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sur 1384 notes


Bouleversant , étincelant , dense ... dense !

Après lecture , ne me viennent que des qualificatifs positifs pour parler de cette oeuvre impossible à résumer.
Elle gravite autour de son thème majeur , l'arbre et le vivant .
L'arbre et les siens . L'arbre et l'humain .

Symphonies poétiques et traités scientifiques s'entrecroisent pour servir la prise de conscience collective et ça donne une superbe mise en mots autour de huit nouvelles qui entrelacent leurs destins comme des racines .
Les arbres , comme des membres de la famille surgissent au coeur des récits .

L'utilisation constante d'un vocabulaire commun aux espèces humanise encore plus l'arbre : il vit , il est blessé , il communique , il meurt . On parle de sa chair , de sa peau etc...

" le comportement biochimique des arbres individuels ne prend sens que si on les envisage comme des membres d'une communauté ".
P.143

Derrière les textes ou les personnages , on perçoit l'ombre de Darwin , de Thoreau , de John Muir , de Abbey mais Powers creuse et creuse et argumente et prouve et matraque : le vivant sur cette planète est un tout , nous méprisons les intelligences végétales , nous avons rompu les liens puissants qu'avaient nos ancêtres avec la nature .
Et, je n'ai pas besoin de préciser que l'auteur va bien sûr s'étendre sur les conséquences des dégâts infligés à la biodiversité par ignorance , par cupidité , par indifférence.


Voilà bien une oeuvre salutaire , puissante : elle réveille les consciences , elle informe , elle conforte ou elle inquiète .
Mais , je dois dire que si cette lecture se grave dans la mémoire , elle requiert quand même un effort de concentration de tous les instants , avec , je le répète , des plages de plaisirs poétiques ou philosophiques : que dire du bonheur de rencontrer ici John Muir ...


Autre bienfait , j'ai regardé mes arbres chéris : les frênes qui font parfois trop d'ombre , les chênes qui ont transformé ma pelouse en tapis de mousse , le lilas mauve qui va chez le voisin , les sapins moches qui jaunissent ...
Vivez vos vies mes amours , je vous laisse aux oiseaux , Richard Powers vient de balayer un peu plus mes scrupules de mauvaise jardinière , vous avez juste à me tolérer parmi vous en me pardonnant le livre de papier que je lis sous vos branches.



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L'Arbre-Monde de Richard Powers m'a scotchée, émue, captivée, pulvérisée…
Une émotion rare à l'état pur. Une émotion qui ressemble fort à celle qu'on recherche en commençant chaque livre. Comme un coup de poing. Telles les racines aériennes d'un figuier des banians, il m'a ligotée pour m'attirer dans son monde. Lilliputienne, je suis entrée à petits pas comme on entre dans la forêt de Brocéliande, regorgeant de lutins planqués derrières les fougères, de fées cachées derrière les troncs imposants des châtaigniers ou des chênes. Peu à peu, je me suis perdue dans la jungle amazonienne, ébahie par sa faune et sa flore gigantesques, époustouflantes, me rappelant à chaque pas qu'on est bien peu de chose à côté. Nous ne sommes que grains de poussière de quelques années parmi tous ces sages centenaires, voire millénaires. Juste un peu de compost qui nourrira, fertilisera -on l'espère au mieux- quelques-uns d'entre eux ainsi que tout l'écosystème alentour. On leur doit bien ça (ce qui permettrait par là-même de résoudre le problème de places dans les cimetières. Mais, il parait que les corps ne se décomposeraient plus, à force de consommer des antibiotiques et des aliments contenant conservateurs… Fichtre, partant de ce constat-là, cela signifierait qu'on serait au mieux classé « E » sur l'échelle Nutri-score des aliments pour les plantes.)

Un roman frisant avec l'essai botanique, intelligent, foisonnant, luxuriant de beauté et de douleur, de poésie et d'espoir, d'alertes et de cris écologiques.
Un roman qui se déroule aux Etats-Unis et où se mêle l'histoire de 9 personnages auxquels on s'attache, à qui on ressemble un peu, de certains qui butent contre une branche, ramassent une feuille, plantent un arbre dans le jardin. 9 personnages qui ont chacun une essence d'arbre particulière dans leur histoire personnelle ou qui les représentent (châtaignier, murier, érable, chêne, tilleul, pin, hêtre, chêne vert jusqu'au Ginkgo Biloba, dit fossile vivant).
Et c'est le début d'une grande histoire d'amour avec les arbres et la forêt. le début d'un lien qui se tisse comme une liane entre la nature et l'homme. le début d'une union entre des personnes qui ne se connaissaient pas mais qui vont entremêler leur vie pour tenter de sauver les arbres. Telles les racines de deux sapins de Douglas qui peuvent fusionner sous terre pour ne plus former qu'un. Telles des ramifications visibles ou non ou encore le souvenir qu'une partie de nos gênes vient de l'Arbre.
Une saga, des années de passion, de sang et d'amour, des histoires qui naissent, qui poussent, qui grandissent comme un séquoia et qui meurent parfois. Une histoire de différences aussi, de solitude, loin des hommes ou trop près de ceux que nous sommes devenus, à détruire, saccager la nature sans nous rendre compte qu'on se détruit nous-mêmes, qu'on crache dans la main qui nous nourrit, qui nous donne de l'oxygène.

Il était étonnant et dérangeant de savoir qu'en même temps que je lisais ce livre sur les arbres, la forêt amazonienne était en proie aux flammes. Difficile de ne pas mentionner ce drame écologique le plus grave de ces derniers mois, pour ne pas dire des dernières décennies alors que j'écris ces quelques mots. Malheureusement, se contenter de critiquer Bolsonaro et la politique de déforestation serait simpliste et discutable. Nous, européens, donneurs de leçons, sommes aussi les consommateurs de soja, d'huile de palme et de bois (la France aurait d'ailleurs importé du bois tropical d'Amazonie coupé illégalement). Il vaut mieux donc que je referme cette lourde parenthèse sur ces incendies, même si justement la déforestation est au coeur de ce livre.
Je confesse que ma main s'emballe en écrivant un billet écologiste, un brin militant, illuminé ou exagéré pour certains peut-être ; l'action de la photosynthèse n'agissant pas aussi bien sur moi que sur les plantes, sans doute. D'ailleurs, j'ai bien conscience d'écrire un billet (qui se voulait petit) un peu fouillis, passant d'un thème, d'une émotion à une autre.

Dire que j'ai adoré ce roman ne serait pas tout à fait approprié. Dire qu'il m'a happé serait plus proche de la réalité. Ce roman était tellement puissant et captivant que pendant plusieurs jours ce fut mon rendez-vous fort et indispensable de la journée.
Pour être sincère, je ne cache pas que, durant la lecture, il m'est arrivé de me dire que la rencontre entre certains personnages faisaient un petit peu trop ‘'bonbon sucré'' (et mon billet a peut-être ce goût-là aussi). J'avoue surtout m'être un peu essoufflée au milieu du roman (de plus de 530 pages), dans la partie où certains personnages se faisaient plus ‘'activistes''. Heureusement, la suite a repris de la consistance plus émotionnelle à mon goût. Et c'est cela que je retiens.
J'étais si souvent émerveillée par ces lignes de poésie, de lumière, toutes ces pages regorgeant d'informations botaniques sur les arbres et leur intelligence (notamment aéroportée), leur communication, leur mémoire et tout ce qu'ils fabriquent en plus de leurs bois et fruits (les cires, gommes, sucres, etc.). La liste des variétés d'arbres, de petites bestioles tout autour, de termes scientifiques s'allonge tellement au fil des pages que cela pourrait rebuter certains à la longue, car nous sommes loin d'être tous des dendrologistes ou botanistes. Et j'étais impressionnée par l'énorme connaissance de Richard Powers et de son travail de recherche sûrement aussi conséquent.
Forcément, par jeu de miroir, je me sentais frustrée de ne pas connaître toutes ces espèces énumérées à la pelle, de ne pas avoir l'image exacte de toutes ces variétés, agacée de ne pas avoir eu plus d'intelligence ou de curiosité pour en apprendre plus de ce qui m'entoure.
Je me sentais déchirée face à la destruction, à la mort des arbres, ulcérée, en colère, triste, comme je l'étais devant les images de la forêt amazonienne qui brulait. J'étais heureuse, souriant à ces différents personnages avec qui on se lie parce qu'ils ont l'intelligence d'ouvrir les yeux pour nous, le courage d'agir pour sauver les arbres, la planète et nous-mêmes. Des personnages de nature diverse, aux parcours différents, qu'ils soient scientifique, avocat, créateur de jeux vidéo, étudiant, marginal ou un peu idéaliste ou illuminé (je ne suis donc pas toute seule). Et c'est justement cela que l'on retient : quels que soient leur histoire, leur vécu, leur passé, quelles que soient les raisons et sensibilités de s'intéresser à ce sujet, quel que soit le temps plus ou moins grand que cela leur prend, ils finissent par comprendre l'importance, l'utilité, les bienfaits des arbres, de la forêt pour la biodiversité, pour le présent, pour le futur. Ils comprennent l'importance de réveiller les consciences, de nous faire ouvrir les yeux sur ce que nous sommes en train de faire, d'agir et de trouver des solutions…

Depuis mon enfance, j'ai été nourrie par la sève des arbres, amoureuse de la nature et reconnaissante de ses bienfaits sur mon humeur… Et sûrement que la majorité des lecteurs de « L'Arbre-Monde » sont comme moi, déjà curieux, sensibles et soucieux de l'environnement (ajoutés au fait que ce roman a reçu le prix Pulitzer 2019).
J'ai l'impression que l'arbre est très à la mode ces dernières années (« Dans la forêt », « La vie secrète des arbres », « Serena ») et peut-être certains se sont dit « Allez… Encore un qui surfe sur la vague écolo, l'arbre mon ami, mon frère ».
Effet de mode ou pas, on s'en moque. le tout est que cela fasse son petit bonhomme de chemin dans les esprits (et si possible assez rapidement), parce qu'il est urgent d'inverser la tendance, il est temps de revenir aux fondamentaux.
D'ailleurs, à bien y réfléchir, la forêt a toujours été énigmatique et mystérieuse (« Robin des bois », « le baron perché » sans oublier bien sûr « le petit chaperon rouge » ou « Bambi » !) ou encore célébrée (« Walden ou la vie dans les bois » de Thoreau, « L'homme qui plantait des arbres » de Giono, « Célébrations de la nature » de Muir…). On a même coupé beaucoup de bois pour l'encenser, mazette… (« Mazette », c'est parce que j'essaye de prendre quelques bonnes résolutions pour la rentrée).

Les arbres étaient là bien avant nous, et, je l'espère, seront là bien après nous. Nous, êtres humains, sommes jeunes sur cette planète, des petits bambins… Et pourtant, en un ‘'rien de temps'', nous avons réussi à l'abimer, nous sommes en train de la détruire… Nous sommes « arrivés » après et pourtant nous, mammifères dits intelligents, doués de raison, de conscience et de sentiment (…) mais sûrement aussi égoïstes, égocentriques, nombrilistes, inconséquents, aveugles, blasés, nous nous octroyons le droit de propriété, le droit de vie et de mort sur ce qui nous entoure, alors que c'est justement ce qui nous entoure qui nous permet de respirer, de vivre.

Ce roman-manifeste de Powers nous ouvre bien plus grand les yeux qu'auparavant sur l'urgence écologique. C'est un livre puissant dans lequel j'ai appris énormément sur les arbres. Mon regard sur ces plantes ligneuses terrestres sera à jamais différent, plus aiguisé et bien plus ému qu'auparavant.
A force de lectures, de discours écologiques -qui telles de petites graines s'infiltrent et poussent dans notre cerveau-, peut-être finirons-nous par apprendre, comprendre, être plus attentifs et respectueux, et témoigner aux arbres -et à la nature dans son ensemble- plus de reconnaissance et de bienveillance ?

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Qui sont-ils ?
Ils sont ceux que nous côtoyons pendant toute notre vie sans les voir vraiment… Ils ont été et sont encore nos meilleurs alliés, participant activement à notre évolution. Ils ont été l'outil principal qui a permis à l'humanité de découvrir le feu, puis l'écriture. Ils nous accompagnent toute notre vie en agrémentant notre confort mobilier. Depuis notre naissance jusqu'à notre mort où ils nous étreignent au fond de cette fosse pour une éternité, ils sont nos plus fidèles compagnons.
Ils nous nourrissent de leurs fruits, nous protègent de la chaleur de l'été, de la froideur de l'hiver, ils nous soignent.
Ils sont le poumon de notre planète. Ils vivent en sociétés, ils communiquent entre eux grâce à la merveilleuse chimie des phéromones, langage imperceptible que nous n'entendons plus.
Ils échappent à notre graduation du temps, un jour pour nous est une seconde pour eux.
Ils nous offrent le meilleur d'eux-mêmes et qu'en faisons-nous ? Parfois de belles choses qui les magnifient et qui nous grandissent, le plus souvent des copeaux, de la fumée, un génocide. Que pensent-ils de notre comportement, lorsqu'ils nous observent du haut de leurs siècles d'efforts pour entretenir une paix végétale, une harmonie biologique, nous activer à entretenir la fureur et le chaos ?
En réponse à cette nature belliqueuse et destructrice de l'homme, Richard Powers écrit : « Tenez bon. Il suffit de tenir un ou deux siècles. Pour vous, les gars, c'est un jeu d'enfant. Il suffit de nous survivre. Alors il n'y aura plus personne pour vous emmerder. »
Evidemment, car ils étaient là avant nous et ils seront encore là après.
Qui sont-ils ? …Ce sont les arbres.
« L'arbre monde » est un panégyrique pour ce monde végétal ignoré. L'architecture de ce roman est bâti comme un arbre dont les racines sont les différentes vies de gens que rien ne prédisposait à faire se rencontrer mais dont les destinées vont s'entrecroiser pour finir par former un tronc commun, avec un philosophie environnementale et surtout la prise de conscience de la tragédie que l'homme est en train de provoquer.

Richard Powers écrit ce message d'espoir : « ce qui effraie le plus ces gens se muera un jour en miracle. Alors les gens feront ce que quatre milliards d'années les ont façonnés à faire : prendre le temps de voir ce qu'ils regardent au juste. »
Au milieu de cette cacophonie de vies fourmillantes qui s'entrecroisent il y a un sens caché qui dépasse, dont on devine le contour et va bien au-delà des intentions de l'auteur, une logique qui échappe à tout entendement humain. L'histoire se soustrait à son auteur, se dérobe, reprend sa liberté pour emmener le lecteur vers le constat de son déni de la tragédie qu'il porte en lui, sa propre disparition pour la survie du paradis duquel il a été chassé originellement. Nous sommes l'erreur dans la grande équation du Monde.
Au sortir de la lecture du roman de Richard Powers, il ne sera plus jamais possible de voir un arbre comme auparavant.
Rends-toi dans une forêt, choisis un arbre, pose tes mains sur son tronc et ralentis ta vie pour la caler sur la sienne afin d'entrer en osmose avec lui. Fait circuler tes pensées depuis les racines les plus profondes de cet auguste amphitryon jusqu'à ses feuilles les plus hautes perchées et prend conscience du monde dans lequel tu vis. Rends-lui hommage !
Traduction de Serge Chauvin.
Editions du Cherche Midi, 10/18, 738 pages.
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Un éco-roman sur la sauvegarde des arbres
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Quand Léa, l'administratrice du Picabo Riverbookclub a proposé la lecture d'un roman américain dont le sujet principal est la forêt, j'étais toute excitée. Ayant lu récemment un essai sur la sylvothérapie ainsi que « les langages secrets de la Nature » du grand spécialiste des arbres, Jean-Marie Pelt, je ne pouvais qu'acquiescer pour une demande de lecture. Et quelques semaines plus tard, j'ai eu ce gros pavé « L'arbre-monde » dans mes mains. Une fébrilité toute religieuse.
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Un plaidoyer pour tenter de rendre les hommes moins aveugles.
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La trame du roman est originale puisque le premier chapitre débute par les Racines : 8 personnes, 8 vies déployées chacune à leur manière, ayant un lien plus ou moins fort avec un arbre. Des racines qui sortent du sol petit à petit, ces humains eux aussi à l'aube de leur vie. Une galerie de personnages émouvants, « exclus de la société », qui, pris isolément, sont indécis et perdus. Excepté peut-être Olivia, qui d'ailleurs fera le lien entre les deux chapitres.

Le Tronc, dont les Racines s'entrelacent pour s'unir en un destin commun. Et lequel est-il? Il est colossal, gigantesque, quelque chose qui dépasse l'Homme. Un combat essentiel de la cause environnementale : protéger ces grands arbres de la destruction de l'homme.

Alors, chacun de ces personnages va utiliser ses propres moyens pour s'engager dans un processus qui vise à changer nos mentalités. Certains passeront par l'activisme (l'écoterrorisme, le « squat » sur Mimas, le séquoia géant), l'élaboration d'un roman botanique, l'utilisation de la technologie informatique… Mais tous utilisent leur puissance et leur volonté, et là on voit bien la similitude avec le fonctionnement d'une communauté sylvestre.

Puis le troisième chapitre qui déploie tous ces humains vers la confrontation, la résilience, comme l'arbre qui se prolonge jusqu'à sa cime.
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Un roman didactique dont l'Arbre est au coeur d'un problème mondial: que l'espèce humaine massacre le règne végétal sans vergogne, sans aperçu sur le très long terme.
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Un texte dense, touffu rempli de citations et d'informations botaniques (je précise, au passage, que ces données sont entièrement exactes).

Pat la botaniste est celle qui nous apprend par exemple que « même des arbres d'espèces différentes forment des partenariats. Si on abat un bouleau, un sapin voisin peut en souffrir. » , « Rien n'est moins isolé, plus sociable qu'un arbre », « Un arbre mort, c'est un hôtel infini (pour les organismes vivants) ».

J'ai aimé son amour inconditionnel pour les arbres. Je me suis très vite identifiée à elle.

Les arbres ont également une voix au chapitre. Par leur présence silencieuse, leur quasi -immobilisme et leur assise ancestrale, ils sont les héros de cette tragédie.
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Parlons du constat final: la situation globale est catastrophique et terrifiante. Je pense que c'est un roman qui sert de plaidoyer, de lanceur d'alerte pour toutes les générations à venir. Un brin pessimiste et réaliste mais aussi optimiste si on sait où regarder d'une manière attentive, si on réapprend l'humilité , peut-être que tout ne sera pas perdu.
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L'auteur a réalisé un énorme travail documentaire, avec des touches de poésie ainsi qu'un souffle romanesque. Et avec beaucoup de conviction qui je l'espère, aboutira à « l'éveil des consciences ».

Je ne peux que vous le conseiller. C'est même « presque » une obligation de le lire 🙂
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Ce matin, justement, j'ai fait un câlin à un épicéa. Et j'ai regardé le sol , là où grouillent tous ses compagnons/auxiliaires. Et j'ai remercié toute la forêt, car sans elle, nous n'existons plus.
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« Vous et l'arbre de votre jardin êtes issus d'un ancêtre commun (et) aujourd'hui encore vous partagez avec cet arbre le quart de vos gènes. »
Lien : https://red2read.wordpress.c..
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L'Arbre-Monde renvoie à divers mythes sur le grand Arbre originel tel Yggdrasil dans la mythologie nordique ou même l'Arbre de la Connaissance de la Genèse.
A son tour, Richard Powers crée un univers autour de l'arbre. Ou plutôt des arbres. Et comment nous, bipèdes arrivés tellement longtemps après eux, nous comportons avec eux. Hélas, le constat fait mal. Et c'est aussi un appel aux consciences que ce vaste roman.

Divisé en plusieurs parties - racines, tronc, cime, graines - le roman présente dans la première huit personnages comme autant de nouvelles d'un recueil. Ou d'essences à travers le pays. Chacune de ces personnes vit dans un État différent des États-Unis, a des origines et suit un parcours qui lui sont propres. Pourtant l'arbre est déjà présent. Comme ce châtaignier qui devient le phare emblématique de la ferme des Hoel ou le mûrier planté par le père de Mimi Ma pour rappelé son origine d'immigré chinois qui s'enracine dans la terre américaine.

Ces huit personnes vont se retrouver avec un point commun : la prise de conscience douloureuse de la disparition à une vitesse croissante des forêts originelles du pays. L'industrie veut toujours plus de bois et des arbres présents depuis des siècles sont menacés par les chaînes des tronçonneuses et des puissantes machines d'abattage, au nom du Dieu Profit.
Des associations de défense s'organisent pour empêcher ce massacre sylvestre. Et c'est ainsi que certains de nos personnages font connaissance, rassemblés par une cause commune plus grande qu'eux (dans tous les sens du terme).

Richard Powers déploie tout son talent dans cette vaste fresque autour de la sylve. Son roman fourmille de passionnantes informations sur les arbres et comment ils communiquent, se défendent et nouent de véritables autoroutes synaptiques sous terre avec leurs racines et tant d'espèces diverses qui travaillent ainsi en symbiose. L'auteur a abattu un remarquable travail de recherches sur son sujet. Tout comme je salue la qualité des champs lexicaux utilisés autour de l'arbre et des humains, les englobant par des termes soigneusement choisis dans une seule et même famille dont les seconds devraient apprendre à regarder et comprendre les premiers plutôt que de n'y voir que des utilités mis à la disposition de sa voracité consumériste.
Si l'apport de tous ces éléments demandent une lecture concentrée afin d'en tirer toute sa "substantifique moelle", la lecture n'en est que plus enrichissante et ouvre les yeux sur des systèmes biodivers d'une incroyable efficacité. Et tout ça tend à disparaître sous le coup des tronçonneuses, des maladies, du réchauffement climatique, etc. Il y a de quoi s'inquiéter en lisant ce livre, reflet romanesque de toutes les sonnettes d'alarme que tirent les scientifiques et spécialistes de tous domaines en rapport avec l'environnement.

Devrons-nous dans trop peu de temps nous contenter de photographies dans les livres ou sur Internet pour nous rappeler ce qu'était un chêne ou un pin ou toute autre essence? Fini d'être bercé par le doux bruissement des feuilles jouant avec le vent, murmures folâtres qui me sont si chers lors de mes lectures en extérieur? La conclusion qu'apporte Patricia Westerford, biologiste en dendrologie et amoureuse passionnée des arbres, de ce livre offre une révélation sous forme de claque magistrale quant à l'avenir des relations entre la sylve et l'humain. Je vous laisse la découvrir par vous-mêmes, en plus de toutes les autres richesses de ce beau et grand roman.
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Je suis entré dans L'Arbre-monde comme on entre dans une forêt pour la première fois. Toutes les premières fois sont belles.
J'aime les forêts depuis ma tendre enfance. J'aime m'y promener. Même une forêt bretonne est parfois dense, touffue, foisonnante, donne le tournis, un peu comme ce livre monumental. On peut s'y perdre tout en s'en émerveillant et c'est d'ailleurs peut-être le premier principe de l'étonnement. Je pourrais m'arrêter là pour mon premier ressenti et bien sûr vous me connaissez, je ne m'arrêterai pas là...
Alors j'ai poussé ma barque dans la canopée des pages, l'ivresse des feuilles, le frémissement des branches, l'entrelacement des racines où parfois en tant que marcheur je me suis demandé si je ne leur faisais pas mal en y posant le pied...
« le brouillard enveloppe la canopée. Par une trouée dans la frondaison, les clochers duveteux de troncs voisins se dressent en tourbillon leurs panaches grisâtres que dans les pics vert-brun qui les transpercent. Tout autour d'eux s'étend un conte de fées fantasmagorique issu du paléozoïque. C'est un matin comme le matin où la vie apparut pour la première fois sur la terre sèche. »
Je connaissais l'effet des forêts, celui de certains arbres, je connaissais les fées des forêts, je suis un promeneur toujours étonné en forêt et parfois il m'arrive de m'attarder au pied d'un hêtre ou d'un chêne, parfois de m'y asseoir, de m'y adosser, souvent avec un livre. Je m'y sens toujours bien. J'aime aime être sous ce charme...
Regarder une forêt et se remplir de sa respiration. Prendre conscience de sa force et de sa fragilité dans le chant des oiseaux et le bourdonnement des insectes. Sentir qu'il y a peut-être quelque chose de plus grand que nous qui se tisse dans l'envers de ce décor.
Enfant, j'allais chercher des châtaignes à l'automne avec mon père qui m'entraînait dans de folles escapades. Parfois il jouait à disparaître pour me taquiner et je courais derrière chaque tronc d'arbre pour le déloger de sa cachette. C'est comme cela que j'ai appris à les toucher sur leurs peaux. le premier arbre que j'ai fait pousser dans le jardin familial fut d'ailleurs un châtaignier, une châtaigne restée dans une des poches de mon pantalon fit l'affaire. Plus tard lors de mes premiers émois amoureux, je fus entraîné sous les ramures protectrices d'un sapin, elle avait le même âge que moi, nous nous aimions et nous ne savions pas à quel endroit exprimer notre amour réciproque dans sa clandestinité et sa tranquillité. Nous avions l'impression d'être protégés du reste du monde en venant ainsi dans une forêt que nous connaissions déjà un peu. L'endroit où nous nous étions allongés était accueillant et on s'était même dit qu'il abritait peut-être la nuit un animal, une biche... Même au loin le bruit sauvage des bûcherons qui semblaient se rapprocher de nous, ne nous faisait pas peur. C'était comme si dans cet instant présent la forêt se refermait sur nous, créait un dôme magique, nous protégeait un peu le temps d'un bonheur fugitif avant de nous délivrer à la vie... Après ce moment de joie, je me souviens que nous nous sommes dit qu'il faudrait se rappeler cet endroit, quel que soit les routes que prendraient nos existences. Et puis me revient d'autres images du père que je suis devenu plus tard, quand mes enfants me harcelaient pour leur inventer des contes toujours plus insolites les unes que les autres. Il me venait alors des histoires d'arbres où l'écorce s'ouvrait brusquement pour laisser passage à des chemins souterrains où un monde secret et mystérieux était tapi, grondait... C'est sans doute dans ces multiples souvenirs que je puise mon empathie pour la forêt, les forêts... Quand je vais mal, je me réfugie dans une forêt proche. La mer bien sûr n'est jamais loin, c'est différent et selon mon humeur j'ai la chance de pouvoir faire venir à moi le paysage qui me console ou me réjouit.
Après cette digression, je reviens au livre, à son récit.
Dans la période que nous vivons, la cause écologique pourrait être quelque peu effacée dans les médias par la guerre qui sévit si près de nous. Cependant ces deux causes ne s'opposent pas mais au contraire doivent s'agréger. Il est bien question de l'humanité, « quelle planète allons-nous transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants » ? Mais parfois la question s'inverse ainsi : « Quels enfants allons-nous laisser à la planète. » Je ne sais pas qui a dit cette phrase, j'ai pensé que c'était Pierre Rabbi, mais elle fait écho à une des nombreuses citations éloquentes du livre de Richard Powers comme celle-ci : « Il faut qu'on cesse de se comporter en touristes sur Terre. Il faut qu'on vive vraiment là où on vit, qu'on redevienne indigènes. »
Richard Powers propose ici un livre magistral dans lequel je me suis engouffré avec bonheur.
C'est une oeuvre forte, immense, exemplaire.
C'est une oeuvre riche, multiple, romanesque, poétique, scientifique, politique, philosophique...
Oui, entrer en forêt et s'en imprégner, protéger cette forêt coûte que coûte est un acte autant poétique que politique...
"Chaque étoile de la galaxie roule au-dessus d'eux, à travers les aiguilles bleu noir, dans un fleuve de lait renversé. le ciel de la nuit : la meilleure drogue jamais inventée, jusqu'à ce que les êtres s'unissent en une ivresse plus forte."
Comment ne pas être séduit et convaincu par le propos qui tient le texte ?
... par cette idée que les arbres ne sont pas des êtres esseulés mais forment une communauté et construisent des liens sociaux entre eux...
...par cette idée que les arbres peuvent communiquer, prendre soin les uns des autres...
... que les graines ont une mémoire, se souviennent du passé, des saisons de leur enfance...
... que les arbres envoient des signaux à d'autres espèces vivantes comme les guêpes, les fourmis...
... que la forêt est une communauté consciente...
... par cette idée que les arbres non seulement ne sont pas si éloignés de nous mais nous ressemblent étrangement... Cela je l'ai toujours cru, je l'ai toujours su...
J'ai pensé alors à un livre que j'avais beaucoup aimé il y a quelques années, « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben.
Des arbres traversent les pages, traversent le temps.
C'est une déambulation dans une verticalité que l'on sent vulnérable comme des ailes d'oiseaux fatigués et qui impose désormais l'impérieuse urgence d'en prendre soin.
Voilà pourquoi j'ai aimé ce livre.
Des puits de lumière ont déversé de magnifiques citations dans les clairières de ce roman.
« Il y a des créatures qui vivent si haut et si loin de l'homme qu'elles n'ont jamais appris la peur. »
J'ai aimé l'entrelacement des routes qui amènent neuf personnes surgies de la terre comme des rhizomes, neuf personnages neuf personnages en quête d'une histoire collective, neuf personnages comme des constellations.
Et pourtant...
Le propos a sans doute délaissé l'histoire de ces personnages... Et il m'a manqué une empathie pour que j'aille enfin à leur rencontre.
J'ai espéré le coup de coeur qui viendrait et il ne vint pas cependant.
Mais pourquoi cette frustration au bout de ma lecture ? Que m'a-t-il manqué ? de l'émotion sans doute... du romanesque aussi... Richard Powers m'a séduit et conquis dans son propos militant. Mais j'attendais des rendez-vous qui ne sont pas venus dans cette ode végétale vertigineuse, trop vertigineuse peut-être, tandis que l'histoire des personnages s'effaçait peu à peu derrière la cause des arbres. Peut-être était-ce que souhaitait l'écrivain ?
À défaut, ce fut un coup de poing dans quelques certitudes qui tenaient encore comme elles le pouvaient. Une prise de conscience sidérante...
« Elle se remémore les paroles du Bouddha : Un arbre est une créature miraculeuse qui abrite, nourrit et protège tous les êtres vivants. Il offre même de l'ombre aux bourreaux qui l'abattent. »
Lire l'Arbre-monde, c'est comme un mode d'emploi pour mieux habiter le monde désormais avec ce que nous avons à notre disposition pour tenir debout. Habiter le monde poétiquement et politiquement.
Rabindranath Tagore disait : « Les arbres sont l'effort incessant de la terre pour s'adresser au ciel qui écoute. » Comment lui donner tort ?
Aimer les arbres, c'est aimer les autres et nous aimer aussi... Aimer celles et ceux qui viendront après nous dans la joie et le désastre du monde...

Un grand merci à Sandrine (HundredDreams) pour cette lecture partagée.
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Comme une bonne élève sachant qu'elle avait affaire à un géant, j'avais noté les noms de toute la généalogie des Hoel les premiers et les seuls à avoir fait fructifier un châtaignier, arbre unique en son genre, millénaire, photographié pendant des générations chaque année. Puis, puisque Richard Powers énumère les différentes racines, les noms de ces arbres naissants, graines ou pédoncules, et les noms de ces personnes qui y sont rattachés.

Tous, qu'ils soient ingénieurs, informaticiens, sculpteurs, avocats, femmes d'affaire, tous ont un lien avec un arbre, tous ont été « appelés » par des arbres : des trembles, dont les feuilles bougent même s'il n'y a pas de vent, des kapokiers*, recouverts d'épines pour repousser des ennemis disparus de la terre, des hêtres noirs, le banian* qui sauve la vie de Pavlicek au Vietnam, le pipal*, l'épicéa géant, le séquoia énorme, le chêne aussi où monte le petit Neelay , et d'où il chute …. Et se retrouve en chaise roulante.
Il y a des morts parmi toutes ces familles et ces générations différentes.
Il y a des accidents, dans ces racines. Et un peu d'ironie aussi.

Enfin, arrivée au tronc, l'affaire attendue s'éclaire. Richard Powers s'inspire de Peter Wohlleben, qui a prouvé que les arbres communiquaient entre eux dans sa « Vie secrète des arbres ». Déjà Francis Hallé avec son « Plaidoyer pour l'arbre » avait dessiné les radicelles liant les arbres entre eux : oui, on sait que les arbres sont doués d'intelligence.

Je serai malhonnête si je disais que je me suis passionnée. Les phrases lyriques sur la beauté de la nature, oui. le constat qu'il faut la protéger, oui. La dénonciation des coupes « sous le manteau » de plus de 95% des espèces aux Etats Unis, encore oui. L'idée magique que les arbres vivent d'air et n'usent pas la terre, qu'ils envoient leurs signaux à leurs camarades à travers l'azur, un grand oui. La prescience que ce monde intelligent qui sait comment survivre nous appelle, encore un grand oui.
Nous avons la mission de préserver les arbres qui nous donnent l'air, la beauté, leur ombre, les feuilles d'automne que les écoliers collent sur leurs cahiers et parfois leurs fruits.
Mais quel ennui, ces longues énumérations des errements des protagonistes, lâchant tout car ils se sentent appelés sans savoir par qui, pour devenir Eco- terroristes. , sans vraie approfondissement botanique ; rien que des vies à côté, asociales, un peu autiste asperger (Adam,)comme si les hommes ne valaient rien, ce que Powers dit presque : le genre humain devant de toute façon disparaître, pas besoin de pleurer sur son sort.
« Tenez bon. Il suffit de tenir un ou deux siècles. Pour vous les gars (= les arbres,) c'est un jeu d'enfant. Il suffit de nous survivre. Alors il n'y aura plus personne pour vous emmerder ».
« Une forêt mérite protection indépendamment de sa valeur pour les humains ».

Pourtant poétique, visionnaire, et en cela encensé par la critique et couronné du Pulitzer 2019, ce livre m'a saoulée, je n'ai jamais eu le bonheur de le retrouver quand je rentrais, comme un ami m'attendant. Je ne me réjouis pas si le genre humain venait à s'éteindre, pas plus que si les forêts étaient dévastées. Avec les * j'ai ajouté quelques détails personnels.
Cet avis, mon avis, je l'espère, ne sera pas partagé.




*J'ai un kapokier dans mon jardin, encore adolescent : il offre des fleurs comme des orchidées et fournit des grosses gousses dans lesquelles le faux coton a servi longtemps à remplir nos matelas.
*Le banian, arbre de Bouddha, sous lequel il a connu l'éveil. Il développe ses racines par les branches (symbole du lien entre monde céleste et monde terrestre) et s'étend tellement qu'il est appelé :l'arbre qui marche.
* pipal : sorte de ficus, sacré dans l'hindouisme. Les feuilles séchées que l'on vous donne, en Inde comme en Chine, doivent être conservées, bonheur assuré.
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Comment résumer ce roman arbre, ce roman forêt, ce roman monde, ce roman du vivant. Au début il y a neuf histoires, neuf racines mères puis des personnes humaines qui se dessinent.

Un artiste en marge, dernier descendant d'une famille qui planta le premier châtaignier dans l'Iowa occidental, un vétéran de guerre qui doit sa survie à un figuier banian, une étudiante en rupture qui entend des voix et semble communiquer avec le vivant, un petit génie de l'informatique rendu tétraplégique en chutant d'un arbre qui crée un jeux vidéo sur la biosphère et ses écosystèmes qui le rendra milliardaire, une garde forestière, docteur en sylviculture qui, par ses observations, prouve que les arbres communiquent entre eux…

Tous ces personnages et d'autres encore vont se rencontrer et devenir parfois contre leur gré des acteurs actifs dans la lutte pour sauver les forêts primaires d'Amérique.

Quatre chapitres : racines, tronc, cimes et graines : promenons-nous dans les bois tant que l'humain n'y est pas.

"Notre cerveau a évolué pour déchiffrer la forêt. Nous avons façonné et été façonné par les forêts depuis bien plus longtemps que nous ne sommes des Homo Sapiens. Les hommes et les arbres sont des cousins moins éloignés que vous ne croyez Nous sommes deux créatures écloses de la même graine, parties dans des directions opposées, et qui s'utilisent mutuellement dans un monde partagé. Et ce monde a besoin de toutes ses parties. Et pour notre part nous avons un rôle à jouer dans l'organisme qu'est la Terre"

Qualifier « L'arbre monde » de fable écologique ou de roman militant serait tellement réducteur. Richard Power embrasse des destins humains et les lient à jamais avec les destins des arbres.

Dans une prose romanesque et subtile il réussit à nous entrainer sous des frondaisons poétiques qui embaument la mousse, les lichens, l'humus, et dans la touffeur des sous-bois le lecteur s'abandonne à la littérature.

Un très grand roman visionnaire que marquera son temps.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La nature, et en particulier l'arbre et la forêt sont des thèmes qui me sont chers.
Après avoir lu « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben et « Lorsque le dernier arbre » de Michael Christie, il était logique que je me penche sur le roman de Richard Powers, qui a obtenu le prestigieux prix Pulitzer en 2019.
Ce livre est une ode à la forêt et aux arbres, un plaidoyer passionné pour la protection de l'environnement et la préservation de notre biodiversité. Il tente de nous ouvrir les yeux sur l'importance des arbres, leur fragilité, nous rappelant la relation essentielle que nous entretenons avec eux. Il nous met face à notre responsabilité quant à son devenir, et par la même occasion le notre.

« Il faut qu'on cesse de se comporter en touristes sur Terre. Il faut qu'on vive vraiment là où on vit, qu'on redevienne indigènes. »

Son récit a une force indéniable.
Un monde parallèle au mien, éclatant de majesté et de beauté s'est déployé devant moi. Mais ce monde silencieux, si précieux, si important à notre vie, notre équilibre, notre survie, est tellement ancré dans notre quotidien, qu'il est devenu insignifiant, presque invisible à nos yeux.

« C'est ça le problème avec les humains, à la racine de tout. La vie court à leurs côtés, inaperçue. Juste ici, juste à côté. Créant l'humus. Recyclant l'eau. Échangeant des nutriments. Façonnant le climat. Construisant l'atmosphère. Nourrissant, guérissant, abritant plus d'espèces vivantes que les humains ne sauraient en compter. »

Je referme ce roman avec un sentiment de malaise, m'interrogeant sur mon rôle dans le massacre de toutes ces forêts, prenant conscience que malgré moi, j'y participe tous les jours.
Car d'où vient le bois de ma terrasse, le bois de mes meubles, ou celui de ma bibliothèque remplie de livres ?

*
Le début du roman a de quoi surprendre. Pendant près d'un tiers du roman, nous faisons séparément connaissance avec les neuf personnes de l'histoire. Cette première partie se lit comme un magnifique recueil de nouvelles. On entre facilement dans ces histoires familiales qui sont reliées entre elles par cet amour des arbres.
Ces récits introductifs sont excellents et perspicaces, ils sont comme une lente mise en bouche, le lecteur attendant impatiemment de voir quelle direction va enfin prendre l'intrigue.

La deuxième partie voit ces personnages se rapprocher inextricablement, se relier entre eux comme le système racinaire des arbres. Leurs vies s'entrelacent, se croisent, empruntent les mêmes branches du récit pour embrasser la cause des arbres. Et par la même occasion, ces hommes et ces femmes s'effacent pour laisser la place à des réflexions politiques, écologiques, environnementales. L'activisme environnemental, la défense des arbres et la lutte contre les compagnies forestières sont l'ossature de cette partie centrale du roman.
Puis dans une dernière partie, les personnages se séparent, empruntant de nouvelles branches, laissant entendre que nous ne faisons que passer sur terre et que les arbres pourraient bien survivre à l'humanité.

*
Les personnages sont très différents les uns des autres, de part leur histoire, leurs idées, leur formation professionnelle, … mais ils partagent les mêmes idées, se battent pour les mêmes causes, traversant le temps, L Histoire avec un grand H.
J'ai aimé cette polyphonie de voix, ce multiculturalisme. Chacun a une tonalité distincte, une approche différente, qu'elle soit artistique, scientifique, dendrologique, écologique, sociologique, philosophique, … et tous ces points de vue enrichissent le débat autour de la nécessité de préserver notre environnement, les arbres en particulier et apportent forcément à l'intrigue.

Néanmoins, en ce qui me concerne, les trop nombreux personnages réduisent l'impact émotionnel. L'alternance des personnages dans le récit rend le rythme trop saccadé, trop fragmentaire et je n'ai réussi à m'attacher à aucun d'entre eux, leur vie passant sans véritablement m'atteindre.

*
Mais il est évident que le rôle principal a été confié aux arbres, ce sont les héros malheureux de cette histoire.
Je me suis attachée à certains d'entre eux comme s'ils étaient des personnages de l'histoire, comme le marronnier, le châtaignier et surtout le séquoia.

« Elle se remémore les paroles du Bouddha : Un arbre est une créature miraculeuse qui abrite, nourrit et protège tous les êtres vivants. Il offre même de l'ombre aux bourreaux qui l'abattent. »

*
J'ai été étonnée par l'écriture de Richard Powers. Je pensais qu'elle serait difficile à lire mais je l'ai trouvée au contraire, très agréable, fluide, emportée, comme je les aime.
La plume de l'auteur associe deux grande forces : la légèreté poétique et la fougue militante. Par moments, certains passages sont magnifiques, parcourus de fulgurances lyriques ou engagées. Les messages écologiques sont beaux, poignants.

« C'est lui qui l'aperçoit le premier : un bosquet de troncs vieux de six siècles, qui s'élève dans les airs à perte de vue. Les piliers d'une nef de cathédrale roussâtre. Des arbres plus anciens que les caractères d'imprimerie. Mais leurs sillons sont numérotés de blanc à l'aérosol, comme si quelqu'un avait tatoué une vache vivante d'un diagramme de boucher montrant les diverses pièces de viande qu'elle dissimule. Les préparatifs d'un massacre. »

Le roman est aussi très dense et très instructif.
Il y a beaucoup d'érudition dans ce livre, parfaitement intégrée à l'intrigue. Les arbres que Richard Powers choisit de mettre en avant, ont de fortes significations symboliques et mythiques. Ainsi, le récit fourmille de petites anecdotes passionnantes, comme la légende autour du fruit du mûrier platane.

Mais là encore, je trouve que le récit se dilue par trop de longueurs, trop de détails superflus et malheureusement, il s'essouffle. Ce rythme inégal dessert le récit qui aurait gagné en puissance avec un récit plus resserré.

*
« L'arbre-monde » est un roman ambitieux et passionné.
Mais à vouloir trop plaider la cause des arbres, Richard Powers a sans doute surchargé son récit. En définitive, même si je reconnais que le récit est long, que l'on suit trop de personnages sans qu'aucun ne joue de rôle prépondérant, cette histoire n'en reste pas moins une belle expérience de lecture et je suis contente de l'avoir lue.
Je retiendrai avant tout, ses beaux messages écologiques, ces magnifiques arbres qui traversent le temps et que l'on massacre massivement pour un profit à court terme, mais aussi l'écriture à la fois poétique et engagée de Richard Powers. Notre perception de la vie des arbres évolue après une telle lecture.

Pour finir, je retiendrai le magnifique proverbe chinois présent également dans le roman de Michael Christie, « le meilleur moment pour planter un arbre, c'était il y a vingt ans. À défaut de quoi, c'est maintenant. ».

* * * * *
Un grand merci à Bernard (Berni_29) qui m'a accompagnée sur ce roman.

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Nous arrivons dans la période où les arbres sont magnifiques, chatoyants. J'adore l'automne, j'adore me promener dans les bois, sentir l'odeur de la terre mouillée, des champignons, des feuilles pourrissantes, goûter cette saveur toute particulière de l'air.
Je me suis donc lancée avec enthousiasme dans ce livre qui, d'après beaucoup de gens, est une ode à la Nature, et surtout aux arbres.

Eh bien, eh bien… j'ai vite déchanté !
Je me suis même demandé si je ne m'étais pas trompée de livre, ou même si l'éditeur ne s'était pas trompé de texte, vous imaginez !
Donc, je dois être honnête : j'ai abandonné à la page 173 exactement (il y en a 530), là où je devais escalader la 2e partie, intitulée « Tronc ». Buter contre les « Racines » m'a suffi amplement.
Oui, j'ai abandonné, après m'être ennuyée à la lecture de chapitres où les personnages changent chaque fois, où les faits sont rapidement esquissés, où la psychologie ne me parait pas développée, où parfois le rapport aux arbres lui-même me parait inexistant ou du moins trop subtil pour moi.
Cette série de tranches de vie ou même parfois de vies complètes et même de générations (tout dépend des chapitres) ne m'a pas du tout donné envie de me promener dans le livre comme je le fais dans les bois.

Après, oui, il parait qu'après cette présentation de tous les personnages, arrive un objectif commun, qui est (je cite la 4e de couverture) : « Autour de la botaniste Pat Wester, s'entrelacent bientôt les destins de neuf personnes qui peu à peu vont converger vers la Californie, où un séquoia est menacé de destruction ».

Si j'avais été plus persévérante, peut-être aurais-je pu me passionner pour ce livre qui nous fait découvrir la valeur de l'Arbre, mais de toute façon, que l'auteur se rassure, je suis tout à fait d'accord avec lui, particulièrement avec la phrase suivante, qui conclura ma critique de manière positive :
« La vraie joie consiste à savoir que la sagesse humaine compte moins que le chatoiement des hêtres dans la brise ».
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