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EAN : 9782356540232
73 pages
Ypsilon éditeur (15/11/2012)
4.8/5   10 notes
Résumé :
Extrait :

" je ne peux pas parler avec ma voix et avec mes voix (...) Je ne peux pas parler pour ne rien dire. Aussi nous perdons-nous, moi et le poème, dan l'inutile tentative de transcrire des relations ardentes"

Pierre Fondamentale


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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Et il m'a dit de sortir dans le vent et d'aller de maison en maison en demandant s'il était là. »
Dans ce poème qui s'intitule La parole du désir, la poétesse se réfère de manière implicite au Cantique des cantiques. On comprendra peut-être mieux après cet exemple que, dans leur souci de distinguer un régime de signes signifiant (centré sur un signifiant-maître comme sur un personnage éminent) à un régime de signes post-signifiant (acentré ou erratique), Deleuze et Guattari puissent opposer le « Pharaon paranoïaque » à l' « Hébreu passionnel » (sans essentialiser les peuples, je le précise). Et d'ajouter : « La visagéité subit une profonde transformation. le dieu détourne son visage, que personne ne doit voir ; mais inversement le sujet détourne le sien, saisi d'une véritable peur de dieu. Les visages qui se détournent, et se mettent de profil, remplacent le visage irradiant vu de face. C'est dans ce double détournement que se trace la ligne de fuite positive. »

« Positive » est le mot clé, car il ne s'agit pas seulement de s'échapper, encore faut-il faire de l'exode un mode d'être positif. de même qu'écrire ne doit pas être uniquement la conséquence ou l'expression d'un mal-être ou d'une peur mais l'affirmation d'une nouvelle manière d'être au monde. Ce qui n'empêche pas Alejandra Pizarnik de dire qu'elle cherche à se cacher dans le poème et d'écrire :

« Ses yeux étaient l'entrée du temple, pour moi, qui suis une errante, qui aime et qui meurs. Et j'aurais chanté jusqu'à me faire une avec la nuit, jusqu'à me défaire nue à l'entrée du temps. »

Mais le visage ne cesse de se dérober, de se détourner, et l'arrivée, le but, ne cesse d'être différés. le sentiment de trahison n'est pas absent de ce cheminement sans cesse interrompu et repris, de ce rendez-vous sans cessé ajourné ou source de déception. le langage, surinvesti, devient le lieu de toute chose, le lieu même du possible. Les mots marchent, dansent, combattent jusqu'à saigner. Ils sont comme des couteaux dont les mouvements rapides forment une danse meurtrière, un rite sacrificiel où la vie s'échange contre la mort et réciproquement.

« (Il faut connaître ce lieu de métamorphoses pour comprendre pourquoi je me fais souffrir d'une manière aussi compliquée.) »

Que dire de l'écriture quand elle aborde des rivages aussi inquiétants ? Elle devient un refuge, une fuite, un remède et un poison. La poésie devient une drogue, l'amour rêvé un philtre qui déforme la vue. Tout paraît vrai et faux à la fois. Franchi un certain seuil, tout est fallacieux, tout est duperie, mensonge. Les amis sont lointains, on est à soi-même une fiction boiteuse ou quelque chose d'approchant. Ne cherchons pas pour autant à deviner le visage de la poétesse derrière ses mots. Laissons le drame personnel pour suivre la voie de l'écriture qui invite à se projeter dans l'espace du rêve ou de la vision qui cherchent à prendre corps. Alejandra Pizarnik n'est plus une jeune femme blessée surmontant de plus en plus difficilement les obstacles qui se dressent devant elle. Elle est la louve bleue qui sourit à ses amies, la poupée qui s'éveille aux côtés de la mort et qu'une fillette prend dans ses bras, ou bien encore une équilibriste naine avançant sur un fil les yeux fermés. Mais silence. Il ne faut plus parler, il ne faut plus rien dire. Il ne faut pas se taire non plus. Alors ? Il ne sert à rien d'essayer de comprendre, tout est si clair. À un moment donné l'existence ne tient plus qu'à un fil, et ce fil est un orage, une averse :

« J'écoute le bruit de l'eau qui tombe dans mon sommeil. Les mots tombent comme l'eau moi je tombe. Je dessine dans mes yeux la forme de mes yeux, je nage dans mes eaux, je me dis mes silences. Toute la nuit j'attends que mon langage parvienne à me configurer. Et je pense au vent qui vient à moi, qui demeure en moi. Toute la nuit, j'ai marché sous la pluie inconnue. On m'a donné un silence plein de formes et de visions (dis-tu). Et tu cours désolée comme l'unique oiseau dans le vent. »
Pascal Gibourg
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
LE MOT QUI GUÉRIT
     
Dans l’espoir qu’un monde soit exhumé par le langage, quelqu’un chante le lieu où se forme le silence. Ensuite il découvrira que ce n’est pas parce qu’elle montre sa fureur que la mer existe, le monde non plus. C’est pourquoi chaque mot dit ce qu’il dit et en outre, plus, et autre chose.
     
III. Figures de l’absence - p. 45
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La solitude ce n'est pas se tenir sur le quai, au petit jour, à regarder l'eau avec avidité. La solitude, c'est de ne pas pouvoir le dire parce qu'on ne peut la circonscrire parce qu'on ne peut lui donner un visage parce quo'n ne peut en faire le synonyme d'un paysage La solitude serait cette mélodie brisée de mes phrases.
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Au sommet de la joie j’ai proclamé au sujet d’une musique jamais entendue. Et alors ? Si seulement je pouvais ne vivre qu’en extase, façonnant le corps du poème avec mon corps, rachetant chaque phrase avec mes jours et mes semaines, insufflant dans le poème mon souffle alors que chaque lettre de chaque mot a été immolée dans les cérémonies du vivre.
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Que dis-je ? Il fait noir et je veux entrer. Je ne sais plus quoi dire. (Je ne veux pas dire ; je veux entrer.) La douleur dans les os, le langage fracturé à coups de pelle, reconstituer peu à peu le diagramme de l’irréalité.

Ensuite, une mélodie. Une mélodie plaintive, une lumière de lilas, une imminence sans destinataire.
[...]
La solitude ce n’est pas de se tenir debout sur le quai à l’aube en regardant l’eau avec avidité. La solitude c’est ne pouvoir la dire, pour ne pouvoir la cerner, pour ne pouvoir lui donner un visage, pour ne pouvoir la rendre synonyme d’un paysage. La solitude serait cette mélodie fracturée de mes phrases.
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Je connais la gamme des peurs et cette manière de chanter dans le défilé qui me reconduit vers mon inconnue que je suis, mon émigrante de moi.

J'écris contre la peur. Contre le vent et ses serres qui se loge dans mon souffle.
Et quand, au matin, tu crains de te retrouver morte (et qu'il n'y ait plus d'images) : le silence de l'oppression, le silence d'être là simplement, voilà en quoi s'en vont les années, en quoi s'en est allée la belle allégresse animale.
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Videos de Alejandra Pizarnik (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alejandra Pizarnik
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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