette d'émotions, et ce, dans un cadre qui sonne vrai. Les situations relatées offrent une surprenante profondeur pour le public cible, tout en restant écrites dans une langue précise et accessible. de plus, on constate que tout ne finit pas nécessairement bien, comme dans la vie, mais que toute situation peut être enrichissante.
En bref, Auggie et moi confirme le talent et l'humanisme de
R.J. Palacio. Je crois qu'elle est maintenant prête à sortir du fameux univers d'August pour se lancer dans de nouvelles idées. Souhaitons-lui bon succès, ne serait-ce que pour notre propre bonheur!
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