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EAN : 9791030705966
448 pages
Au Diable Vauvert (06/04/2023)
3.98/5   28 notes
Résumé :
« Certains méchants ne veulent pas juste détruire le monde : ils veulent le changer. Radicalement. ».
Dans Le Syndrome Magneto, Bolchegeek théorise le traitement des personnages de méchants de la pop-culture dont les motivations ne sont pas leur intérêt personnel ou une simple vilenie, mais la volonté de rendre le monde meilleur, de lutter contre ses injustices. Le constat de départ est que, régulièrement, une partie du public se trouve davantage en phase ave... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
De tous temps, et encore davantage avec la pop culture moderne, le méchant a toujours eu un rôle déterminant dans le récit.
Au cinéma, en littérature, en série, point d'enjeu palpitant sans grand méchant derrière. Tant et si bien qu'on en viendrait presque à se souvenir davantage du vilain que du héros. Un comble !
Tout le monde aime Batman…mais quand même le Joker…
Les Stark, c'est bien sympathique mais Cersei Lannister c'est autre chose !
Les X-Men sont vraiment cool mais Magneto, il est ultra-classe, non ?
Oui, le super vilain vole très souvent la vedette au gentil de l'histoire, et ce n'est pas pour rien !
Benjamin Patinaud, alias Bolchegeek sur YouTube, s'est donc plongé dans cet étrange phénomène dans le Syndrome Magnéto, un essai de 400 pages publié Au Diable Vauvert et qui se pose la question qui dérange : Et si les méchants avaient raison ?

De Magneto à Malcolm X
Le pari de Benjamin Patinaud est aussi simple que casse-gueule : partir d'un des méchants les plus emblématiques de la pop-culture, à savoir Magnéto, pour en tirer un syndrome qu'il va passer au crible afin de vous expliquer pourquoi nous sommes tant fascinés par ceux que l'on devrait, en toute logique, détester. Au fil de son exploration des grandes figures de super-vilains, de Thanos à Ozymandias en passant par Koba, l'auteur dresse un portrait type du méchant, il analyse les points communs et les différences qui existent entre eux, tente d'en tirer des enseignements.
Pour cela, il parcourt notamment le monde du comic book américain et fait de Magneto, l'un des méchants les plus emblématiques qui soit, le saint patron de ceux que l'on doit stopper à tout prix.
Ceux qui pensent que la fin justifie les moyens.
En mettant en rapport L Histoire (avec un grand H) et les différentes oeuvres où ces méchants surgissent, Benjamin Patinaud analyse les rapports entre le réel et la fiction, où comment, d'une certaine façon, tout devient politique dès lors que l'on se penche sur ce que raconte les faits et gestes des personnages de fiction. D'autant plus quand les auteurs derrière sont connus pour adorer mélanger politique et fiction. N'est-ce pas Grant Morrison ?
Le Syndrome Magnéto immerge son lecteur dans ce que l'on pourrait aisément qualifier de l'oeuvre du Mal au cinéma ou en littérature.
Là où les choses deviennent plus intéressantes, et au-delà des échos du réel dans la fiction, c'est lorsque l'auteur tente d'opérer un changement de paradigme en se demandant si, au fond, notre vision du méchant n'est pas biaisée par notre idéologie, notre société et la façon dont on nous présente les choses. Et si nous avions fait fausse route sur les méchants depuis le début ?

Produits idéologiques
Dès lors, le Syndrome Magnéto se dévore. D'abord parce que Benjamin Patinaud déploie son érudition coutumière pour traverser les époques et les mythes, et ensuite parce qu'il est tout à fait capable de se rendre compte que nous sommes tous, consciemment ou non, façonnés par une idéologie.
Y compris l'auteur du présent ouvrage qui finira, forcément, par aller très à gauche dans sa représentation politique. Mais pour quelqu'un qui s'appelle Bolchegeek, vous vous attendiez vraiment à autre chose ?
Ce qui est remarquable cependant, c'est que cette vision très à gauche du méchant, même si elle entre en contradiction avec votre propre idéologie, est suffisamment étayée et exploitée pour que l'on y trouve matière à réflexion. Une sorte d'ouverture du débat sur le rôle du méchant et ce qui fait que nous, lecteurs et spectateurs, le percevons comme tel.
En abordant des sujets d'une actualité brûlante tels que l'écoterrorisme ou la place du queer dans notre culture, Benjamin Patinaud passionne et force à s'interroger sur des éléments qui, peut-être, nous aurons échappé jusque là. C'est certainement ce qui rend son essai aussi passionnant d'ailleurs, cette capacité à surprendre et à creuser toujours plus loin tout en gardant le fil rouge Magneto pour raccrocher l'ensemble des wagons/chapitres.
En fin d'ouvrage, et pour parfaire le tout, vous trouvez également une galerie de méchants célèbres avec des réflexions autour de leurs actions. L'occasion de se rappeler aussi que certains méchants n'ont, finalement, pas grand chose de méchant quand on y regarde de plus près.
Un basculement qui donne envie de se replonger dans toutes les grandes oeuvres de fiction mentionnées dans le bouquin…et une preuve supplémentaire que Benjamin Patinaud a bel et bien atteint son but.

Essai transformé pour Benjamin Patinaud avec ce passionnant (et dense) essai sur le rôle sociétal du héros passé au prisme de la pop culture et au gré de nos conceptions idéologiques.
Le Syndrome Magneto risque bien de rebattre les cartes du Bien et du Mal que vous pensiez pourtant solidement ancrées dans votre esprit, soyez prévenus.
Lien : https://justaword.fr/le-synd..
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Benjamin Patinaud, alias Bolchegeek sur Twitch et autres réseaux, publie ce printemps 2023 chez Au Diable Vauvert un essai sur les super-héros titré le Syndrome Magneto pour décortiquer la figure des méchants dans des oeuvres très connues à commencer par les comics de super-héros mondialement connus désormais.

Essai d'analyse clinique
Qu'est-ce qui fait qu'un personnage apparaît comme le méchant d'une histoire ? L'auteur joue cartes sur table dès le départ : il fait l'hypothèse qu'il existe un syndrome Magneto repérable chez chaque antagoniste dans une histoire quelconque, du moment que celui-ci ou celle-ci est un tant soit peu bien écrit. Ainsi, prenant exemple après exemple, Benjamin Patinaud tisse un certain nombre de codes qui révèlent toute une gamme de signes et de symptômes conduisant à voire différemment un « méchant » de l'histoire, un « vilain » de l'intrigue, une adversaire de la norme. Il s'agit alors de questionner un aspect-clé de leur personnalité : leur quête de la vérité malgré l'opposition de leur monde, leur rapport à la marge (le chapitre « codés queer » est d'ailleurs passionnant à ce propos), leurs envies de changement, etc. C'est d'ailleurs intéressant que, dès les premières lignes, ce soit sur l'angle médical, psychologique même, que cet essai est orienté, cela conduit l'auteur à présenter chaque code de ces antagonistes comme des contre-normes, des symptômes les montrant comme inadaptés au monde « normal » ; la dernière partie relève même de la prosopographie puisqu'il s'agit d'une liste-type d'antagonistes servant à illustrer le propos de cet essai, avec le « patient Poison Ivy », le « patient Thanos », le patient Daenerys », etc. jusqu'à plus soif (car la liste est longue).

Concentré de pop' culture
Comme l'indique le titre et comme le montrent les multiples références données au coeur de la thèse de l'auteur, le personnage Magneto est central pour comprendre la dynamique de tout bon « méchant ». En effet, avec son histoire personnelle liée au génocide juif par les nazis, avec ses pouvoirs incommensurables et sa volonté farouche de ne rien céder à la norme, Magneto apparaît comme le contre-héros type puisqu'il se laisse dépasser par son combat, certes noble (protection des humains mutants), mais qui perd tout crédit quand il abuse de ses pouvoirs pour devenir lui-même l'oppresseur. Il se construit ainsi en opposition non seulement aux humains qui lui veulent du mal, mais surtout aux autres mutants (X-Men) qui veulent résoudre leurs conflits de façon plus pacifiste (en tout cas, c'est ce qu'ils affirment parce qu'eux aussi sont quand même très portés sur la destruction). À partir de ce patient 0 longuement décortiqué par l'auteur parce que la franchise X-Men a été régulièrement réinterprété et réutilisée pour comprendre les enjeux de nos sociétés contemporaines (l'opposition Pr Xavier-Magneto faisant penser à celle entre Martin Luther King et Malcolm X en simplifiant beaucoup ; la question mutante étant également connexe avec les jeunes populations se découvrant homosexuelles ; enfin, la question du nucléaire à l'origine des mutations faisant aussi parti des grandes considérations politiques de la fin du XXe siècle et du début du XXIe), c'est tout un pan de la culture populaire est qui est analysé à l'aune de ce syndrome particulier pour marteler la problématique fondamentale : pourquoi être méchant ne signifie pas vraiment vouloir le Mal ? Les dessins animés Disney, les comics Marvel, DC et autres ainsi que leurs adaptations cinématographiques et télévisuelles, quelques mangas, des franchises plus classiques comme Star Wars, etc. : quantité d'oeuvres servent le propos de l'auteur sur la construction occidentale de l'antagoniste de base.

Politisation de la littérature
À force de pousser la réflexion et d'essayer de comprendre ce qui peut être si fascinant dans les figures de « méchants » de fiction, Benjamin Patinaud se plait à y voir bien plus que des méchants de fiction et plutôt des symboles avant-gardistes de propos politiques. Qu'ils soient créés volontairement comme porte-étendard d'une cause ou qu'ils soient plus ou moins récupérés comme tels, ces personnages antagonistes, quand ils sont bien écrits ou bien campés, ne sont jamais que des personnages de fiction. En effet, Magneto et consorts permettent de montrer des Maux nécessaires, des tentatives de changer le monde de façon radicale et parfois complètement décousue, mais bien souvent avec un bon fond. Et même si le plus souvent, ces antagonistes sont vilipendés pour leurs manières expéditives, leur cause, elle, a largement gagné le coeur du grand public : au fond, vaincus, ils sont tout de même vainqueurs parce que leur cause passe malgré leur défaite. Régulièrement, on sent poindre l'habitude pédagogique de Bolchegeek dans les écrits de Benjamin Patinaud et cela ajoute une autre couche de compréhension, grâce à des éléments bienvenus sur la sociologie de nos sociétés, sur le racisme / sexisme / validisme / homophobie, etc. ambiant·e, sur la confrontation d'idéologies notamment économiques au sein d'un monde dominé par le capitalisme financier. En cela, et c'est bienvenu, Bolchegeek continue à l'écrit à faire oeuvre d'éducation populaire grâce à la culture populaire.

Ce Syndrome Magneto est donc une analyse très intéressante des mythes héroïques contemporains, et notamment super-héroïques. Benjamin Patinaud a une vision large de la pop' culture et s'en sert à bon escient pour nous concocter un manuel d'analyse critique des antagonistes de toute bonne histoire.

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Et si en fait, le véritable héros de nos histoires était le méchant. Et si en fait, on prenait plus facilement le parti, secrètement, honteusement (ou pas) de celui qui, normalement, devrait nous faire peur, nous dégoûter. Et si en fait il était le vrai héros de l'histoire, le seul à vouloir vraiment changer les choses.

Sans méchant, pas de gentil. Sans super-vilain, pas de super-héros. Autrement dit, vu le nombre de héros, c'est à une masse phénoménale de méchants que nous avons droit. Mais tous ne se valent pas, tous n'ont pas la même destinée. Dans le tas, un surnage forcément : Magneto. En tout cas, c'est ce qu'affirme Benjamin Patinaud, alias Bolchegeek dans cet ouvrage à la couverture fortement évocatrice. Dans cet essai, il s'attaque au personnage qu'on est censé détester mais qui est finalement bien attirant à travers la figure de ce mutant qui aura droit à son procès, comme certains chefs nazis à Nuremberg. Pour expliquer ce phénomène, l'auteur déroule plusieurs raisons en différents chapitres intitulés « Symptômes ».

Une des principales causes (qui est répété un certain nombre de fois) est que lui seul tente de faire bouger les choses. Dans toutes les oeuvres examinées (les comics mettant en scène les X-Men sont la base du corpus, mais d'autres oeuvres viennent s'y agglomérer), le constat est clair : la société est inégalitaire et laisse de côté une grande partie de sa population. Et malgré cela, rien ne change. Quand un méchant débarque pour améliorer cette situation, le héros l'en empêche au nom de l'ordre. Ce dernier est le garant des règles. Même si elles sont injustes. Il est juste là pour faire respecter la loi. Même si cette loi le met en danger (les mutants des X-Men sont parfois rejetés par les non-mutants, voire parqués ou pire). Alors que le méchant, lui, n'hésite pas à la remettre en cause. Pour le bien commun, il est prêt à mettre sa vie en danger. Bon, c'est vrai qu'il met aussi souvent en danger celle des autres et qu'il agit la plupart du temps de façon disproportionnée et souvent cruelle. Mais, selon l'auteur du Syndrome Magneto, ce serait comme un réflexe de défense des créateurs de ces histoires que d'exagérer l'horreur du méchant pour éviter qu'on puisse lui donner raison. Quelques-uns ont bien essayé de modifier le regard de leurs lecteurs, mais cela n'a pas duré et, dans le long terme, tout est revenu à la normale.

Je reconnais de réelles qualités à cet ouvrage : il pose à plat pas mal d'idées qui tournent dans les têtes depuis des années et permet de les mettre devant soi et d'y réfléchir attentivement. Et cela fait du bien quand quelqu'un fait le boulot pour vous, surtout quand il est documenté comme ici. Cependant, l'effet général est assez lassant. Surtout au début. J'ai eu beaucoup de mal à avancer dans le premier tiers car j'avais l'impression que, justement, on n'avançait pas. Je comprends que certaines comparaisons sont pertinentes et marquent les esprits, mais est-il nécessaire de mettre en parallèle je ne sais combien de fois les oppositions entre certains personnages (le professeur Xavier et Magneto, essentiellement) avec le célèbre Martin Luther King vs Malcolm X ? Au bout d'un moment, j'ai eu le sentiment que cela ne progressait aucunement et que le livre n'allait être qu'un éternel recommencement, l'auteur reprenant les mêmes arguments, avec d'autres personnages, d'autres exemples.

J'ai malgré tout persévéré, et bien m'en a pris, car de nouvelles idées sont apparues. Mais il reste tout de même cette idée de plan répétitif et de remplissage. Ce qui est dommage car, comme je le disais, certains points sont intéressants. Pas révolutionnaires, mais intéressants. Et surtout tout le fond de critique sociétale. Ce rejet des méchants a sans doute à voir avec le rejet de la société de tout ce qui peut déranger l'ordre établi. Et donc, l'oppression de certains par d'autres. Benjamin Patinaud cherche, semble-t-il, à montrer qu'en fait, ce sont les méchants les plus intéressants dans les histoires. Car eux n'hésitent pas à tenter d'améliorer la société, de mettre le doigt là où cela fait mal pour pouvoir faire évoluer les mentalités. Mais ils en sont empêchés par le carcan des habitudes, protégé par des super-héros super-réacs, en fait.

Bilan de cette lecture ? Mitigé. La forme est sympathique, même si le ton est parfois agaçant (mais je suis sans doute un vieux qui a du mal avec certaines habitudes actuelles). Certaines idées sont intéressantes, même si l'ensemble est un peu brouillon et répétitif. le syndrome Magneto est un ouvrage de passionné qui a le mérite d'exister et de mettre en lumière un certain regard sur la culture des comics. Et qui donne une furieuse envie de se précipiter dans sa collection pour y retrouver tous ces personnages hauts en couleur. Surtout les méchants.


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Tout part du constat malheureusement évident, que le monde va mal. Et c'est tout autant le désir des Méchants que des Gentils de le voir changer. Notre monde vacille dangereusement, trop rapidement, et il lui faut des solutions. Et si les solutions proposées et effectuées par les Méchants se révélaient finalement plus efficaces, plus utiles, parce que justement plus drastiques, plus définitives que celles des Gentils trop prudents ?

Ce dilemme vieux comme le monde, qui maintient notre conscience dans cet entre-deux troublant et qui divise tout un chacun, est incroyablement bien décrypté et analysé par Benjamin Patinaud, qui, à renfort d'anecdotes et d'exemples tous plus révélateurs et divertissants les uns que les autres, nous replonge dans nos univers favoris, en décortiquant les comportements de nos Gentils et de nos Méchants préférés !

L'auteur analyse de manière approfondie et très intelligemment toute cette culture plus ou moins manichéenne dans son ensemble, tous supports confondus, en reliant les aventures et les personnages à des événements historiques et politiques du monde réel. Des points de vue et des comparaisons étayées de citations et de références passionnantes parsèment l'ouvrage de bout en bout.

Benjamin Patinaud analyse précisément la dynamique générale des Méchants et des Gentils, et le bilan n'est pas forcément en faveur de ceux que l'on croit. Les références et les recherches exécutées par l'auteur sont d'un intérêt et d'une pertinence exaltants ! L'approche philosophique est captivante, effrayante souvent ; mais permet à un champ de réflexion de s'ouvrir et de proposer une infinité de solutions à l'amélioration ou non de notre existence. À la toute fin, les Méchants n'auraient-ils pas trouvé la meilleure possibilité ? Ou bien, toutes leurs hypothèses ne seraient que jonchées de traîtrises et d'atrocités dissimulées par de belles paroles dictatrices ? Est-ce que la fin justifie les moyens lorsqu'il s'agit de sauver le plus grand nombre ?

Quant au fameux « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », est-ce bien vrai ? Nos Gentils héros se retrouvent-ils vraiment devant des dilemmes et des épreuves insoutenables, ou les ficelles des scénaristes leur facilitent-ils toujours la tâche en toutes circonstances ? Quelles places l'idéologie et la justice tiennent dans nos vies pour que nos personnages de fiction nous bouleversent autant ?

Que le Méchant s'avère réellement mauvais et néfaste, ou qu'il ouvre une fenêtre plus épineuse sur les raisons et les diverses causes de ses agissements, le Méchant reste une figure très complexe et plus parcellaire qu'il n'y paraît peut-être pour certains.

À travers tous les supports, BD, films, livres, séries, Benjamin Patinaud nous offre une analyse détaillée, emplie des sources les plus représentatives de tous les Méchants qui composent notre monde culturel réel et fictif, voguant de faits historiques ancrés dans nos mémoires, en épisodes livresques ou cinématographiques les plus terrifiants.

C'est un immense plaisir de redécouvrir tous nos personnages favoris sous un jour nouveau, un regard scrutateur, épiant chaque détail de son attitude, pour mieux le cerner et ainsi peut-être le comprendre, voire le guérir de lui-même.

Cet ouvrage est à la fois très sérieux et très fun. C'est rare d'exceller dans ces deux genres simultanément. Game of Thrones, Nelson Mandela, Spider-Man, Thatcher, Hitler, Batman, Obama, Victor Hugo, X-Men, Halloween, Nietzsche, Star Wars, Scar… Tant de références iconiques qui nous font tant vibrer… Ces sources, ces inspirations intergénérationnelles nous mènent, pour peu qu'on s'en donne la peine, à une compréhension du Mal présent en nous, l'être humain, plus sincère plus honnête et plus vraie. Mais qui osera le reconnaître ?

Une liste savamment pensée des plus célèbres « patients » atteints du syndrome Magneto, accompagne les dernières pages du livre pour parfaire au mieux cette expérience analytique de nos Méchants favoris.

Une excellente réussite !
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Dans la zone la plus politique (même contre les apparences) de la pop culture contemporaine, une précieuse, drôle et érudite analyse de ce que les « méchants » nous disent désormais de plus en plus.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/23/note-de-lecture-le-syndrome-magneto-benjamin-patinaud/

Depuis 2015, Benjamin Patinaud anime, en compagnie de Kathleen Brun, l'émission web Bolchegeek, véritable paradis pour les amatrices et amateurs de pop culture à la conscience politique critique un tant soit peu développée (les résonances avec notre propre émission Planète B, développée pour Blast avec Antoine Daer et La Volte, sont logiquement significatives). C'est donc avec une joie toute particulière que j'ai vu apparaître ce « le syndrome Magneto » (sous-titré « Et si les méchants avaient raison ? ») sous la bannière Au Diable Vauvert en avril 2023. Au programme de ce superbe essai, né d'un épisode de l'émission désormais développé en plus de 400 pages, une analyse roborative, enlevée, et associant juste comme il faut l'humour et le sérieux, de ce qui se cache potentiellement derrière certains types de méchants emblématiques de la pop culture, observés à travers quatorze symptômes et quarante-deux patients (ou patientes) célèbres.

Si le Magneto « des X-Men » et le Joker « de Gotham City » sont sans doute ici les deux « méchants » les plus mis à contribution, on notera aussi, parmi bien d'autres (à la différence notamment d'essais plus anciens consacrés, par exemple ici ou ici, aux super-héros, le corpus utilisé par Benjamin Patinaud est d'une taille qui force aussi l'admiration), la présence précieuse de Dark Vador, des grands antagonistes de chez Disney ou de chez James Bond, de Mystique (dont l'importance symbolique ne doit jamais être négligée), de Poison Ivy ou du Tom Zarek de Battlestar Galactica, ou encore du Roy Batty de Blade Runner, pour n'en citer que quelques-uns.

Parmi les démonstrations les plus notables de cet ouvrage qui ouvre bon nombre de pistes à la réflexion politico-culturelle la plus contemporaine, il faut noter la manière dont il pulvérise mine de rien la distinction violence / non-violence (en jouant notamment du couple Xavier / Magnéto comme fantôme de l'opposition galvaudée Martin Luther King / Malcolm X) d'une manière congruente avec celle d'Andreas MalmComment saboter un pipeline », 2020), ou celle dont il examine comment certaines créatrices et certains créateurs (il souligne ici le rôle de Mark Millar et d'Alan Moore, par exemple) testent en permanence une enveloppe d'acceptabilité politique relative de la part des fabriques (américaines ou mondialisées) à blockbusters (c'est tout particulièrement cet aspect qui avait retenu toute notre attention dans le cadre du huitième épisode de Planète B, « Lutte des classes et science-fiction ») – ce dont la récente série « Arcane » issue du jeu en ligne « League of Legends » de Tencent / Riot Games fournit aussi une illustration particulièrement réussie.

« le syndrome Magneto » est ainsi l'un de ces textes encore trop rares susceptibles de modifier et de détordre notre rapport à la pop culture, aux lignes de partage toujours plus brouillées entre mainstream et underground, et aux contenus politiques implicites et explicites de (presque) toute création contemporaine. Une lecture à bien des égards indispensable.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le fameux « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » se résume trop souvent à une posture tant les héros pop ont rarement à se préoccuper des conséquences de leurs choix. Ils préservent ainsi notre soutien inconditionnel et leur morale naïve, bien qu’ils se comportent de manière inconséquente, à savoir en dépit de toute logique, mais aussi avec frivolité et désinvolture. Dans les grandioses courses-poursuites d’un James Bond et autres héros de films d’action, les gentils foncent à toute berzingue au milieu de rues bondées à la poursuite des scélérats, et ce sans jamais provoquer d’accidents mortels ni faucher d’innocents passants, doués d’une capacité d’esquive infaillible. Cela tient à chaque fois du miracle, mais on admet ce code du genre car, avec les héros, tout est miraculeux ! Et tant mieux, car personne ne cherche dans ce type de fictions un quelconque réalisme ! La pureté morale tient beaucoup à ce genre de ficelles, sans lesquelles l’héroïsme deviendrait une discipline plus épineuse. Que ressentiriez-vous envers James Bond s’il percutait soudainement un mère et son enfant au détour d’une rue ?
De même, lors des fusillades caractéristiques du genre, l’environnement se transforme en champ de bataille sans la moindre bavure. Il peut toutefois arriver qu’un innocent prenne une balle perdue, mais elle viendra nécessairement du méchant. Les comic books classiques nous demandent quant à eux d’admettre que leurs combats cataclysmiques en plein centre urbain entraînent rarement des victimes collatérales : cela fait partie du jeu, de la suspension volontaire d’incrédulité. Pourtant, il y aurait de quoi être incrédule, mais ça gâcherait le spectacle. Il est attendu qu’un super-héros traversant un immeuble sous les coups de son adversaire n’en ressorte pas couvert du sang de ceux qui s’y trouvaient? Il suffit de ne pas le montrer, de ne pas en parler ou – encore mieux – de faire en sorte que le héros sauve quelques badauds des conséquences de son propre combat.
Quand certaines œuvres décident de ne pas appliquer cette règle implicite, elles détournent les codes, cherchent à les questionner et assument un ton plus « adulte », ou provocateur. C’est l’approche des films DC Comics de Zack Snyder, qui se veulent plus sombres, ou de BD critiques du genre super-héroïque comme The Boys ou Invincible explorant ces enjeux collatéraux. Dans les comics Banner et Ultimates, les transformations de Hulk provoquent des centaines de victimes, ce qui pousse Bruce Banner dans un cas à essayer de se suicider, et dans l’autre à passer en procès. Le crossover Civil War explore quant à lui l’encadrement étatique des super-héros suite à un affrontement aux conséquences dramatiques pour les civils.
Faire assumer les conséquences fâcheuses de leurs actes aux héros apporte un réel intérêt narratif en déjouant nos attentes et ajoute une tension morale. La série animée Netflix Arcane se devait d’offrir au public une scène spectaculaire où les personnages du jeu vidéo dont elle est adaptée (League of Legends) usent de leurs pouvoirs iconiques. Cette dernière se conclut par la mort accidentelle d’un gamin sous l’arme d’un des protagonistes, venant donner de l’épaisseur à ce qui aurait pu n’être qu’une démonstration inconséquente de violence gratuite mais jouissive. Ces choix font d’Arcane une œuvre pop où les rôles de méchants et de gentils se retrouvent plus brouillés qu’à l’ordinaire, notamment dans leur approche du syndrome Magneto.
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La culture populaire, friande de personnages manichéens plus grands que nature, en a produit de toutes les formes et de toutes les couleurs (y compris les plus criardes). Savants fous, dictateurs démiurges, terroristes illuminés, criminels sans foi ni loi, monstres géants ou de forme humaine, envahisseurs extraterrestres ou génies du mal en tout genre : elle les a érigés en piliers indéboulonnables de ses aventures spectaculaires.
Et tout le monde aime les méchants.
Paradoxal quand on y pense, non ?
Ne devraient-ils pas nous être détestables ? Nous pousser à prendre fait et cause pour les héros avec la foi de supporters déchaînés ?
Tout le monde aime les méchants, pour tout un tas de raisons.
Ils s’avèrent souvent plus drôles, plus tragiques, plus touchants que ces agaçants parangons de vertu destinés à les vaincre.
Ils se montrent fascinants, inventifs, charismatiques, libérés des carcans esthétiques et éthiques qui contraignent les héros. Les studios Disney en ont longtemps fait leur marque de fabrique et leurs formidables antagonistes revêtent les meilleurs costumes. Exécutant les innocents comme les numéros musicaux inoubliables, leur malfaisance relève de la performance, leur vilenie décomplexée de la jouissance.
Tout le monde aime les méchants, parce qu’on adore les détester.
On attend d’eux qu’ils remplissent leur rôle. Que vaudrait Jésus sans Judas ? Alfred Hitchcock faisait un constat sans appel : « Meilleur est le méchant, meilleur est le film. » C’est le jeu, non ? Pas de match sans équipe adverse. Sans elle, à qui adresser nos huées ? Qui souhaite-t-on tant voir perdre ?
Alors comment se fait-il qu’au beau milieu de la partie il nous arrive de les applaudir ? Ou pire : d’espérer secrètement qu’ils l’emportent ?
Ça vous est déjà arrivé, n’est-ce pas ? Sans forcément lui accorder une adhésion sans réserve, le méchant vous aura semblé un instant plus sympathique que ce béni-oui-oui de héros. Face à l’un de ces monologues enflammés dont les antagonistes ont le secret, vous vous êtes dit : « Il n’a pas totalement tort, le bougre ! » Un fugace instant, une partie de vous désire qu’il parvienne à ses fins. Terrible sensation : la plus détestable engeance vient de marquer un point !
Quelque chose cloche. Le jeu ne se déroule pas comme prévu. Un grain de sable vient d’enrayer la confortable machine morale si bien huilée. Si le méchant a raison, pourquoi n’est-ce pas lui le héros ? Au nom de quoi s’opposer à ses desseins ?
Un gag récurrent traverse la sitcom How I Met Your Mother. Le personnage de Barney prend toujours le parti des méchants dans les films. Il les conçoit même comme leurs héros officiels. Le ressort comique repose sur le fait qu’il s’agit d’œuvres aux antagonistes bien identifiés : Karaté Kid, Terminator, Die Hard, etc. Cette inversion des valeurs participe à la caractérisation de Barney comme un type égoïste, à l’éthique défaillante. Un salaud qui se range naturellement du côté des salauds, sans même s’en apercevoir. S’ensuivent des échanges amusants avec ses amis cherchant à lui montrer son aveuglement, alors qu’il remet en cause des certitudes.
Dans bien des cas, la répartition des rôles revêt moins d’évidence. Le fragile consensus vole en éclats, parfois malgré les auteurs. Tous les méchants ne commettent pas leurs atrocités pour de viles raisons. Ils ne souhaitent pas nécessairement le pouvoir, la richesse ou le retour de l’être aimé – ou en tout cas, ils s’en défendent.
Ils ne veulent pas détruire le monde : ils veulent le changer.
Difficile de ne pas partager leur constat que, d’une manière ou d’une autre, le monde va mal. Que des torts doivent être réparés et des injustices combattues. Que la situation dure depuis trop longtemps. Ces visionnaires veulent retourner la table, bousculer le statu quo. La proposition paraît alors plus séduisante et leur trouver des excuses plus tentant. De leur point de vue, ils ne font pas le Mal. Ils se livrent à des actes condamnables pour une cause supérieure, un objectif louable. Autrement dit : pour le Bien.
Utopistes malencontreusement dystopiques, extrémistes plus ou moins bien intentionnés, libérateurs aux penchants totalitaires, terroristes se vivant comme des résistants : ce livre leur est consacré.
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Modifier la distribution des rôles constitue une transgression d'un récit établi. Ce qui n'est pas encore la norme fait figure d'originalité et séduit le public, mais pour briser les codes, il faut d'abord que ceux-ci aient été mis en place.
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Dans la BD The Killing Joke, Alan Moore, cherchant à donner une origine au Joker, propose l’idée que Batman et lui sont tous deux le produit d’une mauvaise journée : une mauvaise journée de riche nous donne un super-héros, et une mauvaise journée de pauvre nous donne un super-vilain. Notre justicier combat le Joker avant de combattre la pauvreté alors il continuera à y avoir des Jokers. Comment imaginer Pamela Isley se reconvertir en agent d’entretien des espaces verts alors que l’humanité n’a pas cessé de maltraiter l’écosystème que défend son alter ego maléfique Poison Ivy ?
Si vous voulez continuer vos aventures, ne réglez jamais les problèmes structurels.
Cela pose question dans la mesure où on ne propose aucune solution mais, d’une certaine façon, c’est aussi un moyen de continuer à parler d’un monde qui ne règle pas ses problèmes non plus : le nôtre. Une histoire unique, avec un début et une fin, doit fournir une résolution satisfaisante, mais les mythologies modernes, comme les comics de super-héros, fonctionnent différemment : elles proposent un miroir déformant, sans cesse réinterprété, et elles sont censées nous accompagner tant qu’elles trouveront le moyen de rester pertinentes.
Batman gagne à chaque fois mais continue inlassablement à échouer. Nous aussi.
Tant qu’il y aura des problèmes, il y aura les méchants de Batman pour nous le rappeler. De quoi le Joker rit-il ? Peut-être « rit[-il] des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
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(…) comme le mal, le mieux est l’ennemi du bien. Chercher à résoudre des problèmes insolubles s’avère vain et même dangereux.
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Le syndrome Magneto : Pourquoi sont-ils si méchants ?
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Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

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Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

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