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Moi qui ai redécouvert Ramuz et qui en suis au neuvième roman lu, je ne m'attendais pas à être encore émerveillé et surpris à ce point.

Celui-ci n'est pas un roman, c'est un long et merveilleux poème, et l'amoureux de poésie que je suis a reçu ce texte comme une sorte de cadeau.

Passage du poète, ça dit la beauté des vignobles étagés sur les rives du Léman, le travail pénible et joyeux de la vigne au rythme des saisons.
La rudesse de l'hiver, les pluies du printemps, la vigne qui pousse et que l'on entretient, le raisin qu'on soigne, les jeunes filles qui viennent aider aux vendanges à la fin de l'été.
Ça dit les beaux villages, le vin qu'on boit ensemble, les fêtes que l'on fait après les vendanges, les beaux discours pour honorer la vigne et le vin, la fraternité des hommes, l'amour entre les hommes et les femmes.
Les montagnes, le lac, les vignes, les forêts, le ciel et l'eau, la nature domptée ou indomptée, toujours magnifique.

Et puis il y a ce « poète » qui passe, le vannier Besson qui s'est arrêté au village pour y proposer ses panniers, et qui s'installe sur la place du village pour y tresser son osier.

Et tant d'autres choses, il faut prendre son temps pour savourer ce texte, son rythme, la musique de ses répétitions, la beauté des images.

Une merveille, vraiment.
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Ce qui est beau dans cette totale "refonte" opérée pour l'éditeur Horizons de France en 1929 à partir de la matrice du "Passage du Poète" [Georg & Cie, Genève, 1923] de C.F. Ramuz, c'est le polissage que le Vaudois prosateur (inventeur du "roman-poème") effectua à partir de l'un de ses textes les plus expérimentaux jusqu'à obtenir osmose complète entre ce lyrisme tranquille du quotidien le plus ordinaire et l'odeur de ce vin fraîchement tiré dans l'obscurité de la cave du vigneron : en s'aidant de cette langue que Ramuz forgea pour lui-même dès "Aline" en 1905. Une "langue-geste", sensorielle et picturale, épousant la forme des coteaux au-dessus "du" Léman, la profondeur azurée de ses cieux, les déplacements du vannier-nomade Besson "dont la hotte fait clair entre les vignes"... Les personnages les plus humbles et les plus misérables semblent sortir à l'instant du ciel... C'est beau et extraordinairement poétique. Ce beau travail de re-pressage du "Passage" de 1923 devenu "Fête des Vignerons" en 1929 valait bien la réédition de 1984 des Editions Séquences [réalisée sur la suggestion de l'association "Les Amis de Ramuz" - alors présidée par Jean-Louis PIERRE, qui en écrivit la postface ou "après-lecture"] que quelques chanceux pourront encore acquérir auprès de notre belle association tourangelle et 100 % "ramuzôlatre"... :-)
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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L'âme reverdie

Le poète est venu, le poète a passé, traînant la lumière derrière lui ainsi qu'une charrue ; la poussant au devant de lui de même qu'un boeuf qu'on conduit aux labours dessus la terre nue. C'est qu'il a bien fallu la domestiquer cette lumière sauvage, pour ensuite la rendre aux hommes, la leur donner comme un baiser fraternel, la leur remettre en mains propres ainsi qu'un cheval dompté. le “poète”, c'est Besson, le vannier, qui tresse avec l'osier des corbeilles rondes, un peu comme un qui recréerait le monde.

Alors Besson a passé dans ces contrées suisses où fleurit la vigne, auprès de ces vignerons qui chérissent la terre ainsi qu'une femme aimée et qui leur en fait voir : tantôt fertile ou inféconde. Besson passe au milieu d'eux ainsi qu'un vent d'ivresse ; et sa route croise celle de Bovard : celui qui redit le monde dans son éternel commencement et qui peut enfin libérer le trop-plein de son coeur parce que le poète a passé parmi eux comme un miracle auquel on ne croyait plus car on ne le savait pas possible en vérité. Il y a des hommes et des femmes qui habitent auprès de ces vignobles suspendus et qui tous sont voués à faire vivre la terre dont ils vivent. Et c'est Mathilde et tous les autres ensemble, comme un seul bloc, comme une seule chair.

Besson, qui n'est pas vigneron, apporte pourtant dans son sillage le vin jaune de la lumière qu'on boit jusqu'à plus soif parce qu'on a la gorge sèche et parce qu'il faut bien se laver le dedans – qui est l'âme –, ainsi qu'on lave le dehors – qui est le corps. Et ça ruisselle dans chaque poitrine et ça rajeunit tout. En passant, le poète a libéré les mots : et la parole est sortie de chacun, comme le fruit tombant de l'arbre à maturité le déleste de son poids, et permet ainsi l'infinie continuation des cycles ancestraux.
Alors Bovard a dit que tout ce que l'homme “fait” pour accroître la floraison de la terre qui lui a été donnée, tout ce qu'il accomplit à la sueur de son corps afin que chaque chose se perpétue, “c'est ça qui est beau” – et véritablement, c'est oeuvre de poète.

Quand Besson est arrivé d'on ne sait où, soudain tout a refleuri. Et chaque bouche a remué sa langue pour réveiller les liturgies endormies et célébrer la présence de tout ce qui est au monde. Les choses et les êtres se sont réaccordés : lac et ciel confondus, terre et chair réunies. Enfin l'âme a fait bondir sa joie hors des poitrines qui ne demandaient qu'à s'ouvrir : cette joie qui était cachée dans le lent et inexorable pourrissement des feuilles mortes ; cette allégresse qui se dévoile enfin car tout reverdit et parce que la beauté est sur la terre comme l'eau fraîche d'une fontaine que le soleil enlumine de son or.

Besson a passé, Besson est reparti. Et la nuit s'est refermée derrière le poète en partance nouvelle vers d'autres hommes à qui redonner la parole. La nuit n'a pas disparu et qu'importe : chacun a fait peau neuve, tous se sont baignés au franc goulot du soleil quand sa pluie d'or a tombé. C'est comme du pain blond que tous ont mangé, avec le rire des blés dans la bouche enfin exaucé. Car tout recommence ce qui a fini et rien ne meurt jamais. Et quand le poète est parti, la nuit l'a suivi comme un chien noir et fidèle. Mais la nuit nichée en chacun ne fait plus peur depuis qu'on a fait connaissance avec le jour.

Le lecteur est une terre qui attend d'être ensemencée par la grâce du Verbe créateur, par la parole du “poète” qui ressuscite tout ce qui semblait être mort. Chez Ramuz, les mots c'est du miel qui sort tout liquide de la ruche blanche du papier. Et ça vous colle aux doigts et aux yeux et impossible de s'en défaire quand bien même on le voudrait. Ça vous décloue les paupières pour que vous puissiez mieux voir avec les yeux de l'esprit. Ça vous enfante littéralement et ça vous fait renaître : voilà ce que c'est que "Passage du poète". « En poète, l'homme habite sur cette terre », Hölderlin l'avait bien pressenti. Et, plus que jamais, le poète est là pour dire bien haut ce que d'autres voudraient taire.

© Thibault Marconnet
01/10/2014
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"(...) et montée de la vie, parce qu'un poète est venu, et il écrit autour de lui son livre ; il fait partir la cloche dans le ciel, il met en mouvement sur la terre les hommes, après qu'il les a posés là et autour d'eux le pays."

Un vannier, s'installe pour quelques mois au bord du Léman dans un village du vignoble de Lavaux : des plantations en terrasse, entre ciel et eau, une population aux moeurs agrestes, une vie scandée par le respect de l'ouvrage et par les aléas des saisons... Les Travaux et les Jours.

Besson -patronyme translucide du vannier, cet alter ego du romancier- arrive à la sortie de l'hiver, repart à la fin de l'été et tresse ses tiges d'osier cependant que Ramuz esquisse sa pastorale. Entre Hésiode et Virgile, le rhapsode suisse métamorphose chaque villageois en poète : le fossoyeur est un ange psychopompe, le malheureux Gilliéron fait chanter l'âme du vin, l'innocent Congo balbutie des oracles, la blanche Mathilde s'habille de fantaisie et de désir et le sage Bovard psalmodie l'amour sacré de sa terre et l'immutabilité des traditions.

Parlant d'Elstir, son peintre, Proust écrivait «Ses peintures étaient donc des sortes de métaphores mais de ces métaphores qui expriment l'essence de l'impression qu'une chose produit, essence qui reste impénétrable pour nous tant que le génie ne nous l'a pas dévoilée.» Il en est de même de ce psautier bucolique dans lequel Besson, porteur et intercesseur pour l'écrivain de la mystique artistique qui fonde son art, arpente un paysage réinventé où plans et temps se confondent et se chevauchent, où l'horizon se redresse tandis que les couleurs s'amalgament, où terre et lac se mélangent. D'un rien (une silhouette, un nuage, un reflet, un murmure, la dissonance d'une phrase...) Ramuz, modeste démiurge, fait naître la beauté.

Ce chant "plein de lumière et de fraternité", hymne révérencieux au labeur des hommes, est une oasis de quiétude, intemporelle et fragile à la fois.

"Un grain précieux jeté par l'éternel Semeur" qu'est Ramuz.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Quel livre ennuyeux pour ceux qui ne goutent pas la musique des mots.
Quel vaine trouvaille pour ceux qui recherchent plus l'avoir que l'être.
Je me délecte de chaque phrase ou presque.
Je savoure lentement humant l'arôme des images, examinant la couleur des pages à contre-jour, buvant les phrases à petites gorgées, et laissant revenir longtemps cet arrière gout de ces humanités partagées.
Le Poète est un photographe, son passage révèle le pays , éveille ses habitants, rend la lumière à tous.
Il y a quelques personnages, mais surtout l'emploi du pronom indéfini qui rend le récit si universel.
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Et la poésie Ramuzienne , si elle ne fait que passer , c'est un hymne à la vie , un chant qui prend sa source dans les racines de la terre et s'élève au plus haut des cieux ...Sans apparats , dans quelques moments de suspension du racloir où la conscience soudain s'éclaircit, comme un ciel lavé par un orage d'été , pur , lumineux et offert dans son rayonnement ...qu'on dirait presque surnaturel , vous savez , vous ressentez , et puis vous oubliez .
C'est dans les mains d'un vannier ambulant , homme de tous les temps et de tous les cieux , de passage le temps de la belle saison , sur ces terres en terrasse ,ces terrasses , écritures laborieuses de l'homme pour gagner son pain à la sueur de son front comme on dit si bien nous les chrétiens , c'est dans les mains artistes , dansantes sur les tiges souples de l'osier jaune , rouge et tout vivant , que la poésie ouvre l'écluse , et laisse déverser les pensées retenues , empêchées , rougissantes peut-être , ou juste parce qu'elles n'ont pas appris à éclore .
Alors oui l'homme du vent , souple et libre , venu de nulle part , ou de partout , éveille l'homme du tertre à sa condition , à sa liberté , à son inscription spatio-temporelle , à sa dignité et à un rêve fugitif d'ailleurs pour mieux sentir la terre sous ses pieds , à son identité , son unité au sein de son collectif sans lequel il n'est rien .
Ramuz et son parlé , son phrasé unique , rauque , du dedans des gens qui voient avec les yeux de l'agir , et nourris dans l'âme par la lecture de l'espace immense qui s'offre le temps d'une pause, entre deux coups de pioche , avec le haut et le bas , montagnes et lacs embrassés quelquefois dans une vibration allégorique surgie du fond des âges , trêve à peine ressentie mais renforçant l'homme du labeur , Ramuz l'inclassable , il est bon de le lire dans les mots propulsés , jaillis , poésie des sources vives , sonore , exultante comme une saignée médicinale , et on reprend tranquillement le petit chemin qui sent la violette ou le soufre , régénéré , oublieux à nouveau , parce que le labeur envahit , sainement . Ainsi va la vie . Chez Ramuz .
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Avec le poète surgit la lumière ; un livre tout simplement lumineux !
Lien : http://laperluete.blogspot.c..
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Voilà un livre plein de poésie , c'est juste l'histoire d'un vannier qui raconte ce qu'il voit , la vie des gens simples et heureux , les viticulteurs dans les vignes au bord du lac ...
La poésie est dans chaque ligne et ça peut ne pas plaire à tous , les descriptions , les couleurs , les choses simples de la vie . C'est beau , c'est comme un petit chemin que l'on parcourt en rêvassant.
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Passage du poète.- CF Ramuz

C'est, le temps d'une saison agricole, un vannier qui s'installe au village, témoin, scrutateur, confident, ami. Son oeil autre donne comme du sel à ce village vigneron accroché aux pentes de la montagne, en surplomb du lac. Au fil des siècles, les hommes ont construit des murs et des terrasses, pour permettre cette culture exigeante, à laquelle ils se livrent corps et âme.

Ramuz, suivant le rythme de la vigne et des mini-événements qui font la vie du village, compagnon des hommes et des femmes, avance à pas joliment pesants, solides, déterminés. Sa poésie interne, lourde du temps, du geste, du paysage et de la pensée, donne vie à ces hommes voués à une seule tâche, avec l'intuition qu'un autre monde est possible (et va sans doute l'emporter). Mais la conviction est là que le travail, la tradition, le geste répété de jour en jour et d'année en année leur confère, malgré la peine, une noblesse simple mais inégalée. le choix n'est pas réellement là, d'ailleurs:

"Parce qu'il nous a été dit dans les commencements du temps : « vous travaillerez… »",

"Et c'est comme ça que ça va".

Mais cette absence de choix qui ancre dans le monde et le paysage, est une assez belle façon d'écrire sa vie.

C'est beau, par moments à la limite de l'hermétique, souvent fluide comme un homme qui avance sur le chemin.
Beau comme du Ramuz, en somme.
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Je commence juste ce livre et je suis déjà sous le charme de ses écrits champêtres. Ramuz décrit à merveille les coteaux du Léman d'une époque révolue où le temps ne semblait pas avoir de prise. J'imagine que sur les bords du lac d'Annecy , les paysans-vignerons ne vivaient pas autrement.
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