Rien que le titre, à lui seul, titille, puisque Marelle se dit Hopscotch en anglais. Ceci dit, j'ai découvert un jeu où les cases ne sont pas numérotées, mais datées avec les noms des jours de semaine. Ce qui ne m'a pas fait titiller car j'avoue n'avoir jamais joué à ce genre de jeu, alors que les traits en étaient régulièrement tracés dans la cour de l'école maternelle où j'allais – je n'ai que peu de souvenirs de cette période, mais la cour en fait partie.
Pourquoi une marelle ? Peut-être parce que de la Terre au Ciel n'est-ce pas parfois la même route que de la Terre aux Enfers ?
Or l'enfer,
Arnauld Pontier nous le fait côtoyer en quelques pages durement distillées. Alors que la plupart des films et romans qui abordent la psychose d'un tueur en série le font en s'inquiétant de l'homme maléfique, l'auteur l'aborde ici dès les premiers instants où l'enfant bascule dans l'horreur et nous fait sauter de case en case dans ce que ce tueur considère comme sa normalité. Si le premier crime est celui qui vous retournera les tripes par ses détails morbides et le froid détachement du héros – ou plutôt de celui qui va vous entraîner à sa suite dans sa tête, dans ses pensées, dans sa folie, dans sa froideur autant que dans son amour d'une certaine beauté, d'une étonnante douceur d'assassinat.
Incisif comme une arme, net et précis, sans complaisance ni faux semblant, l'auteur nous fait pénétrer dans un univers où notre normalité n'a plus sa place, où les mots cisellent les drames et chaque bond dans la case suivante. Il ne vous laisse pas le choix : vous devez jeter le caillou et à cloche-pied, manquant perdre l'équilibre face au crescendo mortel qu'il nous offre.
Arnauld Pontier nous fait passer d'un jeu de marelle à celui de la DeadBox : il nous ouvre l'esprit, l'âme un tueur adolescent, froid, impulsif, schizophrène, mais d'une grande intelligence et incroyable culture, un tueur calme, trop calme même, dans ses plus noirs délires – alors même qu'il ne prémédite rien de ses crimes. Tout est finement tracé et décrit, la main qui trace à la craie le jeu sur le sol ne tremble pas, au point que l'on lire avec en fond sonore une musique de Bach, tels que ses French Suites, légères et sans complexités, ou ses Partitas…
Un travail digne d'un profiler, à ne pas mettre entre toutes les mains…
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J'ai apprécié un détail plus personnel : la ville clef de l'histoire est celle de Givors où j'ai eu, ado, de nombreux copains ; ayant vécu jusqu'à mes 16 ans à Sainté, je connaissais très bien toute la vallée du Gier, avec Saint-Chamond, Rive-de-Gier et Givors donc, une vallée industrielle parmi les plus anciennes de France…
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