La petite menteuse, ouais tu parles, la petite salope tu veux dire !
Ben oui, tu sais, Lisa Charvet, celle en troisième avec les gros seins…
Tu veux voir la vidéo ? Elle fait des trucs à tous ceux qui lui demandent.
Conversation ordinaire des garçons du collège dans lequel Lisa va mal.
D'ailleurs, elle va tellement mal Lisa, que sa prof préférée, Mme Valette, a remarqué depuis plusieurs semaines que quelque chose clochait. Alors, le jour où sa meilleure copine Marion vient la voir en salle des profs pour lui répéter les confidences de Lisa, Mme Valette convoque Lisa pour comprendre la raison de ce mal-être.
Lisa se confie, on lui a fait du mal, on l'a blessée, elle est victime… Enfin Lisa est écoutée, plainte par les autres, elle se sent exister, considérée. Sa meilleure amie, ses parents, ses profs, tous vont s'inquiéter pour elle, prendre soin d'elle. Alors quand sa mère lâche le nom de Marco Lange comme suspect potentiel, Lisa n'a pas la force de dire non. le piège se referme pour Marco Lange, ce looser entre deux âges, au regard torve, libidineux, qui n'a que l'alcool pour ami. Dans le procès, sa parole et celle de Lisa s'affrontent. Bien que victime d'une erreur judiciaire, personne ne va lui tendre la main à Marco Lange. Puisque Lisa semble une victime idéale, Marco Lange sera le coupable idéal également.
Mais le temps passe, et le poids de la culpabilité pèse de plus en plus sur les épaules de la jeune femme, car Marco Lange croupit depuis plusieurs années en prison pour un crime qu'il n'a pas commis.
Avec courage, Lisa décide de s'en remettre à une avocate, Alice Keridreux pour qu'elle l'accompagne dans le rétablissement de la vérité face à la justice.
Le livre est court, percutant, lu très rapidement. le lecteur s'attache à Lisa comme le fait son avocate, incrédule face à cette jeune femme parfois si sûre d'elle et en même temps si fragile. Elle revisite la dureté des années collège, le nouveau regard des autres sur les corps des jeunes filles qui se transforment.
Un questionnement intéressant, qui dérange aussi dans le temps post me-too. Qu'est-ce qu'elle vient tout remettre en cause celle-là, à avouer qu'elle a menti ? On préférerait presque qu'elle se taise pour ne pas douter de la parole de toutes les autres quand elles arrivent à dénoncer les harcèlements, les agressions qu'elles subissent en silence depuis tant d'années…
Un livre qui reflète bien les ambiguïtés de la société et la sacro-sainte présomption d'innocence, qui nous dérange et nous confronte à nos idées reçues. Oui une personne peut mentir pour plein de bonnes et mauvaises raisons et envoyer un innocent en prison. Quand bien même cet homme au regard bizarre est un sale type, à l'alcool mauvais, vulgaire, repoussant, antipathique, rien ne peut justifier une incarcération pour des faits qu'il n'a pas commis.
Et nous, qu'aurions-nous pensé à la place des jurés ? aurions-nous condamné également Marco Lange avec la satisfaction d'être allés dans le sens de l'Histoire, d'avoir libéré les femmes de l'emprise masculine ? Probablement. de vraies questions sont posées ici par l'autrice, sur quoi fonder une conviction de culpabilité quand il n'y a pas de preuves ? quand c'est la parole de l'un contre celle de l'autre ? quand les apparences sont trompeuses ? Faut-il accorder le bénéfice du doute ? Prendre le risque d'envoyer un innocent ou prison ou celui de laisser un pervers en liberté faire d'autres victimes ? Un livre qui interroge, dérange, bouscule nos idées reçues et petites certitudes. Avec beaucoup de subtilité l'autrice nous place dans la peau de ces jurés qui se sont trompés, car comme eux, on a envie de protéger la jeune fille fragile en face de nous et envoyer en taule le type bas de plafond et aigri vis-à-vis des femmes, alors même que l'on connaît la troublante vérité. Accusée, levez-vous.