Ce beau livre collectif a été publié en 2008 à l'occasion du 50ème anniversaire du tournage du film «
Hiroshima mon amour » réalisé par
Alain Resnais. Pour écrire le scénario, Resnais avait pensé à
Françoise Sagan, qui n'a pas accepté, puis il a pensé à
Marguerite Duras et il ne s'est pas trompé car à eux deux ils vont faire un chef d'oeuvre.
Alain Resnais est parti au Japon en juillet 1958 afin de préparer le film et a été rejoint en août par Emmanuelle Riva et
Sylvette Baudrot, l'actrice du film et la scripte toutes deux françaises. L'acteur Okada Eiji est venu de Tokyo et les membres de l'équipe technique étaient originaires du Japon.
«
Tu n'as rien vu à Hiroshima » est un très beau titre qui reprend le texte de
Marguerite Duras et qui évoque l'image, ce qui est vu (ou pas). Et l'image est au coeur de l'ouvrage qui présente de très belles photos en noir et blanc prisent par Emmanuelle Riva, qui a eu un peu de temps pour se balader dans la ville et être témoin de sa renaissance, 13 ans après la bombe atomique. Sur les clichés, coexistent deux époques, celle de la ville en ruine et celle de la reconstruction. D'ailleurs cette ère nouvelle, on la retrouve au début du film : on voit une photo de mauvaises herbes, symbole représentant le miracle du retour à la vie à Hiroshima.
Aujourd'hui Emmanuelle Riva précise : « Je prenais ces photos aspirée par la nécessité d'avoir des images de tout ce que je vivais, voyais là-bas… J'étais prise entièrement par la vie de là-bas. Jamais je n'ai pensé que ça pourrait intéresser d'autres personnes, plus tard. Aujourd'hui, je suis très surprise, grâce à vous. Jamais je n'aurai pensé qu'il y aurait ce désir aujourd'hui de voir les photos de cette vie d'après la bombe, à Hiroshima. »
Mais ce livre n'est pas qu'un livre de photos :
Dominique Noguez présente la genèse du film « Jeunesse d'Hiroshima », on y trouve aussi la correspondance d'
Alain Resnais avec
Marguerite Duras durant la période où il a préparé le film au Japon (d'ailleurs la scénariste n'ira pas mais restera en contact permanant avec le réalisateur), un entretien avec Emmanuelle Riva, une présentation du travail de
Sylvette Baudrot, « une scripte d'exception » par
Marie-Christine de Navacelle et un texte très intéressant de
Chihiro Minato « le don du regard ».
Ce livre est un incontournable pour moi, durassienne dans l'âme. Car «
Hiroshima mon amour est une histoire d'amour, une fiction écrite comme telle. Mais c'est aussi un document précis sur le moment où, après les ravages de la guerre, alors que la reconstruction est en voie d'achèvement, une ville se transforme à travers un nouveau plan de développement urbain en accord avec la forte croissance économique que connait le pays. » Et c'est bien la superposition du réel et de la mémoire qui est à l'écran du film et de ce livre.