J'ai du mal avec
Nietzsche. Non seulement je n'ai pas la tête philosophique, mais il se trouve toujours quelqu'un pour s'insurger : Mais enfin,
Nietzsche ! le plus littéraire des philosophes ! Comment peux-tu ne pas y être sensible ?
C'est vrai, quoi.
Donc une bonne âme m'a filé l'essai d'
Olivier Ponton en m'affirmant qu'il allait changer ma vie.
Euh, bon. Inutile de vous dire que ce fut laborieux. Mais pas inintéressant.
Nietzsche était francophile et féru de littérature française, ça tombe bien, moi aussi. Ponton explique donc que c'est Pascal qui, pour
Nietzsche, est à l'origine de la mort de Dieu. Voilà qui ne tombe pas véritablement sous le sens mais puisque Pascal propose de parier, c'est bien qu'il estime plus la foi que Dieu lui-même. Autrement dit, Dieu n'est pas nécessaire à la foi.
Mais comment écrire la critique d'un essai philosophique ? La thèse n'a d'intérêt que si elle apparaît dans les détours de la réflexion ; ramassée en une phrase, elle gît pauvrement sur la page, elle ne rend pas justice à la passion de la connaissance exaltée par
Nietzsche de la même façon que
Stendhal définit l'amour: nous aimons comme nous comprenons, par un engagement purement personnel et individuel.
Ponton passe en revue avec passion et érudition les grands thèmes nietzschéens et, bien sûr, ça fait sens, même pour la béotienne que je suis.
Verdict : je n'aime toujours pas
Nietzsche, mais maintenant je sais pourquoi.
Ponton m'a expliqué
Nietzsche. Il a justifié ses ambiguïtés, son goût pour les renversements. Mais l'ambiguïté n'est pas la polysémie.
Nietzsche est un penseur qui réfléchit dans et par la métaphore, qui prétend construire un rapport au monde qui soit artistique. Il utilise les procédés de la poésie mais son oeuvre demande à être comprise et non interprétée. Les poètes, eux, ont le bon goût de me laisser les clés de leur maison.
Quand
Pierre Bayard affirme que ce n'est pas forcément Claudius qui a tué le père d'
Hamlet, il n'écrit pas contre
Shakespeare : sa lecture n'empêche pas la nôtre (même si elle est beaucoup plus intelligente). Ponton m'a certes rendu la pensée de
Nietzsche plus claire et plus passionnante, mais elle ne diffère pas fondamentalement de ce que je savais déjà. Je suppose qu'il n'y a pas 36 façons de comprendre
Nietzsche. Alors que
Shakespeare est sans doute interprétable à l'infini.
Après, bon, c'est sans doute juste que je n'ai pas la tête philosophique.