AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,91

sur 1390 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Cette pièce a une petite histoire et cette petite histoire me semble intéressante à retracer rapidement avant que de parler plus spécifiquement de la pièce en elle-même. Projetons-nous au mois de novembre 1670 au moment de la création de Bérénice : Racine est alors un fringant jeune homme de trente ans, très à la mode et qui vole de succès en succès.

Pierre Corneille, soixante-quatre ans (c'est très vieux pour l'époque), est au pinacle des auteurs tragiques mais c'est une gloire du passé, ses grands succès, Le Cid, Horace, etc. datent de trente ans auparavant (Le Cid fut créé presque trois ans avant la naissance de Racine). Il a certes du prestige mais il est passé de mode.

Ajoutons à cela que l'Hôtel de Bourgogne et le Théâtre du Palais-Royal, les deux principales scènes parisiennes d'alors, se tirent une bourre pas possible pour essayer d'écraser son concurrent. Le hasard faisant que des gens de l'Hôtel de Bourgogne furent au courant que le grand Corneille, sous contrat avec le Palais-Royal, préparait une pièce sur les amours de l'empereur romain Titus et de la reine de Palestine Bérénice, ceux-ci s'empressèrent de commander à Racine une tragédie sur ce même thème.

Sachant que papy Corneille n'avait plus besoin de travailler rapidement et que l'autre s'est fait un devoir de le coiffer sur le poteau, c'est donc Racine qui présente sa pièce en premier, l'intitulant Bérénice — titre que Corneille avait pressenti pour sa pièce — obligeant ce dernier à changer son titre en Tite et Bérénice pour sa propre pièce qui sort tout juste une semaine plus tard dans le théâtre concurrent.

L'histoire retient donc une victoire totale de Racine, pigeonnant son aîné, et remportant plus de succès que celui-ci. Cet état de fait poussent beaucoup à considérer l'œuvre de Jean Racine comme très supérieure à celle de Pierre Corneille. Mais, m'étant aventurée à comparer ces deux pièces, je ne partage pas du tout cet enthousiasme unilatéral.

Certes je ne suis pas là pour comparer les deux œuvres qui d'ailleurs se répondent et se complètent bien plus qu'elles ne se marchent sur les pieds. Mais je ne vois nulle part où la versification racinienne serait tant supérieure à celle de Corneille ni en quoi sa gestion de l'intrigue surclasserait celle de son aîné. Je crois plutôt à un effet de mode qui fait long feu, sachant que les effets de mode de 1670, vus de notre fenêtre de l'an 2015, ont un petit quelque chose de risible.

Bérénice est donc, selon moi une très bonne tragédie, pas la meilleure de son auteur, pas la moins bonne non plus, un bon cru mais pas davantage. L'écriture de Racine reste un vrai bonheur et j'encourage vivement ceux qui n'ont jamais goûté cette écriture à, ne serait-ce qu'une fois, venir y poser leurs lèvres afin d'en mesurer l'arôme.

Titus est un empereur romain du Ier siècle de notre ère et Bérénice, la petite fille du roi Hérode de Judée. Si la presse people avait existé à l'époque, nul doute que Titus aurait éclipsé même jusqu'à la famille princière de Monaco tant les lumières de son règne, tant les légendes qui l'accompagnent sont nombreuses et romantiques.

Voilà un débauché qui devint vertueux à la mort de son père Vespasien et qui, subitement investit d'une moralité nouvelle liée à sa prise de pouvoir dans l'Empire se transforme en homme vertueux. Lui qui aimait une Juive et qui ne s'en cachait pas, lui qui l'adorait, pour l'amour de Rome, préfère sacrifier son amour que de déplaire à son peuple, etc., etc., je vous laisse consulter si le cœur vous en dit une biographie du Titus en question.

Voici cependant, un remarquable sujet de tragédie : un amour véritable et réciproque, devenu impossible sans l'entremise de personne autre que Rome elle-même et la charge d'empereur. Un empereur aux abois, une reine étrangère chargée de fantasmes exotiques bafouée pour raison d'état. Le menu est prometteur…

Ajoutons à cela le rôle — loin d'être mineur — d'Antiochus. Celui-ci est également roi, dans un petit royaume contigu de celui de Bérénice ; il brûle d'amour pour elle depuis belle lurette. Il est le fidèle serviteur de Titus, il aime Bérénice dans l'ombre sans jamais lui en faire, mais il commence à en avoir assez de tenir la chandelle alors il vient faire ses adieux à Bérénice en lui confiant une dernière fois qu'il l'aime, qu'il l'adore et que bien plus encore…

Mais Bérénice est ailleurs, vous pensez bien : un empereur qui l'aime et qu'elle aime doit lui faire sous peu une demande en justes noces, alors, vous imaginez ce qu'elle s'en tamponne des états d'âme d'Antiochus, même si c'est un bon ami : au revoir, portez-vous bien et à un de ces jours.

Antiochus en a le cœur dévasté mais Titus, en confident, lui avoue qu'il ne pourra demeurer avec Bérénice et qu'il lui demandera donc de repartir chez elle, en lointaine Palestine. Il le charge même d'une redoutable besogne : aller lui annoncer que Titus la quitte et qu'elle en sera quitte pour un aller simple direction Jérusalem.

En somme, résumons-nous : Antiochus aime Bérénice, mais elle n'en veut pas ; Titus aime Bérénice mais il n'en veut plus ; Bérénice aime Titus qui l'aime aussi mais qui l'envoie paître… vous voyez ce que je vois ? Eh oui, si mademoiselle Bérénice avait le bon goût de tourner la barre à 180° et d'aller lorgner du côté d'Antiochus, tout se goupillerait bien. Alors ?… alors ?…

Alors je vous laisse le soin de découvrir le fin mot de la pièce par vous même et me dépêche d'ajouter que cette critique un peu tirée par les cheveux (pas la chevelure de Bérénice, qui elle est une homonyme et était reine d'Égypte au IIIème siècle avant J.-C.) ne représente que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
Commenter  J’apprécie          1146
Berenice n'est pas ma tragédie de Racine préférée, mais on y retrouve toute la beauté de la langue de Racine, et cela suffit à rendre sa lecture agréable.

Pour résumer l'histoire , Antiochus aime Berenice, qui aime Titus, qui aime Berenice, mais ne peut l'épouser (car les lois romaines interdisent à l'empereur d'épouser une reine étrangère), et envoie Antiochus lui annoncer la mauvaise nouvelle.
Sur cette base se déroule une tragédie classique, dont on se demande comment elle va se terminer car plusieurs options sont possibles, notamment au regard du rôle d'Antiochus, dont la position en tant qu'ami de Titus amoureux de Berenice n'est pas enviable.

A noter enfin pour la petite histoire que Racine a écrit cette pièce rapidement pour qu'elle soit jouée juste avant celle de Corneille sur le même thème.
Commenter  J’apprécie          180
Je l'ai déjà écrit plusieurs fois, le théâtre j'aime le voir jouer, pas vraiment le lire. Et même si la Bérénice de Racine m'a bien plu, je reste sur mon avis, lire du théâtre, très peu pour moi. Mais le challenge solidaire est passé par là...

Bérénice aime Titus; Titus aime Bérénice. Tout devrait bien aller dans le meilleur des mondes. Sauf que... Sauf que Titus est désormais empereur de Rome et ne peut donc épouser qu'une romaine, ce que Bérénice n'est pas. Pire, elle est reine de Palestine et jamais les romains ne toléreront une telle union, eux qui ont chassé les rois et les reines de l'empire.

Alors Titus se voit contraint d'abandonner son amour par devoir, mais recule au moment de le lui dire tant il l'aime d'un amour passionné. Il charge alors son fidèle ami Antiochus de le lui dire à sa place sans savoir que ce même Antiochus est amoureux en secret de Bérénice...

En voilà une tragédie qui comporte tous les symboles: l'amour contrarié, l'amoureux transi, le devoir d'état, la menace de se tuer et j'en passe. Une pièce en vers très agréable à lire (et à entendre) pour parfaire sa culture.
N'y aurait-il pas d'amour heureux ?

Challenge solidaire 2020
Challenge multi-défis 2020
Challenge Coeurs d'artichaut 2020
Commenter  J’apprécie          132
"Rome, contre les rois de tout temps soulevée,
Dédaigne une beauté dans la pourpre élevée.
L'éclat du diadème et cent rois pour aïeux
Déshonorent ma flamme et blessent tous les yeux."

Titus est fou amoureux de la reine Bérénice. Celle-ci partage les mêmes sentiments mais Rome voit cette relation d'un oeil mauvais. Car Titus est appelé à régner sur l'Empire mais certainement pas en compagnie d'une reine étrangère. Ce ne serait d'ailleurs pas la première à être chassée…

Pas de suspense ici, les coeurs sont décidés, les destins se devinent inéluctables et les langues doivent se délier. Antiochus aime Bérénice qui aime Titus qui aime...les lauriers plus que Bérénice… Une manière simpliste de résumer ce triangle amoureux dont Racine met en acte la rupture.

Alors que Bérénice donne son nom à la pièce, c'est celle qui paraît la plus passive. Face à elle, deux hommes : un veut rompre, l'autre souhaite être aimé. Mais comment dévoiler tout cela à Bérénice ? Antiochus et Titus optent, en première solution, pour la fuite. le roi de Comagène préfère quitter Rome sans mettre à nu son coeur et l'empereur de Rome charge Antiochus de rompre à sa place. Pourtant, au fur et à mesure que se déroule l'action, il devient évident que c'est bien Bérénice qui porte la tragédie. C'est elle qui va confronter les deux hommes, c'est elle qui, la première, envisagera le suicide, et, en dernier lieu, c'est elle qui abattra le couperet.

Si "Bérénice" ne verse pas dans le sang, il n'en demeure pas moins que la fatalité s'abat avec fracas sur les protagonistes. Un fracas plus subtil parce qu'essentiellement psychologique. La plume de Racine est toujours agréable à lire mais "Bérénice" est sa pièce qui m'a le moins emporté jusqu'à présent.

Challenge MULTI-DÉFIS 2019 : Un livre issu de la 'Bibliothèque Idéale Télérama'
Commenter  J’apprécie          100
Point de sang, point d'assassinat ni vengeance...il s'agit d'une tragique (et belle?) histoire d'amour, où toutes les situations sont provoquées par les sentiments des personnages.
Point de batailles... et c'est sans doute pour cela que les critiques ne furent guère élogieuses à sa sortie et dans les siècles qui suivirent...Une pièce trop sentimentale ?... où un empereur romain peut balancer comme le dernier des hommes entre son amour et son devoir ?
Voltaire écrivit "Je n'ai jamais cru que le tragédie dût être à l'eau de -rose ; l'églogue en dialogue intitulée Bérénice...était indigne du théâtre tragique (...) ce grand maître Racine eut beaucoup de peine, avec tous les charmes de sa diction éloquente, à sauver la stérile petitesse du sujet"

Il est vrai que Titus ne sort pas grandi de cette histoire...a-t-il jamais assez aimé Bérénice ? N'a-t-il pas fait preuve d'égoïsme dans les cinq ans qui virent grandir leur amour ? n'a-t-il même pas le courage d'annoncer en face à Bérénice son bannissement pour le bien de l'empereur, de sa gloire ?

Bérénice, elle, est l'héroïne tragique...prête à tout donner, à tout sacrifier. Mais elle est plus touchante quand elle abandonne ses pleurs et ses plaintes au cinquième acte pour parler froidement et dignement et décider pour ses deux soupirants Titus et Antiochus. Ainsi s'adressant à Antiochus dans la scène finale :
"Sur Titus et sur moi réglez votre conduite :
Je l'aime, je le fuis; Titus m'aime, il me quitte.
Portez loin de mes yeux vos soupirs et vos fers.
Adieu. Servons tous trois d'exemple à l'univers
De l'amour la plus tendre et la plus malheureuse
Dont il puisse garder l'histoire douloureuse."

Une histoire d'amour éternelle servie par la mélodie de la langue de Racine.
Commenter  J’apprécie          60
Aaaaah Racine ! Comme c'est beau, comme c'est fort ! Quelle puissance dans les vers raciniens ! C'est avec un grand plaisir que j'ai pu apprécier pour la quatrième fois une de ses tragédies. Cependant, si fidèle à lui-même il signe une oeuvre superbe, c'est je pense celle qui m'a le moins plu... (il faut dire que j'ai commencé par les plus connues)
J'ai trouvé que la pièce était trop simple et sans retournements de situations. Dès la présentation des personnages, on peut voir cette simplicité : Titus et son confident, Bérénice et sa confidente, Antiochus et son confident. Trois personnages, trois confidents, élémentaire...
Ensuite, une situation simple : Antiochus aime Bérénice, qui aime Titus, qui l'aime en retour. Cependant, Titus, suite à la mort de son père devient César, et il ne peut donc épouser Bérénice, car un César ne peut épouser une reine, selon les lois romaines. Voilà une situation qui ne va pas évoluer au cours du récit, et on constate finalement que le personnage d'Antiochus n'a pas de réelle impacte sur l'histoire : par rapport au "couple", quelle sera son influence ? Aucune ! Il n'est donc présent que pour ne pas qu'il y ait deux personnages seulement, et pour rallonger la durée de la pièce. Durée qui est d'ailleurs minimale, c'est une pièce en 1506 vers, le minimum selon les règles du théâtre classique étant 1500 vers. J'ai l'impression d'ailleurs de nombreuses longueurs et de plusieurs passages inutile, notamment la description de la puissance de leur passion, de leur indécision ou de leur désespoir que l'on trouve trop souvent.
Finalement l'histoire se résume simplement : Titus tergiverse entre sa gloire et son coeur, Bérénice, une fois au courant de la situation, est désespérée, et parallèlement, Antiochus est au comble du désespoir car il n'est pas aimé de Bérénice. On aurait pu attendre une action d'Antiochus, notamment lorsque Titus lui confie une message pour Bérénice, on voudrait qu'il essaye de tirer partie des malheurs du couple, mais on reste sur sa faim...
Trois étoiles cependant, parce que c'est Racine, et donc que c'est beau !
Commenter  J’apprécie          50
Le dilemme au coeur de cette tragédie classique est parfaitement résumé dans la réplique de Titus (acte IV scène 6) : « Ah, Rome ! Ah, Bérénice ! Ah, prince malheureux ! / Pourquoi suis-je empereur ? Pourquoi suis-je amoureux ? ». Quelle belle source d'inspiration pour Racine, Corneille et consorts que L Histoire romaine ! Sur le plan culturel, voilà est une démonstration parfaite de la haine de la royauté par les Romains.
A mettre au crédit de Racine, la virtuosité de l'alexandrin et la belle exploration de la variété des dilemmes et arguments des différents principaux protagonistes, Titus, Bérénice et Antiochus.
J'ai trouvé, par moments, le lyrisme un peu trop larmoyant et, pour moi, la scène finale échappe heureusement au grand-guignolesque grâce à la tirade finale de Bérénice qui clôt la pièce, un peu abruptement à mon sens.
Commenter  J’apprécie          40
Oeuvre publiée en 1670. C'est la même année que Tite et Bérénice de Corneille. Hasard fascinant, allez savoir qui a copié sur qui ! Touchant, belles tirades efficace. le sujet parle, il est moderne, on pourrait facilement le retranscrire dans des situations d'aujourd'hui. La sagesse du renoncement de Bérénice me fascine à chaque fois, c'est dur mais c'est beau.
Commenter  J’apprécie          40
Bérénice, tragédie en cinq actes de Jean Racine, est jouée pour la première fois à Paris le 21 novembre 1670.

Elle retrace l'amour que porte Antiochus à Bérénice, reine de Palestine et celui entre cette dernière et l'empereur romain Titus. Nous avons aussi des personnages déchirés entre leurs passions et leurs devoirs, dans le cas de Titus, sa gloire et les lois de Rome et pour Antiochus, il s'agit de révéler son amour et de fuir Bérénice. Les trois sont aussi soumis au regard d'autrui que ce soit le peuple romain pour Titus ou Bérénice pour Antiochus.

Celle-ci est aussi riche psychologiquement puisqu'elle doit subir les aveux de Titus qui vont même la mener jusqu'à souhaiter le suicide, préférable au renoncement d'un amour absolu.

On peut aussi penser que le dénouement,

Le personnage d'Antiochus, tout marqué par la tristesse, comme nous le montre ses répliques et notamment celle à la fin de la pièce avec "Hélas !" et aussi par sa grandeur à la manière de Titus, m'a beaucoup plu. Il souffre aussi des paroles de Bérénice parfois violentes à son égard.




Le style d'écriture est aussi agréable à lire et même si je garde un souvenir laborieux de ma première lecture de Racine quand j'étais collégienne (Phèdre), celle-ci est abordable. La musicalité est très douce, comme nous le montre les rimes qu'ont pu créer les noms de Bérénice ou encore Phénice, sa confidente.



Commenter  J’apprécie          30
Ma tragédie préférée de Racine ! Les vers sont magnifiques et saisissants, et l'amour de Bérénice et Titus si puissant ! Alors oui, cette pièce est connue pour son absence de véritables actions, mais la montée des sentiments des personnages et l'approche de leur adieu sont si intenses que j'ai été bouleversée par leur destin
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (6286) Voir plus



Quiz Voir plus

Phedre

quelle est la relation entre Phedre et Ariane?

Mere/fille
soeur
confidente

10 questions
1179 lecteurs ont répondu
Thème : Phèdre de Jean RacineCréer un quiz sur ce livre

{* *}