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3,84

sur 700 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Mon opinion de ce roman, Mon nom est Rouge, a changé constamment pendant ma lecture. J'ai été d'abord intrigué par ce meurtre qui ouvre le premier chapitre, puis un peu déboussolé par l'organisation, chaque chapitre de ce roman choral étant raconté par un personnage différent (le Rouge, le Noir, Olive, Papillon, Cigogne, Mon Oncle, l'Assassin, maître Osman, Shékuré et Esther). Ne pas connaitre les vrais noms de la plupart d'entre eux m'a déstabilisé un peu. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas accroché à ces surnoms, ça m'a pris de temps me rappeler qui était qui et, incidemment, à me sentir engagé. Je ne savais plus trop dans quelle aventure littéraire je m'étais lancé mais j'ai persévéré.

En effet, j'étais intrigué. J'aime bien cette atmosphère de suspense. Et que dire de cette époque fascinante que l'empire ottoman du XVIe siècle, cet atelier de peinture dans lequel travaillent des miniaturistes, et derrières d'étroites ruelles dans lesquelles des affaires louches se passent! C'est ce qu'il fallait pour me raccrocher. Mais voilà que ces affaires louches se multiplient. Au meurtre s'ajoutent de l'espionnage, des rivalités (jusqu'à maintenant, tout va bien parce qu'on peut les lier au meurtre), la crainte de nouvelles techniques artistiques qui pourraient menacer la pureté de l'art ottoman (et des traditions musulmanes) mais aussi des intrigues secondaires comme les marchandages d'Esther, les amours de Shékuré… Bref, ça va dans toutes les directions.

Alors que j'étais un peu embrouillé par cette intrigue qui partait dans toutes les directions, quelque chose me ramenait toujours. Sans doute l'univers dépaysant qui est dépeint avec brio et détails par l'auteur Orhan Pamuk. Ces miniaturistes, les enluminures dont ils décorent des copies de manuscrits célèbres comme ceux des grands poètes persans Fîrdowsî et Nizâmî. Une plongée dans un monde littéraire qui m'est peu familier et qui m'intéresse de plus en plus. Et puis il y a Istanbul! de tout temps, ce fut une métropole qui attirait les plus grands artistes mais aussi des gens de tous les horizons. Et de tous les milieux. Des Circassiens, des Géorgiens, des Arméniens, des Persans, des Syriens (Arabes), des Juifs, des Grecs et mêmes des Italiens. Coupe-gorge d'un côté, marchands avec leurs étals de l'autre, puis entre les deux ce peuple qui cherche la bonne affaire, l'amour, la survie…
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L'opposition Orient/Occident sur la conception du monde par le prisme de la peinture : quelle intéressante perspective!

Et ce n'est pas tout ce qu'offre ce riche et haletant rompol érudit, qui fait revivre l'Istanbul de la Renaissance par le truchement d'un atelier de peintres experts en calligraphie, enluminures et dorures, élevés à la dure pour apprendre à peindre les choses "comme Dieu les voit" et non pas comme les hommes les perçoivent : ombres et perspectives, hérétiques pratiques des Occidentaux!

Et derrière les assassinats qui ensanglantent l'atelier, derrière le livre commandé en secret par le Sultan pour émerveiller les Vénitiens, ce sont tous les grands empires orientaux qu'Orhan Pamuk évoque, l'art divin et ancestral utilisé comme arme de pouvoir, avec, symbole en forte résonnance avec l'époque actuelle, une Istanbul dépouillée des fastes de l'empire ottoman qui balance en cette fin de Renaissance entre un Orient séculaire et un Occident en passe d'étendre sa domination et d'imposer sa vision du monde...
Ainsi l'auteur nous rappelle, avec une fine érudition et un art consommé de conteur, que la peinture est bien plus que le tableau, et que face à son pouvoir le summum pour le peintre véritable est de se crever les yeux.

Ceux du lecteur restent eux bien ouverts, et enchantés de ce qu'ils apprennent!
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A Istanbul au 16ème siècle, un enlumineur du Sultan est assassiné. Les personnages qui constituent son entourage prennent alors tour à tour la parole pour raconter cette histoire : qui est donc le meurtrier ? Pourquoi a-t-il commis ce geste impardonnable ? Comment cela s'inscrit-il dans l'héritage de l'empire ottoman ?

Sur la quatrième de couv', il est écrit que c'est un "roman polyphonique et foisonnant" : pour une fois, on ne pourrait pas mieux dire ! Plusieurs intrigues se supperposent pour n'en faire qu'une, la plus compliquée à suivre étant l'enjeu de l'art traditionnaliste ottoman menacé par l'art occidental. Néanmoins, l'écriture éclatante de Pamuk nous entraîne, à l'aide d'une narration à plusieurs voix pour certaines personnifiées, dans un récit copieux. Tellement copieux que les longueurs se font souvent sentir, les répétitions de concept étant nombreuses autour de cette trame principale qu'est le meurtre de plusieus protagonistes.
Dans les nombreuses descriptions d'enluminures, Pamuk fait grandement penser à Emile Zola qui n'y allait pas de main morte avec ses descriptions passionnées, colorées et détaillées du moindre bout de tissu ou de la moindre lumière qui traverse des feuilles d'arbres. Toutes ces descriptions n'apportent rien au récit mais rendent hommage à un travail d'orfèvre et historique que les férus d'art ottoman ne manqueront pas d'apprécier.
L'histoire d'amour, quant à elle, tient une place importante dans le fil rouge mais se révèle assez rasante.
La révélation du coupable prend tout son temps pour arriver et a de quoi lasser vu le temps pris pour parvenir à la solution, laquelle, au final, n'est pas non plus si extraordinaire que ça et qu'on aura comprise quand même bien en amont du secret officiellement révélé.
Malgré ces constatations, on passe un bon moment. Certes long mais la qualité de l'écriture et de la traduction se savourent à leur juste valeur.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Eh bien, le moins qu'on puisse dire c'est que j'aurais mis vraiment beaucoup de temps à finir ce livre !

Découragée par l'aspect répétitif du roman (à cause de la forme polyphonique) et les longues descriptions, je me suis d'abord arrêtée à mi-parcours.
Puis, poussée par la curiosité, j'ai tout de même repris le livre et me suis laissée à nouveau envoûtée par l'atmosphère stambouliote du XVIème siècle : l'évocation de ses palais, de tous ses quartiers, et des sultans qui ont le plus marqué cet empire grandiose.

Certes, il faut attendre les 150 dernières pages (sur 700!) pour voir le récit s'accélérer! Mais le jeux en vaut la chandelle.
J'ai, entre autre, beaucoup aimé les passages type "les experts dans les ateliers de peintres", où l'on voit les personnages utiliser une loupe et toutes leurs connaissances pour traquer les styles avec la plus grande minutie ( ceci, afin de démasquer l'assassin de l'Oncle et de Monsieur Délicat) !

Orhan Pamuk signe donc une oeuvre très riche où se mêlent art, histoire, philosophie, policier, moeurs et littérature ! (avec quelques anachronismes qui font sourire)
Sans vouloir dévoiler le pot-aux-roses, je tiens quand même à parler de la fin du roman : un petit clin d'oeil malicieux (et ironique!) d'Orhan Pamuk à ses lecteurs qui nous met (à nouveau) en garde contre son art.
A coup sûr, lui au moins n'aura pas cédé à la folie, l'ambition et la vanité de ses personnages !
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« Maintenant, je suis mon cadavre, un mort au fond d'un puits. J'ai depuis longtemps rendu mon dernier souffle, mon coeur depuis longtemps s'est arrêté de battre, mais en dehors du salaud qui m'a tué, personne ne sait ce qui m'est arrivé.»

Voilà l'incipit de ce roman policier très atypique, ceux qui sont fans de polars traditionnels, passez votre chemin !

Nous sommes en 1591 et @Pamuk nous raconte l'histoire de le Noir revenu à Istanbul après 12 ans d'exil mais aussi et surtout l'histoire des peintres de la Cour ottomane, Papillon, Olive et Cigogne, les principaux suspects du crime, les derniers à perpétuer la tradition des miniatures ottomanes, et l'histoire de ceux qui les ont précédés, dans les ateliers de peinture, durant 600 ans.

@Orhan Pamuk livre ici une oeuvre aux multiples facettes.

Roman historique car à travers l'histoire de ces maîtres miniaturistes, c'est toute l'histoire de l'Empire byzantin puis ottoman qui est conté par le biais des légendes rapportées par les différents protagonistes du roman.

Roman sur l'art et plus particulièrement sur le déclin de la peinture orientale qui avait échappé, jusque là, à l'influence de la Renaissance venue de Venise. Fini la surenchère des motifs dorés, l'échelle des objets s'inscrit désormais en perspective dans l'espace.
C'est l'âge d'or du portrait privé dont Titien, le Tintoret et Véronèse sont les maîtres absolus. Ils mettent en valeur l'humanité du modèle, jouent avec les ombres et lumières et s'opposent ainsi aux écoles persanes dont la tradition interdit ces évolutions. Chez ces derniers, le tableau doit représenter la vision de Dieu et non celle de l'artiste.
Les écoles de maîtres miniaturistes reçoivent de moins en moins de commandes royales et les artistes s'affranchissent du diktat gouvernemental pour vendre sous le manteau les nouvelles tendances venus de l'Occident. C'est le thème principal du roman de @Pamuk.

Roman d'amour entre la belle Shékuré et le Noir sur fond de traditions archaïques. Ici ce sont le poids des traditions et le libre arbitre de la femme qui sont abordés.

Le style du roman est d'une richesse inouïe.

Les histoires sont racontées comme si elles étaient, elles mêmes, des miniatures persanes, cela enlève toute l'empathie que j'avais tant aimé ressentir dans @cette chose étrange en moi, du même auteur, mais en même temps cela s'inclue parfaitement à toute l'histoire.

La narration alterne entre les points de vue des personnages de l'histoire et les points de vue des dessins représentant qui une pièce d'or, qui le diable, qui un arbre, qui la mort ou encore, sans doute un de mes chapitres préférés du roman : l'histoire de la couleur Rouge, omniprésente dans l'art perse, qui se transforme en narratrice.

@Pamuk impulse parfois un rythme effréné à son histoire et c'est en cela que l'on peut qualifier le roman de polar, il joue avec les mots, avec la langue et se permet des excentricités surprenantes.
« Allez, mam'zelle Scarlet » mais tout est réfléchi, maîtrisé, le talent transpire à chaque page.

Pas de doute @mon nom est rouge est, selon moi, un très grand roman. Je ne saurai que le recommander à tous les lecteurs férus d'Histoire et de Grande Littérature.

Challenge Nobel
Challenge Atout-Prix
Challenge Pavé
Challenge Multi-défis
Pioche dans ma PAL
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Il était une fois une grande oeuvre recueillant de nombreuses oeuvres ...
Que de légendes, d'histoires, de livres cités dans cette histoire !
Orhan Pamuk dans Mon Nom est Rouge nous fait pénétrer dans le Grand Trésor, dans la bibliothèque d'un sultan et nous propose pour satisfaire notre curiosité et notre envie, de nombreux livres méconnus bien que légendaires, livres qu'il prend respectueusement comme modèles dans la tradition des auteurs d'antan et des copistes, des maîtres calligraphes, qui reprenaient sans cesse les mêmes histoires, les mêmes légendes, avec quelques variations selon ... Des variations qui reposent sur des détails, d'infimes détails qui font parfois toute la différence car elles révèlent en cela le talent de l'artiste ! Dans la tradition des grands miniaturistes de l'Orient, Orhan Pamuk illustre sa Grande Oeuvre de moultes descriptions (à défaut d'illustrations) de descriptions richement ornées, cadrées, illuminées, enluminées. On découvre dans ce livre plusieurs miniatures (les chapitres) :
la miniature de la couleur rouge ( voir le titre du livre), du chien,du Diable, ou de la Femme ... Ces miniatures par Orhan Pamuk ne sont pas traitées comme les miniatures des auteurs d'antan ( qui relèvent du genre noble) car ces portraits se font souvent railleurs, relevant de l'art vulgaire de la satire, ainsi rabaisse-t-on l'art sacré jusqu'à divertir les habitués du café des artistes et jusqu'à nous divertir, nous lecteurs ... Orhan Pamuk mêle les genres et les tons (art sacré, art profane). Il permet la rencontre de la tradition et de la modernité en nous proposant un roman historique qui nous parle des Grands Ateliers du temps des Sultans,à l'heure de leur déclin, et en même temps un roman policier (où le lecteur participe activement à la recherche de l'assassin).

En effet, tout commence par la mort de l'un des peintres, qui a été assassiné et jeté au fonds d'un puits. Et Orhan Pamuk nous invite à découvrir l'assassin, particulièrement dans les monologues de l'assassin, qui se découvre sans se découvrir tout à fait, ménageant ainsi le suspens jusqu'à la fin ...
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Il y avait eu cet été Les nuits de la peste, qui m'avaient donné bien de la peine et fait jurer qu'on ne m'y reprendrait plus. Et puis, malgré tout, des semaines après cette éprouvante lecture, des réminiscences, comme si mon esprit recréait le livre qu'il aurait aimé lire ou plutôt les sensations plaisantes qu'il aurait aimé trouver à sa lecture. Dans mon souvenir de moins en moins précis, le caractère fastidieux d'un roman qui m'avait enlisée s'estompait peu à peu pour ne laisser que le pittoresque et l'élan d'une grande fresque. le rivage des Syrtes m'avait, il y a des années, fait cette impression déjà. Et puis, dans ses commentaires, JeffreyLeePierre m'a recommandé Mon nom est rouge, me garantissant qu'il ne s'y était pas ennuyé. Voilà qui explique pourquoi j'ai à nouveau tenté Pamuk.
Nous sommes cette fois dans l'univers des miniatures à la fin du XVIe siècle à Istanbul. Une longue tradition d'ornementation des livres relie les peintres aux plus grands maîtres des siècles passés et si personne ne peut être reconnu tel quel sur un dessin, si les belles ont toutes les traits chinois, les chevaux d'une bataille exactement tous le même air, c'est qu'ils sont peints tels que Dieu les voit et que le peintre a su préserver cette pure représentation de tous les excès de style corrupteur.
Mais tandis que se raffine à l'infini le soin à restituer ainsi le geste passé des plus grands, l'Occident prend le chemin de la perspective, apprend à créer des horloges à la mécanique impressionnante et surtout, sait faire le portrait des hommes à tel point qu'ils paraissent vivants sur la toile. A tel point que n'importe qui saura les reconnaître d'après la peinture, qu'ils auront ainsi atteint une éternité et une renommée qui n'aurait pu être que celle de Dieu.
C'est dans ce contexte que le sultan commande à Monsieur l'oncle un livre qu'il puisse offrir au doge de Venise et qui lui montre que l'Orient n'a rien à envier au nouveau style. Débauchant les meilleurs peintres d'un atelier concurrent, l'oncle les fait travailler en secret à cet ouvrage sans qu'ils puissent voir ce que peignent les uns et les autres. Jusqu'à ce que l'un d'eux se fasse sauvagement assassiner. Jusqu'à ce qu'il devienne impossible de faire cohabiter dans une même ville autant de divergences de vue sur ce qu'est l'art et sur le rôle de la représentation.
Sur fond d'une intrigue mi policière mi amoureuse, le lecteur est entrainé chapitre après chapitre à entendre la confession des différents personnages. Esther, colporteuse et marieuse haute en couleurs, Papillon, Olive, Monsieur Délicat et la Cigogne, les peintres, l'Assassin, l'Oncle, la belle Shékuré, tous viennent nous prendre à témoin, nous inclure dans le livre qui se constitue ainsi sous nos yeux. La mise en abîme est tout à fait réussie : ce sont des êtres de fiction qui nous parlent du pouvoir de la représentation, des personnages de papier qui font jaillir le sang pour régler des différents tant théoriques, civilisationnels, que bassement terre à terre. La jalousie, le désir, le sordide ont autant à voir dans cette histoire que l'art le plus éthéré.
Alors si j'ai pu trouver encore quelque fois quelques longueurs et que j'ai tout de même senti passer les 736 pages de mon édition de poche, j'ai bien davantage préféré Mon nom est Rouge aux Nuits de la peste. Cette fois, pas d'enlisement, l'intrigue policière est y pour beaucoup, elle m'a rappelée celle du Nom de la rose, cette même exigence intellectuelle, ce même mélange du sordide et du sublime, ces mêmes envoutantes et exotiques ambiances autour du livre. Mais ce que j'ai préféré, c'est de trouver, de ci, de là, quelques savoureux anachronismes, une autodérision assumée qui, tout en mettant en péril la vraisemblance de la narration, venait souligner le charme puissant de la fiction.
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Orhan PAMUK, depuis longtemps déjà, s'est fait un nom dans la littérature turque mais aussi étrangère. Traduit en plusieurs langues, avec bonheur semble-t-il, l'auteur a récolté plusieurs grands prix littéraires. En 2006, l'Académie suédoise lui décerne le Prix Nobel de littérature, désignant un auteur « qui, à la recherche de l'âme mélancolique de sa ville natale, a trouvé de nouvelles images spirituelles pour le combat et l'entrelacement des cultures ». « Mon nom est rouge » (Gallimard 2001) est le titre donné à la traduction française de son roman « BENIM ADIM KIRMIZI » paru en 1998. Il y est beaucoup question de l'entrelacement des cultures !
Mais qu'on ne s'y trompe pas, « Mon nom est rouge » n'est pas un de ces pesants manuels d'histoire ou une quelconque thèse de doctorat impropre à la lecture. Non, « Mon nom est rouge » est une délicatesse, une mille-feuille, pâtisserie fine et savoureuse qui met tout à la fois en valeur l'intrigue policière et l'intrigue amoureuse qui nouent et dénouent sans cesse ce roman polyphonique. Tour à tour, une quinzaine de personnages vont prendre le rôle du narrateur et nous donner, souvent à travers des contes et légendes, les différents points de vue qui s'affrontent, s'opposent, se confirment mutuellement ou digressent pour embrouiller le lecteur et l'inciter à rester accrocher au fondement même de l'intrigue : ‘Qui est l'assassin ?'
Mais au-delà du roman policier oriental, « Mon nom est rouge » est aussi et surtout l'occasion que Orhan PAMUK se donne pour se et nous poser les questions philosophiques qui gravitent autour des conceptions artistiques de l'Orient et de l'Occident. A qui est l'oeuvre ? L'artiste est-il un inventeur de style ou un copieur de Tradition ? Quand un artiste acquière-t-il son statut ? Quand et comment passe-t-il du statut d'apprenti à celui de maître ? Fort des acquis de ses apprentissages auprès des maîtres, a-t-il seulement le droit de signer son oeuvre ? Qu'est-ce qui est vraiment de lui et qui l'autorise à revendiquer la paternité d'un savoir-faire qu'il doit à ses prédécesseurs ?
Parallèlement à cette recherche d'identité de l'artiste, l'auteur soulève la question de l'intervention étatique dans la production artistique. L'art ne peut-il être que religieux, à tout le moins moral ? Et que dire des régimes qui briment la créativité des hommes d'Art et emprisonnent ces personnalités au nom d'une religion ?
Plus largement encore, ce roman pose la question du choc des cultures, celle de l'Orient et celle d'Occident. La première est-elle condamnée à poursuivre cet art grandiose de la miniature ou rien n'est représenté pour son côté réaliste, tout n'étant que symbole ? La seconde, celle d'Occident, a-t-elle tort d'intégrer dans son art pictural les techniques de mises en perspectives, mises en relief, en évidence qui donnent davantage à voir ce qui est reflet le plus juste possible de la réalité ? L'une est-elle du côté de la fidélité tandis que l'autre se vautre dans une infidélité blasphématoire ?
Toutes ces questions, Orhan PAMUK les met dans la bouche de ses conteurs orientaux et nous entraîne dans ces mille-feuilles composites qui font rêver et réfléchir. Après moultes digressions, le lecteur saura qui est l'assassin. Mais il réalisera combien le coeur de ce récit est ailleurs… dans le rapport que chacun entretient avec sa civilisation, sa culture et toutes les autres qui lui sont si proches.
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Istanbul, 16è siècle.
Le roman se déroule dans cette ville-monde, avec pourtant très peu de personnages : quelques peintres miniaturistes, leurs maîtres, la fille veuve et les petits-enfants de l'un d'eux, ainsi qu'une gourmande commère juive.
Ville-monde car Istanbul, carrefour des influences orientales et occidentales, entre Méditerranée et mer Noire, entre Europe et Asie, voit de nouveaux courants de pensée affluer et transformer les façons traditionnelles : dans ce roman, c'est l'art ancestral et très codifié de la miniature, qui change au contact de la peinture vénitienne.
Plusieurs intrigues se mêlent et sont racontées par différents intervenants, parmi lesquels un cheval... une couleur... et un cadavre. Qui est l'assassin ? C'est un des fils du roman. Une intrigue amoureuse fait l'objet d'une autre narration.
L'ensemble est donc foisonnant et plein de mystères. Pamuk prend son temps pour nous faire entrer, et même vivre, dans l'histoire, ce qui rend l'oeuvre à la fois ardue et fascinante.... mais avec quelques longueurs et des répétitions toutefois.
Très belle traduction de Gilles Authier.
Challenge Nobel
Challenge Globe-trotter (Turquie)
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4 étoiles parce que je ne peux qu'être admiratif des connaissances et de la finesse des détails que Pamu nous donne à voir dans ces quelques 736 pages, version poche.
La narration découpée en courts chapitres où les nombreux narrateurs, protagonistes, se suivent, reviennent, s'alternent, ce qui rend la lecture plus digeste et plus rythmée qu'un récit linéaire qui aurait été pourtant possible.
C'est un morceau de culture, de la culture "turque", de ce "plutôt proche Orient", à cette croisée des chemins. Un morceau de peinture très fin, d'enluminure très fine.
J'ai fort apprécié ce roman sur une grosse moitié, m'y suis perdu souvent, mais la trame reste simple, le pitch aussi, donc on s'y retrouve. Les passionnés d'arts apprécieront au carré. Et parleront de chef-d'oeuvre.
Moi je me limite à 4 étoiles.
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