Sylvia Peromingo offre avec ce livre son douloureux, et bouleversant, témoignage.
Au cours d'un jogging, en pleine journée, elle est agressée et violée. Elle raconte comment elle a pu miraculeusement échapper à son agresseur, les chocs post traumatiques qui ont suivi (= comment "elle est morte ce jour-là"), et son combat judiciaire et médiatique.
En 2010, elle apprend que "son monstre" (comme elle l'appelle), sorti de prison, a récidivé. Il a violé, puis tué, une jeune femme, Natacha, alors qu'elle faisait son jogging.
C'est cette nouvelle atrocité qui pousse Sylvia à prendre la plume.
* L'instinct de survie
Sylvia a 25 ans. Par une journée ensoleillée, elle accompagne sa maman et son compagnon, faire un jogging, dans le parc du Mont-Valerien à Suresnes. Souffrant d'un point de côté, elle décide de continuer à son rythme, et ils conviennent de se retrouver "au banc de muscu".
Il est midi. le monstre guette sa proie. Quand Sylvia s'avance sur le chemin, il ne résiste pas à l'opportunité : il n'y a aucun témoin.
Il l'a jette dans un ravin et la viole pendant des heures.
Sylvia se répète inlassablement qu'elle ne veut pas mourir. Elle se doute que son agresseur se débarrassera d'elle, après avoir fini sa besogne. Il n'a pas pris soin de dissimuler son visage.
Alors elle a une idée folle, dictée par son instinct de survie : entamer la discussion avec le monstre, faire croire qu'elle s'intéresse à lui. Faire fi de sa douleur, et de son dégoût, pour manipuler le monstre. Tenter l'impossible, pour survivre.
J'ai été impressionnée par la force incroyable dont Sylvia a su faire preuve, une force décuplée par son instinct de survie.
Quand elle réussit à convaincre son monstre de remonter dans le parc, elle passe devant le trou. le trou qu'il avait creusé pour y mettre son cadavre. Mais Sylvia tient bon. Elle maintient la comédie. Elle veut vivre.
* L'amour d'une mère
La maman de Sylvia s'inquiète de ne pas la voir venir au lieu de rendez-vous. Certes, elle a 25 ans, mais cela ne lui ressemble pas. Elle sait qu'il lui est arrivé quelque chose.
Elle la cherche dans le parc, crie son nom, interroge les passants. Elle va voir le gardien, qui dans un premier temps, ne la prend pas au sérieux - puis accepte d'appeler la police.
J'ai été impressionnée par le courage de cette maman qui a remué ciel et terre pour être entendue. Plus encore, par son pressentiment selon lequel Sylvia avait un problème. Connexion mère fille, tempérament, connaissance de l'autre ?
Le récit des retrouvailles de Sylvia et sa mère est bouleversant, par toutes les émotions qui se chevauchent.
* L'après : la dépression et les chocs post traumatiques
Le cerveau est capable de prouesses étonnantes en période de stresse intense.
Mais après ?
Après, le cerveau lâche prise, et toutes émotions sévèrement contrôlées se déversent d'un coup.
Sylvia estime, selon ses mots, qu'elle est "morte ce jour là". Elle sombre dans la dépression, apathique, avec des envies morbides, développant une paranoïa et un rejet des hommes.
Conséquence post traumatique également, elle connaît ensuite une période de briseuse de coeurs, ou elle ressent le besoin de se venger des hommes.
* le combat judiciaire et médiatique
L'agresseur est arrêté par la police dans le parc. Lors de l'audience, il est condamné à 10 ans d'emprisonnement ferme. Pour les avocats de Sylvia, c'est une victoire, étant donné que les violeurs sont condamnés à des peines de 2 à 5 ans en moyenne.
Pour Sylvia, c'est le choc. Elle sait que le monstre sortira, elle crains qu'il ne récidive, elle ne supporte pas d'avoir à souffrir toute sa vie des séquelles du viol, alors que le coupable n'en a que pour quelques années.
Cette rage lui fait prendre la parole. Elle se tourne vers les médias et ira même jusqu'à rencontrer le Président de la République Nicolas Sarkozy.
* Natacha
Sylvia est dévastée lorsqu'elle apprend que son monstre a violé, de nouveau, et même cette fois, tué, une jeune fille.
Elle est terriblement troublée de constater à quel point Natacha lui ressemble, par son physique et son caractère. Elle culpabilise, elle d'avoir survécu, Natacha d'avoir été la victime de la frustration du monstre après son enfermement.
Elle rencontre la famille de Natacha. Elle décide d'écrire. Elle renforce sa présence dans les médias. Elle a besoin d'agir. Elle ne supporte pas cet échec de la justice, de la République, qui protège davantage les bourreaux que les victimes.
* Mon avis
Je souhaite remercier Sylvia pour son témoignage, qui m'a particulièrement touchée.
Tout d'abord, je ne peux que revenir sur mon émotion devant la force dont Sylvia a fait preuve lors de l'agression.
Elle a réussi à échapper à son agresseur de manière subtile, intelligente et courageuse.
Bien que marquée à vie par ces atrocités, Sylvia a gardé sa force de caractère. Elle le démontre avec son engagement médiatique et avec ce livre.
Comme Sylvia, je déplore le manque de prise en charge, notamment psychologique, des victimes de viol. Il est évident qu'après une telle épreuve, un suivi est nécessaire. Ne pas automatiser l'organisation d'un suivi psychologique revient à laisser la victime mourir à petit feu, revivant sans cesse son agression, hantée par les traumatismes.
Enfin, je pense à Natacha.
Ce livre illustre l'inefficacité du système pénal. Condamné, emprisonné, libéré, le violeur récidive et tue. Si le violeur est coupable de la première agression, L'Etat est en revanche responsable de la seconde.
J'ai été étonnée de constater le faible nombre de lecteurs sur babelio (27 au total le mercredi 22 juin 2022). Je comprends que le thème de lecture ne soit pas facile. Mais quand même, je considère qu'il est important de diffuser ce type de témoignage.
Cela n'arrive pas qu'aux autres.