Dans j'adore apprendre plein de choses,
Nathalie Quintane livre un tableau réaliste, brut de décoffrage et pourtant plein d'humanité, de notre système éducatif.
Pas de statistiques, pas de pourcentages de réussite au baccalauréat, pas de critiques sans fondement sur le rôle supposé des professeurs dans l'appauvrissement de la qualité de l'éducation, pas de propositions farfelues, pas de projet de réforme, rien de tout ce que l'on a l'habitude d'entendre sur l'éducation dans notre beau pays. Et surtout pas de yaka fokon !
En XXV saynètes mettant en mouvement le personnel éducatif, technique et administratif, les parents, les élèves, les inspecteurs, les politiques, elle met le doigt là où ça fait mal et là où la plupart des spécialistes auto déclarés de la pédagogie que compte notre pays ne peuvent que démontrer l'inanité de leurs prétendues compétences.
Le professeur est le personnage principal de ces différents tableaux.
On le voit toujours seul face à sa classe, face à l'élève qui le braque avec un pistolet factice, face à l'inspecteur en "costume de velours prune", qui vient mesurer sa capacité à enseigner, face à l'élève qui se verra interdit de cantine si d'aventure ses résultats sont mauvais, face à la réforme de l'orthographe alors que le député Lamartine écrivait enfant et enfants sans t, face à l'enseignement de l'histoire, face au formalisme du langage qui lui impose "On désire l'épiphanie d'une langue sans gibbosités".
Il a survécu au mouvement de "compensation par les clubs de théâtre", à celui de la "réxplication", aux règles d'accord des mots composés qui fondent l'accession à la nationalité française, au "c'était pas mal de supprimer l'estrade", à la restauration de l'histoire et du poème.
Il s'accommode de la CSP - Commission Supérieure des Programmes, met en oeuvre la restauration de la dictée "C'était une belle journée d'été. le soleil tapait fort. Il faisait beau en effet. C'était toujours les mêmes départs.". Pratique toujours "Que celui qui a lancé cette boulette se dénonce ! S'il se dénonce, la classe ne sera pas punie."
Résiste aux "pédagogies alternatives".
Par ces saynètes à la fois réalistes et drôles (parfois on rit jaune),
Nathalie Quintane présente avec justesse les différents rôles de composition que doit remplir le professeur. Il est confronté à la concurrence de plus en plus rude de la télévision, d'internet et des réseaux sociaux, aux mouvements de modes qui s'affranchissent des règlement scolaires, "Tu te souviens de l'année où les filles avaient le string qui dépassait du jean ?", au sacro-saint principe de précaution qui réduit le champ de ses initiatives "Vous avez fait couler de la cire ? - Dans une casserole ? Sur du feu ? - Mais qui avait autorisé ça ?"
Le livre se lit d'un trait. L'auteure confronte le lecteur à sa propre expérience du système éducatif et démontre la difficulté de concevoir un système pour la multitude en lui demandant de répondre à des objectifs aussi divers qu'opposés. Elle aborde la question des niveaux au sein d'une même classe concluant un dialogue supposé entre deux pédagogues par "De toute façon, il restent moyens, le pays a besoin de moyens pour fonctionner"
Tirés à hue et à dia, les professeurs peuvent être amenés à penser
"Ne faisant pas, nous perpétrons quand même. C'est quand nous ne faisons rien que nous perpétrons le plus."
Une conclusion s'impose :
"L'école-France dans le pays-France est celle du présent à valeur de vérité générale"
Un livre qui donne le vertige, un livre de non spécialiste qui devrait être lu par tous les spécialistes déclarés du système éducatif
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