New York, Brooklyn, quartier est. Andrew Giobberti y exerce le travail d'assistant du procureur. En gros : avec l'aide des flics, il enquête sur des affaires criminelles, et quand il juge son dossier suffisamment complet, il le transmet au procureur en titre. Ce jour-là, Gio se trouve devant un cercueil. Et plus précisément, devant le corps d'une gamine de 16 ans, tuée avec son bébé de 3 mois. La mère et la soeur désignent toutes deux un seul coupable : LL, Lamar Lamb, petit copain de la victime. Et comme tous les indices pointent en direction de celui-ci, Gio n'a aucune peine à considérer l'affaire comme classée. D'autant qu'il ne s'intéresse à cette affaire que contraint et forcé. Ce boulot, qui auparavant le passionnait, le laisse à présent indifférent et peu lui importe de faire enfermer un innocent. Son cerveau, son corps tout entier sont emplis de chagrin et de culpabilité depuis la mort de sa fille de 5 ans. Cette absence l'obsède, sans cesse il remonte le fil des évènements qui ont conduit à la tragédie. L'accident. Les dernières paroles de sa fille. Cette foutue ceinture de sécurité qu'il n'avait pas pris le temps de lui fixer. Et son visage qui déjà s'efface de ses souvenirs fragilisés par l'alcool. Et ce ne sont pas les quelques misérables histoires de cul qu'il a pu vivre depuis que sa femme l'a quitté qui peuvent lui remonter le moral. Au contraire. Parmi ses dernières conquêtes figure pourtant Stacey, son assistante. Cette dernière se rappelle du Giobberti d'avant, celui qui n'aurait jamais laissé enfermer un innocent. Et elle compte bien le réveiller.
Premier roman d'un jeune procureur de Brooklyn, ‘
Point mort' surprend et laisse une empreinte vivace dans l'esprit de son lecteur. Il surprend par sa maturité, tant dans la forme que dans le fond. L'intrigue, complexe mais d'une lisibilité extrême, vous happe au bout de deux ou trois chapitres. Anti-héros par excellence, Giobberti se présente comme faible, indolent, alcoolique et sans respect pour la seule femme qui, malgré tout, croit encore en lui. Et pourtant, ce paumé, ce looser, on s'y attache. Grâce au style tantôt lyrique et désabusé, tantôt empreint d'humanité et de compassion de Reuland, on finit par trouver des circonstances atténuantes à ce pauvre Gio et on se dit qu'il va bien finir par se reprendre. Mais l'assistant du procureur n'est pas le seul personnage de ce roman, et tous sans exception se révèlent aussi crédibles que lui, du trafiquant au flic vicelard, en passant par le procureur en chef. Tous, imparfaits, lâches ou quelquefois courageux, cupides ou généreux se débattent dans cette partie de New York gangrenée par la drogue et la violence. Ce qui les pousse à continuer ? Reuland répond via Giobberti : ‘En dépit de nos carences, nous nous efforçons d'être heureux. Nous échouons, mais ce n'est guère surprenant. Pas plus que cela ne nous empêche de chercher des moments d'apaisement.' La lecture de ce roman en fut un pour moi en tous cas, de moment d'apaisement. Au point d'en relire certains passages au moment d'écrire cette recension et d'espérer que les éditions Rivages veillent à ce que les prochaines enquêtes de Giobberti parviennent jusqu'à nous.