Dits des enfances
Extrait 2
Dehors , la foudre transfigurait le sang.
Toutes fourrures étaient vertes sous la neige lisible
à l'enfance
et les femmes, avant la mort,
touchaient de l'épaule les cristaux,
la mousse pure des menhirs.
Il n'y avait pas d'absence.
Nul ne sait quelle fut la parole.
Mais jusqu'à l'aube,
comme un rouge-gorge dans les branches nues,
l'indéchiffrable transparence
fascinera la nuit des îles.
NOIR — MAIS POUR INITIER
7
Sous le sable, où méditent ses nids, flairer la source
hallucine !
pourtant, les buissons d’algues, le corail que l’oursin
célèbre
citent l’énigme à comparaître,
et risque pris, désir dressé vers le silence,
épient le feu,
guettent l’écho de la fenêtre qui rendrait possible
l’impossible !
8
Si le mythe luit à marée basse,
— n’est pur instant
que par déplis et plis de soi
ce qui renaît avant de naître.
Le vide
s’emplit de salive.
Et mangeant la mort, comme l’étrille, une joie s’ap-
proche sur les galets…
9
Seul le mystère
fonde l’être.
p.34-35
NOIR — MAIS POUR INITIER
Strate 3
1
Les escaliers sont vides et pourtant m'empêchent
de passer.
Qui résiste, absent, sur leurs marches ?
Aux fenêtres, les volets fermés m'hypnotisent.
Mais le nom ne nomme pas le nom.
Est-ce par soi rebelle à soi que même la source reste
opaque ?
À moins qu'évidente par l'énigme (ou cette dispa-
rition d'arbres dans l'angle) — se trace la transparence…
Toute chute aiguise.
Ce presque là (quoique le feu, sous l'éclatement des
racines, s'éloigne aussi)
entaillera-t-il assez mes os
(comme à Montréal, début mars, les premiers laits
bleus dans la neige)
pour que plus bas que l'anonyme s'effectue l'incan-
tation de PERSONNE
et qu'aussitôt, juste au rien pur, naisse une présence ?
p.38-39
Strate 2
3
Je guette entre les jours le jeu qui les déjoue :
le rire d'où naîtrait oui dans non…
Mais nulle phrase ne franchit la faille,
n'obtient mieux que longer l'énigme,
luire sur le seuil
— comme pelures de pêches rouges.
Ruser échoue :
qui n'interroge ni ne répond,
dévie vers l'ombre l'appel muet,
l'inaudible écho de la voix gardienne du mystère de
vivre.
Les pouvoirs
sont derrière la fable,
— dans la profonde fête animale
où patiente le vrai corps.
p.23-24
Aucun corps n'est pareil.
Et pourtant chaque exil à chaque exil s'articule
dans les défis du labyrinthe.
S'ils s'annulaient
il n'y aurait plus que la mort.
p.83-84
FIGURE DE L'AIRE ROUGE/Carnet 3