Qu'a exactement voulu décrire
Barbara Pym dans ce roman ? S'agit-il, comme le suggère la quatrième de couverture, d'une vie ratée ou d'une vie réussie ? J'avoue ne pas parvenir à répondre à la question. Je me demande même si c'est vraiment la question.
Wilmet Forsyth, sur le papier, a tout : de l'argent, un mari séduisant, une belle-mère adorable et extrêmement fine, d'excellents amis, du charme, de l'élégance, un heureux caractère et beaucoup d'humour. Et pourtant, c'est clair, quelque chose ne va pas. Elle partage son temps entre la paroisse (où sa famille ne l'accompagne pas), sa maison (où elle n'a rien à faire de particulier), le shopping et quelques cours de portugais. Mais cela ne remplit rien. Elle se sent "inutile". (Elle n'insiste pas là-dessus, mais cela revient régulièrement.) Elle pense souvent à sa jeunesse libre et joyeuse, pendant la guerre (!!!!) en Italie, lorsqu'elle et son amie Rowena rencontrèrent leurs maris. On a tout là, je pense. Une femme qui pense avec nostalgie au bon temps pendant la guerre, et sans même réaliser ce qu'elle dit, montre une forme d'insensibilité. Wilmet n'arrive pas à ressentir les choses profondément, à éprouver le moindre sentiment profond. Elle cherche la spiritualité à l'église, mais ne s'intéresse qu'aux petites histoires des pasteurs, elle ne pense jamais à son mari (et lui-même semble du même bois), et s'attache vaguement à de petits flirts sans conséquence... C'est d'ailleurs ce que vont lui faire voir plus ou moins gentiment les deux personnages les plus complexes du texte (Piers, le frère torturé de son amie Rowena) et Mary, pilier de la paroisse, objet de la part de Wilmet d'une vague exaspération.
Wilmet est donc l'incarnation d'un certain type d'être humain, qui traverse la vie sans y comprendre grand chose, tout en sentant confusément que quelque chose d'essentiel leur échappe. Mais quoi ?
A petites touches d'une délicatesse infinie, élégamment drôle et subtile,
Barbara Pym nous offre un étonnant et peut-être cruel portrait de femme, à consonance universelle.