Si vous aimez les thrillers trépidants, vous risquez d'être déçu ! Avec
L'Homme aux deux ombres,
Steven Price nous propose un superbe roman policier historique où l'action se déroule posément, bien qu'il y ait de nombreux rebondissements et que la violence y soit très présente. L'auteur prend le temps de nous présenter des personnages à la psychologie fouillée. le roman se déroule sur plusieurs plans temporels et géographiques. Cinq des dix parties se situent à Londres en 1885. Quatre autres, beaucoup plus courtes, sont des retours en arrière : en Afrique du Sud en 1874, en Ohio et en Virginie (deux fois) en 1862, pendant la guerre de Sécession. La dernière partie, l'épilogue, nous entraîne en Oregon en 1913. L'agence de détectives Pinkerton a réellement existé et
Allan, le fondateur de l'agence, ainsi que son fils
William, un des personnages principaux de cette histoire, ancrent cette fiction dans la réalité.
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William Pinkerton est à Londres parce qu'il est à la recherche d'un célèbre escroc, Edward Shade, le bien-nommé. On ne sait pas trop pourquoi au début, mais on comprendra que Pinkerton père le poursuivait déjà sans avoir réussi à mettre la main sur lui. À Londres,
William aimerait rencontrer
Charlotte Reckitt, une voleuse qui aurait connu Shade, mais il semble bien que la tête que l'on vient de repêcher dans la Tamise soit la sienne… Un autre voleur, Adam Foole, ex-amoureux de
Charlotte, veut à tout prix savoir qui l'a sauvagement assassinée.
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J'ai beaucoup aimé ce roman qui nous plonge dans la vie quotidienne d'une époque, et sur plusieurs continents. Qu'il s'agisse de transposer une attaque de diligence du Far-West en Afrique du Sud, de visiter les égouts de Londres, de s'attarder dans une fumerie d'opium ou dans un bordel, d'organiser un cambriolage, d'assister à de somptueuses réceptions, d'espionner les Sudistes, de faire un tour en montgolfière ou de se retrouver sur le champ de batailles, etc., l'auteur a toujours réussi à me plonger dans la réalité historique grâce à de multiples détails qui sonnent vrais et qui le sont sans doute. Les relations entre William Pinkerton et Adam Foole s'approfondissent et la personnalité des deux hommes nous est petit à petit dévoilée sans manichéisme. Les personnages secondaires se révèlent passionnants aussi : Molly, la fillette dont le destin paraît comme un calque de celui de
Charlotte, en plus lumineux grâce à
Adam ; les policiers londoniens, Shore et Blackwell, aux caractères tellement différents ; le couple que forment Sally et Benjamin
Porter qui permet de mettre en lumière les relations entre Noirs et Blancs, etc. Un bémol pourtant : aucun des signes de ponctuation utilisés habituellement pour les dialogues n'apparaît ici. Je me suis habituée très vite pour les dialogues formés de répliques : le tiret est absent, mais le saut à la ligne et l'alinéa sont respectés. En revanche, quand la réplique est suivie d'un texte qui forme un paragraphe dans lequel on est susceptible de retrouver d'autres paroles d'un même personnage, c'est franchement déroutant. Je me suis questionnée sur la raison d'être de cette « coquetterie ». Eu égard à la qualité de l'ensemble, c'est un minuscule détail. Je remercie @CasusBelli dont la critique m'a incitée à lire ce roman qui fait partie des livres que relirai un jour !