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sur 1390 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On a beau se dire qu'aujourd'hui l'affaire serait expédiée en un quart d'heure tout au plus, trois ou quatre mots suffiraient, cependant ces choses sont exprimées dans la belle langue de Racine et il faut cinq actes d'une tragédie pour y parvenir.
Ces choses, mais quelles sont ces choses si difficiles à dire, pour lesquelles il faut user de l'élégance des mots et du souffle d'une tragédie pour les clamer ?
Car derrière le rideau de cette intrigue, nous avons bien à faire à une tragédie, même si Racine nous évite du sang sur les murs, des cadavres qui jonchent le sol, la seule violence ici présente est celle des passions exacerbées...
Donc, résumons cette histoire de billard à trois bandes puisqu'il s'agit d'un triangle amoureux...
Bérénice aime Titus, qui aime Bérénice. Antiochus aime Bérénice, mais la réciproque n'est pas vraie. Elle lui voue seulement une amitié, tandis que lui continue de l'aimer secrètement.
Hélas ! Tous les chemins de l'amour ne mènent pas à Rome.
Titus vient de succéder à Vespasien en tant qu'empereur sur le trône romain, mais celle qu'il aime est reine de Judée et les lois de Rome empêchent cette union, non pas qu'elle soit juive mais parce qu'elle est reine et étrangère.
Or Titus se dérobe au dernier moment pour avouer à Bérénice que leur amour sera sacrifié sur l'autel de la raison d'État.
Titus confie alors à son allié et confident, Antiochus lui-même roi, du royaume de Commagène, la charge d'aller dire à la belle son impossible mariage et de la ramener illico presto dans son royaume de Palestine.
On a beau être empereur de Rome, avoir fait toutes les guerres pour protéger l'empire, on n'est guère téméraire pour regarder la femme qu'on aime depuis cinq ans, l'affronter dans les yeux, craindre ses larmes et lui avouer que, désolé chérie ! les contingences politiques, tu sais ce que sait, elles imposent des devoirs qui ignorent le coeur. Allez ! Fais ta valise et surtout, pas de scandale !
On a beau être empereur, on n'en mène pas large dans certaines situations ! Quel comble pour un personnage de la stature de Titus, de ne pas savoir poser des actes ! Il lui en faudra quatre pour le lui dire !
La décision est sans doute déjà prise et le dilemme n'est peut-être pas de savoir si Titus va renoncer ou non à Rome pour le coeur et les beaux yeux de l'aimée, mais plutôt tout au long de la tragédie : comment, bon sang, vais-je le lui annoncer ? Comment trouver les mots pour se dire qu'on se quitte pour jamais ?
La faiblesse, la lâcheté de Titus l'auront donc conduit à attendre quatre actes pour déclarer l'impossible mariage et en passant par des biais tortueux. Bérénice s'en indigne bien sûr, elle a raison de lui rétorquer qu'il connaissait les lois de Rome lorsqu'il l'aima la première fois, c'était il y a cinq ans... C'est vrai, quoi !
D'autres pour le coeur de Bérénice auraient renoncé à l'Empire.
Les exemples célèbres sont multiples, ne serait-ce que celui du roi Edward VIII qui abdiqua pour pouvoir épouser la belle roturière américaine Wallis Simpson.
On connaît aussi des souverains qui ont su s'en accommoder. Si l'on observe un éventail large, au hasard depuis Louis XIV jusqu'à François Mitterrand, les exemples sont nombreux... Mais peut-être ainsi Titus dans sa bonté a su protéger Bérénice d'un autre mal plus dévastateur : les affres de la jalousie d'une maîtresse qui serait demeurée terrée dans l'ombre.
Et alors, je me suis demandé si Titus aimait vraiment Bérénice. Qu'en pensez-vous ?
On pourrait se dire que tout ceci va jouer en faveur d'Antiochus, que son heure est enfin venue. Mais il ne suffit pas que Rome dise non à cette union et congédie Bérénice en Palestine pour qu'aussitôt la belle souveraine saute au cou d'Antiochus. Et puis, ce serait un amour misérable ! Mettez-vous un instant à la place de l'un et de l'autre... !
J'ai découvert dans les vers de Racine une langue somptueuse, mais j'ai trouvé qu'il y avait autre chose chez ce poète tragédien : un art subtil dans cette attente de l'aveu ultime, un suspense qui tient le spectateur en haleine dans ce conflit entre le devoir et le coeur, entre la passion et la raison...
Je me suis laissé imprégner par cette langue sonore, sensuelle, déroutante au début de ma lecture, inhabituelle pour moi. J'y suis revenu à plusieurs reprises, je revenais sur certains fragments du texte pour le simple plaisir de les relire. J'ai aimé ces vers sublimes qui s'entrechoquent, au risque de se briser, dans les vertiges et les déchirements de la passion amoureuse, qui se nouent et se dénouent dans un équilibre sans cesse fragile. C'est comme un chant incantatoire... Et comme c'est du théâtre j'essayais d'imaginer les gestes, les regards, les bouches, les corps qui pouvaient habiter cette émotion. Corps tendus qui tremblent, ployés, déployés, qui brûlent...
J'ai eu un faible pour ce pauvre Antiochus, en souvenir peut-être des quelques fois où j'ai dû tenir la chandelle moi aussi... Mais je vous parle d'un temps... Antiochus est le personnage que je préfère, c'est le plus respectueux, le plus intègre, bien que les autres au fond n'aient rien à se reprocher, son amitié est fidèle à l'un comme à l'autre... Il est touchant, figure tragique de cette pièce, au rôle si ingrat, sans lui les deux autres personnages n'existeraient sans doute pas de la même manière, mais je dis cela, hein ?!
Mais plus que tout, j'ai aimé Bérénice. Bon un troisième qui l'aime, me direz-vous ? On n'est plus à cela près. Mais voyez-vous, ceux qui me connaissent savent que je tombe vite amoureux des personnages féminins atypiques, en marge de l'ordre établi par les hommes, que je rencontre dans mes lectures.
Je l'ai aimée malgré ses plaintes et ses larmes à n'en plus finir, malgré les chantages qu'elle exprime, malgré son désir de dominer... Mettez-vous à sa place dans cette trahison indigne et douloureuse qu'elle subit... Elle est pour moi l'Orient, l'étrangère, celle qui ne trouvera pas sa place, celle qu'on répudie, qu'on ramène chez elle comme devenue une intruse... Vous imaginez le comité d'accueil à l'arrivée là-bas chez son peuple qui s'est fait massacré par Titus qui l'a aimée et qu'elle a aimé pendant cinq ans ! Non, impossible... Alors j'ai imaginé une Bérénice en exil sur les routes... Personne n'en a jamais parlé, personne ne s'est inquiété de savoir ce qu'il a pu advenir d'elle...
Peut-être cela a-t-il fait l'objet d'une autre histoire, d'un autre récit... Qui sait ?
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Bérénice est une tragédie du XVIIème siècle dans laquelle Jean Racine met en scène trois personnages aux amours contrariées.Titus, empereur de Rome et Bérénice, reine de Palestine s'aiment et veulent se marier mais la convenance devant le peuple Romain les en dissuade. Titus fait un choix, non sans doutes et sans souffrances, celui de privilégier le règne et la gloire en toute légitimité au détriment de son amour pour Bérénice. Cette orientation s'avère complexe et génératrice de bien des douleurs.
Parallèlement à cela, Antiochus, roi de Comagène et ami de Titus avoue et libère son amour gardé secret pour Bérénice sans y trouver la réciproque.
Que la passion peut rendre malheureux !
Cette pièce de théâtre est magistrale, le contenu magnifique et les textes sublimes.
A lire et à relire avec délice.
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L'histoire même de la création de cette tragédie nous rappelle les temps classiques glorieux où les grands auteurs rivalisaient à l'envi. Ainsi le vieux Corneille avec Tite et Bérénice lutta contre le talentueux Racine et sa pièce Bérénice. Un temps où un beau poème, une belle tragédie ou comédie comptaient énormément dans la cour du roi Soleil ainsi que pour le public.
Racine a choisi cette fois une histoire romaine pour créer cette tragédie qui est parmi les plus connues de ses pièces. Un amour impossible entre le grand Titus et Bérénice la reine de Palestine. Les personnages doivent faire un choix difficile mais acceptent la séparation (la pièce nous y prépare) sans avoir recours à la mort « tragique ».
Racine est un poète qui sait bien dompter son vers et sa rime pour nous enchanter. On retrouve tout son art dans cette tragédie ; toutes ces belles expressions qui sont devenues de vraies aphorismes de l'amour et de la séparation douloureuse. Ces vers résument l'intrigue en quelque sorte et illustrent cette grandeur poétique racinienne :
Titus
J'espérais de mourir à vos yeux,
Avant que d'en venir à ces cruels adieux.
Bérénice
Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire :
Je ne dispute plus. J'attendais, pour vous croire,
Que cette même bouche, après mille serments
D'un amour qui devait unir tous nos moments,
Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle,
M'ordonnât elle-même une absence éternelle.
(Acte IV, scène 5)
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Longtemps j'ai cru qu'aucune pièce de Racine ne me toucherait plus que Phèdre... C'était avant d'avoir lu Bérénice !

Depuis huit jours, Titus a succédé à Vespasien sur le trône de l'empire romain. Afin de se conformer aux lois romaines, qui n'admettent que des mariages entre Romains, il doit se séparer de Bérénice, reine de Palestine. Or cela fait cinq ans que cette dernière a suivi son amant à Rome, dans l'attente de l'épouser.
Titus ne sait comment annoncer à la reine une tragique nouvelle qu'elle ne veut pas entendre. Il demande à Antiochus, secrètement épris de Bérénice et qui, croyant voir arriver le jour du mariage, s'apprêtait à quitter Rome, de la ramener dans son royaume. Passant de la colère au désespoir, chacun menacera de se tuer et, finalement, dans un effort suprême, ils se quitteront pour jamais :
"Adieu, servons tous trois d'exemples à l'univers
De l'amour la plus tendre, et la plus malheureuse,
Dont il puisse garder l'histoire douloureuse."

Et je termine ma lecture en répétant le dernier mot, d'Antiochus, : "Hélas !"
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Étonnant que cette pièce m'ait autant plu.
Pourtant, il ne se passe pas grand-chose. Bérénice, ce n'est finalement que l'histoire d'une rupture. Et on ne peut pas compter sur un aspect sanglant. Comme le dit Racine lui-même : « ce n'est point une nécessité qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie ». Voilà une position qui me surprend. Si je trouve que, parfois, certains auteurs en font trop en assassinant et suicidant tout le monde à tire larigot à la fin, j'ai du mal à considérer comme justifié le point de vue de Racine. Il faut un minimum quand même, sinon, on reste dans un registre tout juste dramatique.
Mais à la lecture de Bérénice, j'ai jeté ces considérations dans la poubelle de mon PC. Fi des classifications ; le texte est superbe !

Il raconte comment Titus, devenu empereur de Rome à la suite du décès de son père Vespasien, rejette contre son gré son amour pour la reine Bérénice pour des considérations politiques. Titus et Bérénice s'aiment depuis un bout de temps, mais tant qu'il n‘était que prince, cela pouvait être considéré comme une foucade. Mais dès lors qu'il est amené à représenter Rome, c'est un personnage d'une autre stature qu'attendent le peuple et le Sénat. Comment pourrait-il épouser une orientale ? Une reine de surcroît, alors que les Romains honnissent le concept de royauté depuis les balbutiements de la Ville (seulement trois rois à ses débuts, et puis fini) ? Ce serait se rabaisser à un Marc-Antoine, qui en oublia Rome avec sa Cléopâtre. Lui, jeune, en pleine gloire militaire après les guerres de Judée, obscurcirait immédiatement un règne qui s'annonce magnifique.

Mais Titus ne veut pas renoncer si facilement. Même quand il cède à son entourage, il ne trouve pas le courage d'en parler directement à son aimée. Bérénice ne comprend d'abord pas pourquoi Titus est si fuyant, lui qui lui promettait hier encore la place d'impératrice. Elle lui cherche des excuses – le désespoir dû à la mort du père – jusqu'au moment où cela ne suffit plus. La nouvelle finit par lui parvenir : elle est déchue. C'est l'incompréhension, puis la colère.
L'histoire est un peu compliquée par la présence d'Antiochus, roi de Comagène, ami de Titus et amoureux depuis toujours de Bérénice, qui apparaît comme un vrai dindon de la farce, bousculé entre les réactions de l'un et de l'autre, obligé de servir de médiateur, voyant enfin une ouverture à son amour mais qui se referme aussitôt. Pauvre gars.

Les raisons politiques, les tergiversations, les passions, les colères sont sublimées par les vers de Racine, et ce faisant prennent effectivement une teinte tragique. Seul défaut à mon avis, ce sont les chantages au suicide qu'imposent les trois acteurs à la fin. Chacun dit aux deux autres « tu auras ma mort sur la conscience » avant que la raison vienne mettre de l'ordre dans tout cela.

Avec cette pièce, j'achève le premier tome du théâtre complet de Racine. le tome 2 attendra un peu.
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On ne peut pas critiquer une oeuvre d'un auteur classique de cette qualité, mais uniquement faire part de son ressenti.
Bérénice peut paraître une oeuvre difficile, car rédigée en vers dans le français de son époque (XVIIe siècle de la Cour de Louis XIV) avec des phrases ampoulées. Cependant, le lecteur s'adapte aisément et est rapidement séduit par la pureté de la langue et la qualité de l'écriture. L'intrigue de cette tragédie est simple, Titus et Antochius aiment Bérénice. Bérénice aime Titus, mais ce dernier est tiraillé entre son amour et son statut d'Empereur Romain.
L'Antiquité et l'étude des auteurs gréco-romains sont en vogue depuis longtemps déjà et un nombre important d'auteurs se sont inspirés des mêmes sujets, mais sans doute pas avec le brio de Racine, très érudit et fin lettré, ayant une connaissance approfondie du Grec, du Latin et de l'Histoire. Toutefois, si les protagonistes de la tragédie ont vraiment existé pendant l'antiquité romaine, Racine a eu le génie d'adapter la pièce à la vie de Cour contemporaine du 17 ème siècle, écrivant pour plaire au Roi et aux puissants qui assuraient sa subsistance.
Une tragédie rédigée par un courtisan talentueux, et un chef-d'oeuvre qui a su traverser les siècles.
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Superbe tragédie de Racine en cinq actes inspirée de l'histoire de Rome. Titus, alors empereur romain à l'époque vit une folle passion avec la reine Palestine du nom de Bérénice. Lorsque celui-ci se confie à Paulin, son ami et confident, sur ce que pense le peuple de cet amour et d'une éventuelle union entre lui et Bérénice, Paulin lui avoue que le peuple désapprouve cette passion entre leur empereur et celle qu'ils considèrent uniquement comme une étrangère. Aussi, Titus doit faire un choix cornélien : il doit soit écouter son coeur et respecter son engagement envers Bérénice, soit écouter la voix de la raison, à savoir celle du peuple et renoncer à son amour pour assurer ses devoirs envers Rome. Rome ou Bérénice ? C'est là où se joue tout le drame de la pièce puisque Titus accepte de sacrifier son amour pour honorer sa qualité d'empereur. Celle-ci l'accepte et se retire donc mais les deux amants se séparent non sans un horrible détachement et des sentiments qui auraient bien pu les pousser à la mort, si ils n'avaient pas écouté la voix de la sagesse.

Quelle cruelle destinée que celle d'être obligé d'avoir à faire un choix et de devoir se séparer, contre son gré, de l'une des deux choses auxquelles vous tenez le plus dans ce monde d'ici-bas.
La pièce de Racine est très agréable à lire, les vers sont magnifiques et, il se peut que je me répète, mais, pour moi qui adore l'histoire romaine, j'ai été littéralement comblée.
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Jean Racine, pour moi, cela datait du collège. Pas comme Corneille, surtout pas comme Molière, fréquemment joué.

Et là, je suis tombée sur l'histoire de ce duel Corneille/Racine pour les beaux yeux de la princesse d'Angleterre.

J'ai relu Bérénice. C'est grandiose. La tragédie de Corneille est dépassée. Là où il n'y avait que contingences politiques, voici une analyse des passions humaines.

J'ai évidemment adoré le personnage d'Antiochus et ne comprends guère les critiques faites à ce personnage, essentiel à mes yeux pour ne pas tomber dans la romance.

Bref, une lecture salutaire. J'adore le théâtre dit "classique".
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Cette pièce est une merveille. Elle m'a emportée, je l'ai lu d'une traite, j'étais emportée par la poésie de Racine. A la dernière page j'étais sûre d'une seule chose, j'allais le relire et souvent ! Depuis c'est un de mes classiques, j'ai plaisir à me replonger dans ces pages juste pour quelques instants.
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Une grande simplicité d'action qui confine au dépouillement. Pièce sur le conflit entre amour et politique, la raison d'Etat, le devoir et la passion et l'amour difficilement compatible avec l'amitié.
Titus aime Bérénice qui l'aime. Mais Bérénice est reine de Palestine et Titus nouvel empereur de Rome. Or "l'hymen chez les Romains n'admet qu'une Romaine, Rome hait tous les rois et Bérénice est reine", "l'Empire incompatible avec votre hyménée". Titus hésite car "c'est peu d'être constant, il faut être barbare".
Pour compliquer la situation Antiochus est amoureux transi de Bérénice (qui n'éprouve pour lui que de l'amitié) et ami de Titus qu'il respecte. Pourtant, tout ne finit pas (trop) mal pour une tragédie racinienne.
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