Fondus au noir
extrait 5
un cri gelé dans le nul
du ciel irréparable, quelques mots
qu’aucun souffle ne porte ni
brise n’emporte – adieu Botticelli
et les parfums de Flore, les arabesques
et l’encens de la chair et l’innocence,
disait-on, la faconde des continents
déroulés pour nos pas jusqu’au rivage,
à la morsure de l’autre et même
océan, à un extrême de ce monde
où le sang est partout et l’homme
nulle part sinon dans sa rage
blanche et ses quelques mots où rien
ne passe ...
Nord Nord-Ouest par Ouest
Extrait 4
de chardons à roseaux et de calcaire à tourbe
c’était changer de cimetière, pas plus,
n’était qu’ici les morts parlent la paix
et les roses sauvages, l’oubli et les jonchaies
ici ne s’entend plus
celui qui lamentait à Thèbes sous les murs
sa double vie sa double vue et sa mémoire
ou peut-être priait
cognant sa tête vieille à la ténèbre
et s’en allait à reculons vers l’enfin-disparaître
or le lac est si proche, est ciel à forme d’œuf,
rêve ses truites,
et le héron recoud les bords du miroir.
…
Fondus au noir
extrait 10
AUTRE JARDIN
au-delà est le sable où la voix
se décharne
où ce je de hasard prend lieu trouve
à redire remet en signes ce jour
d’aveuglante et vacante clarté,
somme des couleurs fondues, fantôme
d’un spectre, de ce qui fut perdu,
détourné par transactions occultes
hors la vue du noteur, mal armé
pour le dire autant qu’il y a cent ans.
je ne suis plus ma mort mais ce procès
en moi sans moi du temps qui se délite :
nul complot ne s’ourdit nul ne juge
ni ne suis condamné à gésir
et gémir mortifié dans la fange
les bras en croix : la chair est charitable
le peu qui reste et, consumée, le feu
demeure
Fondus au noir
extrait 15
MALADETTA, MAI DETTA
vous avez tout tenté même le diable,
peint sur le ciel précaire une muable
éternité (tel l’or froid au matin
des feuilles sèches qui prennent jour
et grâce trop tard, évoquent
à gestes vagues un au-delà
répétitif (vert bronze gluant puis
sec, grisé, bistre clair, vieil or froid...
avez tâché de reporter la suite
et fin du souffle à la traite
prochaine
observé le neutron zigzaguant
qui cogne dans le crâne
inutilement
questionné Yorick : la mort
est innombrable elle est
dans votre dos ne vous retournez pas
…
Des fins premières
ANTHROPOS
Extrait 2
Toute une histoire
Oh les splendeurs des corps polymorphes
(et pourquoi pas ?) roulant sur l’herbe des collines
enfin accordées à la chute dans le fracas
le fatras bienheureux de l’humain
e tanto mare alle spalle
serai sera le presque même, perplexe
et dérisoire persistance dans l’azur
habitera – le faudra bien – la fragile
connivence des rêves et des traques
plantera sur brûlis des buissons tenaces
des essences à souple chair où le vent
bûcheronne intermittent comme on rêve les femmes
passé midi dans les clairières avec
ce regard aigu ce bleuté de genièvre
la brûlante et dormeuse passion
de quoi savoir.
et çà ou là
un sapin pour conjurer l’oiseau noir
des charniers et temps venu
se rementer la juste mort à la fin des faims.