L’inspecteur était populaire. Ce n’était pas une mince performance pour un homme aussi intelligent. Mais son histoire était à la fois glorieuse et pathétique : tous connaissaient sa fabuleuse carrière de joueur de basket universitaire, et beaucoup avaient assisté à sa chute. Un homme brisé au sens propre, cassé, qui avait pleuré de douleur devant des millions d’Américains pendant qu’on l’emmenait, pour toujours, du terrain. Un homme qu’on pouvait à la fois admirer et plaindre, donc aimer.
Il existe toutes sortes de courage, Jefferson. Pour certains, le courage, c’est ne pas reculer sous les balles. Pour certains, c’est plonger à mille mètres d’altitude. Pour certains, c’est prendre tous les jours des traitements lourds pour une maladie grave. Le courage, c’est parfois être capable de vivre avec son passé, élever seule ses enfants, tenir la main d’un mourant, ne pas avoir peur de son supérieur hiérarchique.
Ce connard n’avait que deux talents : il savait s’entourer de conseillers dotés du cerveau qui lui manquait – tout un aréopage de surdoués surdiplômés servait le benêt, trop contents de frôler le pouvoir à défaut de le posséder ; et il savait se rendre sympathique. Question de sourire, de poignée de main. Et puis les électeurs adorent les imbéciles : ça leur évite les complexes.
Au fond, les seules règles qui lui avaient paru acceptables, dans sa vie, c’étaient celles du football. De ce côté-là, il était presque rigide : rien ne l’agaçait plus que les joueurs qui commettaient une faute à un moment crucial et pénalisaient toute l’équipe.
C’était une sensation qu’il connaissait bien, cette paralysie, elle lui avait coûté bien des combats. La peur : un poison dans le sang qui, du cœur, monte au cerveau. Vous oblige à assister conscient à votre impuissance et à votre lâcheté.
Dialogues, 5 questions à Anne Rambach