La paix est-elle plus importante que la liberté ?
Le responsable de l'assassinat de John et Alys Reavley en est persuadé. Il est même prêt à commanditer des meurtres pour arrêter la guerre, après avoir échoué à empêcher qu'elle ne commence. Cet homme à l'identité mystérieuse se fait appeler le Pacificateur.
Le Temps des armes est le deuxième tome d'une série de cinq romans consacrés à la Première Guerre mondiale et qui relatent l'histoire de la famille Reavley. Les quatre frères et soeurs cherchent à confondre le meurtrier de leurs parents qui menace aussi l'honneur de l'Angleterre. Avant-guerre, il avait établi un document où le Kaiser allemand
Guillaume II et le roi britannique George V s'entendaient pour se partager le monde et vivre ainsi en bonne entente à partir de l'asservissement de tous. George V n'avait pas signé le document que John Reavley avait intercepté grâce à un ami allemand Herr Reisenburg. Les deux hommes sont morts assassinés. le Pacificateur n'en a pas terminé avec ses méfaits, commis au nom de nobles idéaux, ce qui lui permet d'avoir des alliés idéalistes, convaincus et passionnés, dont il se sert sans vergogne.
le Temps des armes est dédié au beau-père d'
Anne Perry, « l'un des derniers officiers à quitter les plages de Dunkerque, en juin 1940. »
J'y ai retrouvé avec plaisir les personnages du tome un. Matthew travaille pour les services secrets et recherche le Pacificateur. Serait-ce Ivor Chetwin qui a séjourné en Allemagne et revient du Mexique dont les allemands financent l'armement pour qu'il envahisse les États-Unis ? On découvre ainsi les raisons qui ont poussé le président américain Wilson à ne pas intervenir sur le front européen car son armée n'avait pas les moyens de gérer deux fronts. Il préférait s'occuper du chaos qui régnait au Mexique après la révolution de Zapata et Pancho Villa. Elle menaçait les intérêts américains dans le cuivre et les investissements dans les chemins de fer.
Joseph et Judith sont, quant à eux, en Belgique, que les Allemands ont envahie, ainsi que la France.
Nous sommes en 1915. Joseph est aumônier dans les tranchées et Judith ambulancière volontaire. Elle devient le chauffeur du général Cullingford dont elle est secrètement amoureuse, bien qu'il soit marié. Elle se confie à lui. Peut-être pourra-t-il l'aider à identifier le meurtrier de ses parents… Joseph est aux côtés des soldats qui vivent dans des conditions épouvantables et meurent chaque jour de façon atroce. La question du sens de ces horreurs se pose. Il est censé être là pour y répondre et apaiser les hommes. Mais y a-t-il seulement une réponse satisfaisante ?
Un correspondant de guerre, Eldon Prentice, est retrouvé mort. Apparemment tué par un soldat britannique. Que faire ? se demande Joseph. Une justice équilibrée peut-elle être rendue au milieu d'une telle boucherie ? Eldon Prentice s'était montré arrogant et s'était attiré les foudres de tous les soldats par son manque de finesse, son attitude cruelle devant les blessés, notamment Charlie Gee, mourant d'un obus dans les parties génitales, et Corliss dont il provoque le passage en cour martiale et la probable future exécution, car il insinue qu'il s'est blessé lui-même pour pouvoir rentrer chez lui, loin des horreurs de la guerre. Peut-on pour autant fermer les yeux sur son meurtre ? Il voulait dire la vérité sur le conflit, contourner la censure, informer les gens pour qu'ils refusent d'aller à l'abattoir mais les soldats, amis de Joseph, n'ont pas supporté d'être traités comme des lâches, que leur caractère héroïque soit nié et qu'on puisse les abandonner à leur triste sort, sans renfort, ainsi que l'ensemble des Belges et des Français. Joseph, envoyé dans les Dardanelles, rencontre un autre correspondant de guerre,
Richard Mason, idéaliste et pacifiste, qui veut lui aussi informer les gens et contourner la censure. Joseph devine que ce journaliste, homme d'une grande intelligence, à la différence d'Eldon Prentice, est un allié du Pacificateur. Que faire ?
J'ai retrouvé dans ce roman, tout aussi captivant que le premier, les mêmes interrogations sur la guerre, la paix, la liberté, l'asservissement, le désir de se battre pour protéger un mode de vie mais aussi des débats sur la solidarité, la fraternité, le courage, la liberté d'expression, la censure, qui, à l'époque, était en vigueur pour ne pas saper le moral des troupes. Ces débats ne sont pas tranchés et manichéens mais plutôt sources de cas de conscience, à travers le personnage charismatique de Joseph qui ne soutient pas la censure mais se rend compte sur le terrain que, parfois, toute vérité n'est pas bonne à dire. Il n'est pas pour la guerre, personne ne peut l'être, mais il veut défendre les peuples asservis sans patriotisme excessif. Il se souvient d'ailleurs que les Britanniques eux-mêmes ont asservi les Boers, des fermiers néerlandais installés en Afrique, et les ont parqués dans des camps de concentration pendant l'infâme guerre des Boers. Les Boers étaient les ancêtres des Afrikaners, responsables de l'apartheid en Afrique du Sud. La violence appelle donc la violence. Avons-
nous progressé depuis et réussi à instaurer une paix durable entre les peuples ? Rien n'est moins sûr. Tirons-
nous vraiment des leçons de l'Histoire où n'est-elle qu'un éternel recommencement, au vu des horreurs qui se produisent en Syrie, en Irak, en Afrique ?…