Comme vous le savez peut-être, il existe au moins trois « trilogies berlinoises ». La plus connue, celle de l'écrivain écossais
Philip Kerr, met en scène Bernie Gunther. La seconde, celle de l'écrivain allemand
Volker Kutscher, met en scène Gereon Rath. La troisième, celle de l'écrivain américain
Jonathan Rabb, met en scène Nikolaï Hoffner. Les points communs à ces trois trilogies sautent aux yeux : 1) le personnage principal est, ou a été pendant une partie de son parcours, Kriminalkommissar ou Kriminaloberkommissar de la Kriminalpolizei (inspecteur ou inspecteur principal, à ne pas confondre avec le Kriminaldirektor, le commissaire divisionnaire), bon, ce sont des flics quoi, on est bien à chaque fois dans une trilogie de polars ; 2) les aventures du héros se situent principalement à Berlin ; 3) le héros officie au début des années 30, il croise donc des nazis à chaque coin de rue.
Le second fils est le troisième roman de la trilogie de
Jonathan Rabb, qui fait suite à
Rosa et à
L'homme intérieur.
Nous sommes à la veille des Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Hitler est installé depuis trois ans au pouvoir et les persécutions contre les Juifs ont commencé. Nikolaï Hoffner sent le vent tourner quand, après des années de bons et loyaux services, son patron à la Kripo lui recommande expressément de prendre sa retraite, un conseil d'ami, car la mère de Nicolaï étant juive ukrainienne, lui aussi est « techniquement » juif. Or les nazis, depuis avril 1933, ont instauré la Berufsbeamtengesetz interdisant aux Juifs d'occuper des emplois dans la fonction publique. Nikolaï Hoffner, passé à travers les mailles du filet, fait ses cartons sans regret. Il ne sera pas inquiété eu égard aux nombreux services rendus (comme ceux racontés dans les deux tomes précédents).
Nicolaï a deux fils : Sascha et Georg. le premier, attiré par l'idéologie du IIIème Reich, a commencé une carrière prometteuse de nazi dans l'ombre de
Joseph Goebbels, il s'est bien entendu éloigné de son père. le second est journaliste et caméraman chez Pathé Gazette.
Le nouveau retraité profite de sa liberté retrouvée pour se rendre en Espagne, à la recherche de son plus jeune fils Georg, dont on est sans nouvelles. Georg devait couvrir les Olympiades populaires de Barcelone (sorte de JO organisés en protestation contre les JO de Berlin) qui seront interrompues par le putsch de Franco. Mais la mission de Georg n'était-elle pas une couverture ? Georg était-il en service commandé ?
Lancé sur les traces de ce fils, qui le précède de peu, de Barcelone à Badajoz, à travers une Espagne à feu et à sang, Nicolaï croisera sur sa route des combattants républicains et des combattants franquistes, des truands, des SS, des espions allemands, russes et britanniques. Il rencontrera Mila, une jeune femme médecin engagée du côté des républicains qui fera un bout de chemin avec lui, voire plus si affinité. Il ira jusqu'au bout de sa quête, jusqu'au dénouement époustouflant qui pourrait rivaliser avec ceux des meilleures tragédies grecques.
Le troisième roman de cette trilogie (qui peut se lire séparément) est à découvrir d'urgence pour sa toile de fond historique assez peu exploitée dans les romans policiers (la guerre civile espagnole), pour son scénario haletant, pour le caractère bien trempé de ses personnages, et pour le coup de théâtre final. Que demander de plus ? Encore un peu de
Rabb ? Il reste encore deux tomes bien copieux, on peut donc aller se resservir…