https://les100livres.wordpress.com/2016/04/14/catherine-quilliet-la-fuite-est-un-art-lointain/
"Ce recueil de nouvelles nous entraîne dans un long voyage, du blanc Nunavut aux vertes collines des Balkans. Les paysages, les pièces, les corps, tout est prétexte à décrire la matière, la lumière. Le tout à petites touches discrètes et justes. (...)
Il y a une constante : l’écriture. Elle est concise, précise et toujours fluide. Elle change subtilement, en fonction des personnages, des lieux. C’est un des grands bonheurs de ce livre."
http://benoitcamus.eklablog.com/2-recueils-passionnants-chez-paul-mike-a115132670
"[Une] belle voix singulière, qui sait happer son auditoire en deux temps trois mouvements. C'est le corps qui semble être le grand acteur de ces nouvelles, si bien que l'on pourrait presque ajouter en sous-titre de recueil : mon corps, mon ennemi ou mon corps, cet étranger ou plutôt, cette étrangeté... Non pas le corps dans le corps à corps, mais dans le corps à soi-même parce qu'ici, c'est une affaire individuelle et souvent une lutte à mort. Vous l'aurez deviné : je recommande chaudement !"
Commenter  J’apprécie         20
Ce recueil de nouvelles est vraiment intéressant et mériterait plus de lecteurs.
Commenter  J’apprécie         00
Elle met sa main sur le front du mort.
Oui, ma mère met sa main sur le front du mort.
Ma MERE met sa main sur le front du MORT.
Défi, leçon de choses ? Souci de faire un geste marquant ?
Ou volonté de se l’approprier ?
Le mort, lui, ne fait rien, et surtout pas vrai. Ils ont peut-être trop forcé sur le fond de teint, peut-être cette couleur à la fois cireuse et foncée est-elle normale, je ne sais pas, ce n’est que le deuxième que j’approche de si près. Je n’arrive pas à y voir autre chose qu’un mannequin. Impossible de croire que cette statue mal faite a un jour ri, parlé, que ces paupières s’ouvraient sur des yeux humides, sur une pupille accommodant à chaque fraction de seconde… Et Mireille qui continue de lui parler comme s’il était vivant… Je surprends le visage décomposé de Nicolas. Une grosse boule remonte de mon estomac à mon arrière-gorge – je franchis les deux mètres qui me séparent de la porte, baissant la tête pour passer au large du beau-frère un peu en retrait car il était en larmes il n’y a pas cinq minutes, et je peux aller pleurer dehors, furieuse contre moi-même de m’approprier un chagrin qui n’est pas à moi car je le connaissais si peu, au fond, Jean-Jacques.
Merci. Merci à la France coloniale qui, encore sous le coup d’une période pas très glorieuse en ce qui concernait certaines minorités, avait besoin de se donner bonne conscience en permettant à une gamine de Dakar, stigmatisée par les séquelles d’une affection violente, d’accéder aux études supérieures. Accessoirement, la gamine était surdouée, en particulier dans les matières scientifiques.
Merci à sa directrice de thèse, femme et donc elle aussi membre d’une minorité majoritaire, comme elle se plaisait à dire, qui avait accueilli avec une bienveillance détachée cette élève hors normes et introvertie.
Merci au lobby américain pour la vaccination antivariolique. Birame avait toujours soupçonné qu’il était pour quelque chose dans la proposition de séjour de recherche au pays du white only, miraculeuse pour une chercheuse faussement française mais vraiment noire. Noire à taches blanches, réclame vivante et socialement présentable pour les partisans de la vaccination pour tous.
Je me suis recroquevillé, appelant le harcèlement de toute mon attitude de victime.
Le harcèlement ne s'est jamais fait prier très longtemps et donne vite l'impression à celui qui le subit qu'il est mérité, ce qui aide à entretenir la situation.
« Et pourtant, il y en a, de la place, ici ! Tu vois une maison ? Non, pas une ! Alors que jusqu’au mont, là-bas, tu as des terres qui peuvent donner. Et elles donnent bien, si on s’en occupe correctement. Mais non. Ils préfèrent se taper dessus. Tout ça pour trois morceaux de charbon. »