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sur 1564 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 35 °°°

Le titre ne laisse place à aucune ambiguïté. Lisa a menti lorsqu'elle a affirmé qu'elle avait été violée à quinze ans par Marco Lange, un ouvrier du bâtiment, lourdement condamné. le procès en appel doit avoir lieu, Lisa avoue tout à sa nouvelle avocate. Pascale Robert-Diard déplace donc les enjeux du suspense sur un autre terrain que celui de la culpabilité ou pas de Marco Lange qui a écopé d'une peine de prison de dix ans en première instance et croupit en prison  : pourquoi Lisa a-t-elle menti quatre ans auparavant ? Pourquoi a-t-elle accusé de viol un homme innocent ?

D'une plume alerte, fluide et concise, sans effet de manche ni fioriture stylistique, l'auteure, chroniqueuse judiciaire au Monde, ausculte brillamment les tréfonds de la nature humaine à travers les différents personnages : Lisa, les témoins ( amis et professeurs ), les parents, les jurés. le roman se lit comme un thriller psychologique qui tient en haleine. Même si on est effaré par le mensonge de Lisa et ses terribles conséquences, on veut comprendre. Progressivement apparaissent les faits qui ont conduit à ce fiasco judiciaire ou comment une jeune fille s'est retrouvé piégée dans un engrenage qui la dépasse.

Le récit avance sur les pas de l'avocate Alice Kéridieux, consciente que vérité et morale ne font pas toujours bon ménage. le lecteur partage son trouble et son malaise face à l'affaire. Ses interrogations, ses tâtonnements, ses vacillements sont les nôtres, ses contradictions aussi : la sourde crainte de l'épreuve qui attend Lisa qui a le courage de s'arracher à son rôle de victime ; le désir de la protéger de la tempête qui va s'abattre sur elle ; l'exaltation de réparer une erreur judiciaire qui a brisé un innocent. Mais aussi l'envie de la faire taire car Lisa dérange à l'ère post MeToo, alors que les femmes prennent de plus en plus la parole pour dénoncer les agressions sexuelles subies. Certains auraient préféré qu'elle se taise car son mensonge porte atteinte à la parole sacrée de la victime de crimes sexuels.

Au-delà de ces aspects très actuels, j'ai particulièrement apprécié l'acuité avec laquelle Pascale Robert-Diard radioscopie l'adolescence, sa laideur et sa violence telle qu'elle est vécue par certains. La déroutante Lisa a menti et avant elle a beaucoup souffert, elle la fille qui a eu des seins plus tôt que les autres, plus gros que les autres. le regard perfide des autres collégiens qui jugent et assènent, lui collant l'étiquette de la « petite salope du collège ».

Surtout, le roman initie une véritable réflexion sur la parole de la victime et son écoute. La vérité n'est jamais celle que l'on imagine et il est parfois bénéfique de remettre en question notre intime conviction.  Pascale Robert-Diard a le courage de sortir des sentiers battus en ne choisissant pas de présenter une victime « classique » qui aurait dit toute la vérité d'emblée sur l'identité de son agresseur, qui aurait été bien entendue et comprise par l'entourage familial, scolaire, policier et judiciaire. J'ai aimé cette prise de risque politiquement incorrecte qui ne plaira sans doute pas à tous les lecteurs mais permet d'apporter de la densité et de la complexité au récit, loin de tout manichéisme moralisateur. Forcément, c'est déstabilisant de voir nos certitudes et réflexes remis interrogés et c'est tant mieux.

Un roman passionnant et intelligent qui force à réfléchir, creusant avec finesse les ambivalences humaines, plongeant dans la psyché des personnages autant que dans une époque donnée. Peut-être aurais-je préféré que le personnage de Lisa conserve son opacité, comme celui de Lise dans La Jeune fille au bracelet ( excellent film de Stéphane Demoustier ) auquel j'ai pensé tout au long de ma lecture.

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Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde depuis vingt ans, a eu le courage d'écrire un livre qui va à contre-courant de tout ce qui enflamme l'actualité depuis longtemps : La petite menteuse.
Avec une écriture simple et efficace, Pascale Robert-Diard m'emmène sur les pas d'Alice Keridreux, avocate déjà expérimentée. Elle a dû se faire une place dans un métier où les hommes avaient la part belle depuis toujours.
Dans ce livre, je vais suivre cette avocate, découvrir ses sentiments, partager ses réflexions, approuver ses observations sur un monde judiciaire qui doit statuer entre deux mots terribles : victime ou coupable et, éventuellement… innocent (voir le fiasco judiciaire d'Outreau).
C'est quand elle reçoit Lisa Charvet, jeune femme de vingt ans, que s'enclenche ce roman. Cette Lisa a accusé un homme de viol et elle lui demande d'emblée de la défendre pour le procès en appel qui approche : « Je veux être défendue par une femme. »
Au début, Alice n'est pas décidée à s'impliquer car elle n'est pas spécialiste des victimes. En effet, Lisa a fait condamner Marco Lange, un plâtrier, qu'elle accuse de viol alors qu'elle avait quinze ans. Cet homme a toujours tout nié, a toujours clamé son innocence mais sans jamais être entendu.
L'histoire des deux protagonistes se déroule alors avec, pour chacun, problème familiaux, détails de personnalité et peu ou pas d'éléments positifs. Après quarante-huit heures de garde à vue, Marco Lange a été mis en détention car des témoignages orientés, un procès-verbal de gendarmerie, sans autre option que la culpabilité, ont vite réglé son sort.
On oublie vite cet homme qui tente de survivre derrière les barreaux malgré son statut terrible de « pointeur » qui met sa sécurité en jeu à chaque instant vis-à-vis des autres personnes détenues, pour détailler l'adolescence de Lisa et ses rapports avec ses parents.
À quinze ans, Lisa attire les regards des garçons et certains n'hésitent pas à aller plus loin, à profiter de son mal-être, de son désir de reconnaissance pour abuser d'elle. D'ailleurs, c'est elle qui devient « la salope du collège ». C'est là que deux jeunes professeurs l'ayant prise en pitié n'ont pas hésité à la convoquer en salle des profs pour, dépassant leur rôle, jouer aux enquêteurs. Marion, une amie de Lisa, les avait alertés car, celle-ci, pour resserrer un peu plus leurs liens, lui avait raconté son histoire de viol.
Tout bascule donc lorsque Lisa avoue son mensonge à Alice. L'avocate est profondément choquée car, si Lisa dit vrai maintenant, un homme, innocent, est en prison depuis plus de trois ans !
Alors, Pascale Robert-Diard me conduit doucement jusqu'à la plaidoirie de l'avocate. C'est un chemin difficile, avec de nombreux obstacles dus particulièrement à la complexité du parcours judiciaire. Ces femmes et ces hommes censés juger leurs semblables ont une vie, des soucis, des ennuis, un vécu et il ne faudrait jamais faire abstraction de cela. D'ailleurs, l'autrice consacre quelques pages fort instructives à propos des jurés tirés au sort et sur l'attitude de la présidente de la cour d'assises.
La conduite de chaque protagoniste du procès joue un rôle très important et Pascale Robert-Diard note avec beaucoup d'à-propos les réactions, les comportements, s'attachant surtout aux témoins qui viennent et dont certains reviennent après le coup de théâtre que le titre du roman laisse présager.
Enfin, je ne dois pas oublier le rôle important de la presse, des médias qui ont vite réglé le sort d'une personne mise en cause, que cela lui soit favorable ou non. Seul l'avocat général est un peu délaissé vu la configuration des événements mais sa volonté d'accabler un ou une accusé(e), innocent(e) ou non, est souvent révoltante.
Pour équilibrer une tendance constatée depuis une trentaine d'années, il faut lire La petite menteuse. Ce n'est pas parce qu'un nombre incalculable d'agresseurs est resté impuni depuis que l'espèce humaine existe, qu'il faut faire payer la note aujourd'hui aux innocents injustement accusés et condamnés sans la moindre preuve. Pascale Robert-Diard, courageusement, le démontre admirablement dans La petite menteuse.

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Roman saisissant sur les rouages de la justice et les dommages collatéraux d'une adolescente en berne.

Alice Keridreux, avocate est contactée par Lisa Charvet, vingt ans qui souhaite changer d'avocat - une femme la comprendrait certainement bien mieux suite au procès en appel de Marco Lange, ouvrier accusé de viol par Lisa.

Le titre, peut-être trop implicite, donne le ton d'entrée de jeu. Lisa est la petite menteuse. Mais pourquoi à quinze ans avoir menti et envoyé en taule un innocent ?

Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire connaît bien son sujet, son écriture est précise et parvient à maintenir le lecteur en haleine.

A travers cette histoire, l'auteure dissèque toute une problématique, celle d'adolescentes qui grandissent trop vite. Elles ne sont encore que des gamines que leur corps se développe et réveille les hormones mâles. Avec ses seins proéminents, la petite menteuse sera avant toute cette sordide affaire, la petite salope. Celle qui ne sait pas dire non par peur de ne pas être aimée. On sait combien l'adolescence est une étape charnière et combien difficile où critiques et rejet sont monnaie courante.

Toutes les questions que suscite ce roman rendent la lecture prenante et interpellante. le travail de la défense est tout à fait pertinent. Ce n'est pas un livre gorgé d'émotions mais un livre qui crisse sous toutes les bassesses de notre bas monde.
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Une chose qui ne m'arrive pas souvent, quand tu finis un livre, en ne sachant pas si tu l'aimes ou pas. Un livre qui me laisse dans le questionnement , est ce le but de l'auteure. Ce roman est hors norme, inclassable pour moi. La couverture est magnifique, ces yeux tristes, ces yeux de repentis. Pourquoi ce mensonge, le titre est vraiment le reflet de l'histoire. L'auteure se lance dans un sujet difficile, celui du viol. Une jeune fille témoigne, et son violeur est de suite incarcéré, condamné à une peine de 10ans,il a toujours revendiquer son innocence. le dossier est réouvert, nouvelle audience, la peur de Lisa de se retrouver face à lui. Elle décide de changer d'avocat et choisit Alice pour la défendre. Cette dernière veut comprendre, connaitre l'histoire de la jeune fille. Les masques tombent, et la réalité est dévoilée, et nous laisse, totalement béa. A partir de ce moment , j'ai ressenti de la haine de la colère, et de la pitié pour Lisa.

Une jeune fille qui n'a pas eu une enfance facile, le divorce de ses parents, la fille facile du collège, des formes physiques développées, une vidéo est diffusée,et tout part en vrille.

Jusqu'où est elle capable d'agir pour se décréditer, pour assouvir sa soif de vengeance? Une jeune fille qui se remet en question, elle a besoin d'évacuer tout ce qu'elle a coeur?

Nous ressentons que l'auteure use d'un langage puissant , une maitrise du sujet, nous sommes plus dans une réalité que dans une fiction. L'auteure met le côté lugubre et malsain de l'histoire.

La psychologie des personnages est travaillée en profondeur, nous permettant de mieux cerner les personnages, principalement celui de Lisa. le rythme va crescendo au fur et à mesure de la lecture.

L'auteure tient en haleine ses lecteurs, le final me laisse perplexe. L'écriture est fluide, et envoutante. la lecture est percutante ,addictive. Un livre court dévoilant une intrigue surprenante et un suspens haletant.

A vous de découvrir la vie de Lisa, entre mensonge, manipulation, regret, thèmes qui reflètent le contenu du livre.

"La petite menteuse". Un roman que je recommande
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Quand l'avocate Alice Keridreux, la cinquantaine, reçoit à son cabinet Lisa Charvet et lui demande « Dites-moi ce qui vous amène », Lisa répond « je voudrais être défendue par une femme ».
La jeune femme âgée d'à peine 20 ans a été victime d'un viol cinq ans plus tôt. Au procès, l'accusé avait pris dix ans et avait fait appel. le nouveau procès doit se tenir dans quatre mois.
Devenue étudiante en horticulture, Lisa souhaite donc que ce soit Alice qui la représente cette fois.
L'avocate va alors récupérer et prendre connaissance du dossier.
Un face-à-face commence et Lisa va finir par avouer à Alice qu'elle a menti « pour se sortir de toute la merde dans laquelle elle était », piégée un peu aussi par les adultes. Si elle est venue voir l'avocate, c'est pour être entendue et aidée, aidée à déposer cet immense fardeau qu'elle a endossé en mentant.
L'avocate va au fil des entrevues avec Lisa comprendre les raisons qui ont été à l'origine de ce mensonge qui a conduit un innocent en prison et comment prise dans un engrenage, Lisa, cette enfant de quinze ans au moment des faits s'est enlisée dans ses déclarations, et n'a pas su s'en dégager.
Avec ce roman La petite menteuse, Pascale Robert-Diard, romancière et chroniqueuse judiciaire au Monde depuis vingt ans, touche à un problème quasiment tabou à l'ère de MeToo, celui du doute de la parole féminine en posant cette question : Doit-on croire sur parole une femme plaignante sans faire un véritable travail d'enquête ?
Elle évoque également la difficulté à défendre une personne qui a menti, tout en mettant en exergue ce que peut être la fragilité de l'adolescence.
L'auteure nous offre des portraits psychologiques absolument saisissants : en tout premier lieu celui de cette avocate dont on suit pas à pas les atermoiements, mais aussi celui de Lisa, cette adolescente de 15 ans dépassée par ce qui lui arrive, puis porteuse d'un secret jusqu'à ce procès en appel. Les personnages secondaires sont brossés avec tout autant de talent, que ce soient les garçons du collège, les professeurs, le principal ou encore celui qui, malgré toutes ses dénégations a été jugé coupable, sans preuves, sur de seules affirmations.
Pascale Robert-Diard mentionne d'ailleurs les erreurs judiciaires qui ont déjà eu lieu, comme celle d'Outreau, sans cependant la nommer, faisant dire à l'un des accusés l'impuissance à prouver son innocence quand on est accusé de viol par un mineur. Elle montre combien il est important de ne pas se fier seulement à ses convictions et à ses certitudes et qu'il faut avant tout écouter, vérifier, ne pas se fier qu'aux apparences, qu'un travail d'enquête sérieusement mené et non basé sur une intime conviction est une absolue nécessité.
À lire ce roman basé sur la grande expérience de cette chroniqueuse judiciaire qu'est Pascale Robert-Diard, on peut aisément en déduire que certains n'ont pas eu la chance de Marco et ont pu faire les frais de décisions hâtives, incapables de faire admettre leur innocence. Il faut reconnaître également dans cette fiction le courage étonnant et la grande force dont a dû faire preuve Lisa pour revenir sur ses affirmations, s'exposant à être attaquée, jugée et condamnée et bien entendu la grande valeur de cette avocate qui a osé mettre en péril sa carrière en défendant une victime qui a menti.
Tenue en haleine du début à la fin, j'ai lu La petite menteuse quasiment en apnée tant ce roman est poignant et captivant par toutes les questions qu'il soulève. La sobriété, la justesse de ton, la sensibilité et l'humanité restent les points forts de ce livre qui est pour moi un vrai coup de coeur.

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Plaidoirie pour un mensonge.
Un roman intéressant au style sobre qui se lit d'une traite et qui à l'ère #metoo vient un peu à contre courant puisqu'il traite d'une erreur judiciaire faisant suite à une fausse accusation de viol. L'écrivaine et chroniqueuse judiciaire Pascale Robert-Diard place la focale sur le métier d'avocat et nous fait pénétrer de manière saisissante dans le grand théâtre des prétoires qu'elle connaît très bien.

L'héroïne, Alice, avocate pénaliste, voit débarquer dans son bureau une jeune femme Lisa qui lui demande d'être son nouvel avocat. Elle lui raconte qu'elle a été victime d'un viol six ans auparavant alors qu'elle était collégienne et l'homme qu'elle a dénoncé a été condamné en première instance. Il purge sa peine en attendant son procès en appel qui est imminent.

Alice accepte et se plonge dans le dossier d'instruction le reprenant point par point, nous livrant ses doutes, ses interrogations. Jusqu'au jour où Lisa lui avoue qu'elle a menti. Les convictions de son avocate vacillent et passé le choc de l'annonce, elle va se mettre à disséquer l'origine et la mécanique du mensonge qui ont mené Lisa, à l'époque en perte de repères, dans un engrenage infernal. Elle analyse les causes ayant mené à cette erreur judiciaire et à l'aveuglement de tous. Il faut dire que l'accusé avait tout du coupable idéal et que Lisa n'a pas eu une adolescence tranquille.

L'aveu va redistribuer toutes les cartes engendrant une plaidoirie d'une teneur inattendue. Se rétracter est courageux car l'histoire de Lisa, en pleine époque Metoo, a fédéré et le poids de l'opinion publique pèse lourd. Elle sait qu'en plus de se discréditer, elle va décevoir tous ceux qui l'ont soutenue.

C'est un roman sur le doute et la présomption de culpabilité. L'autrice met en lumière l'importance de la nuance et la perméabilité de l'institution judiciaire quand elle est prise dans un contexte sociétal prégnant, oubliant parfois de respecter ses grands principes, influencée par le débat de société.

Une petite menteuse qui a conduit un innocent en prison est-elle défendable ? A-t-elle des circonstances atténuantes ?
À vous de juger
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Lorsque Lisa, quinze ans, accuse de viol Marco Lange, le plâtrier venu faire des travaux dans la maison familiale, l'avocat de l'adolescente traumatisée n'a aucun mal à obtenir la condamnation à dix ans de prison de cet homme au casier judiciaire déjà chargé. Mais, incarcéré depuis trois ans, le condamné entame un procès en appel. Désormais majeure et préférant être défendue par une femme, Lisa demande à Alice, avocate expérimentée qui ne voit aucune raison de refuser cette affaire facile, de reprendre le dossier. Sauf que Lisa revient sur ses déclarations, reconnaissant avoir menti…


Dans toutes ces affaires déclenchées par le mouvement #MeToo et par la libération de la parole des femmes, lorsque la preuve est si compliquée ou même impossible après parfois tant d'années écoulées, qui ne s'est jamais senti frémir à l'idée d'une mauvaise décision, qui entraînerait, soit l'insupportable impunité de coupables hors d'atteinte, soit la terrible dévastation de l'erreur judiciaire ? Observatrice aguerrie, par son métier de chroniqueuse judiciaire, des grandes comme des petites affaires qui font le quotidien des tribunaux, Pascale Robert-Diard nous confronte à une situation, qui, pour être fictive, n'en confond pas moins son lecteur par son parfait et terrifiant réalisme.


Quand la collégienne Lisa change de comportement et s'assombrit, inquiétant deux de ses professeurs, leur intervention pleine de bonnes intentions déclenche un engrenage dans lequel tout contribue bientôt à piéger l'adolescente. Pensant l'aider à exprimer ce qu'ils perçoivent inexprimable, ils finissent à leur insu par lui suggérer pas à pas ce qui lui semble une échappatoire plus supportable que l'aveu du véritable objet de sa souffrance. Bientôt, Lisa se retrouve dépassée par l'inextricable situation engendrée bien malgré elle par l'enchaînement de ses mensonges. « "Plus je mentais, plus je souffrais, plus je souffrais, plus on me croyait." Comment se sort-on, à quinze ans, d'un cycle aussi infernal ? »


Innocent dans cette histoire, Marco Lange devient alors, en quelque sorte, la victime par ricochet de crimes commis par d'autres, faute pour la victime initiale de réussir à dénoncer les vrais outrages qu'elle subissait. Pour rétablir la vérité dans l'incrédulité choquée générale, il faudra à cette dernière le courage de risquer le discrédit, au point, peut-être, de faire oublier que la première victime dans cette affaire, c'est elle. Quant à sa nouvelle avocate, c'est une mission bien peu ordinaire qui lui revient, quand le condamné est innocent, et l'innocente, menteuse.


Une bien troublante démonstration de la difficulté de parole des victimes, en dépit de toutes les bonnes intentions, que ce roman efficace et prenant.

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Le titre dévoile en lui-même l'histoire, l'héroïne a menti, menti sur le viol qui n'a pas été commis au sens pénal stricto sensu, menti sur l'identité de l'homme qui l'aurait commis.

La narratrice, c'est l'avocate à laquelle la victime va avouer son mensonge insupportable et le désarroi de ses motivations. Finalement, elle est victime et ce n'est pas le coupable qui est sur le banc de l'accusé. Elle est victime d'autres garçons qui ont profité de quelques moments, quelques attouchements sans importance à leurs yeux, moments qui dérapent avec une vidéo et les menaces de jeunes qui sont à mon avis les véritables violeurs. Ils ont à tout le moins violé le cerveau de Lisa qui, en leur consentant quelques gâteries est devenue la salope du collège avant de devenir la menteuse aux assises.

L'héroïne, c'est bien elle, Lisa, ben plus que l'avocate, enfermée dans ses propres préoccupations, dans l'image qu'elle veut à tout prix renvoyer d'elle-même à ses enfants, sa famille son public. Elle défendra quand même du mieux qu'elle pourra la menteuse mais c'est bien cette dernière la plus courageuse, qui affrontera l'opprobre pour rétablir la vérité et repartir si possible lavée de ses erreurs.

Quant au violeur présumé, la seule chose qui peut le différencier du criminel qu'il n'a pas été, c'est qu'il n'est pas passé à l'acte complet, même s'il en avait le désir, la volonté même. Il reste l'homme tout aussi détestable que les garçons auxquels Lisa a procuré quelques plaisirs fugaces.

Sur le fond de l'écriture, le style est là, c'est bien enlevé, les sentiments bien rendus, il manque tout de même, me semble-t-il, dans la construction du personnage de l'avocate un petit plus qui l'aurait rendue plus attachante.

Mais, c'est la petite menteuse qui lui vole la vedette et cela me paraît bien ainsi.
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Ce sont les retours des Babelpotes qui m'ont donné envie de découvrir à mon tour "La petite menteuse" de Pascale Robert-Diard. Très contente d'être tombée dessus lors de ma dernière visite à la bibliothèque (d'habitude il n'est jamais dispo), je dois quand même dire que je ne m'attendais pas à ce qu'il ait aussi peu de pages, 234 exactement mais avec une mise en page très très aérée et une police d'écriture loin d'être petite, qui doit faire à peu près l'équivalent d'un poche d'une toute petite centaine de pages (paye ton gaspillage de papier..., sans doute faut-il justifier le prix de ce livre à vingt euros...). Avant je n'aimais pas les romans où il y a si peu à lire, mais j'ai appris de mes erreurs : je suis tombée plusieurs fois sur des très bons romans courts. "La petite menteuse" en fait partie, je l'ai lu en même pas trois heures et pourtant j'ai bien aimé.

"La petite menteuse", c'est Lisa. Parce qu'elle est maintenant majeure et qu'elle veut être défendue par une femme, elle se rend au cabinet d'Alice afin que cette dernière la représente à la place de l'avocat que ses parents lui avaient choisi trois ans plus tôt. Cela fait trois ans que Marco Lange a été condamné à dix ans de prison pour viol sur la personne de Lisa, lorsqu'elle avait quinze ans. Marco a toujours clamé son innocence, c'est pour cette raison qu'il a fait appel. Et ce procès en appel a lieu dans quatre mois, d'où la démarche de Lisa. Mais comme le titre de ce roman l'indique et comme on l'apprend assez vite dans notre lecture, je ne divulgâcherai donc rien en disant que si Lisa souhaite changer d'avocat, c'est principalement parce qu'elle a menti...

Pour Alice, qui pensait prendre la défense d'une victime, il s'agit de changer de stratégie et pour ce faire, il lui faut comprendre les raisons qui ont poussé Lisa à dénoncer un viol qui n'a pas eu lieu...

S'en suit un examen des consciences passionnant, entre deux femmes à la psychologie soignée. Entre l'une qui cherche les bons arguments pour sa prochaine plaidoirie et l'autre qui livre un trop plein de souffrances, nous nous retrouvons au coeur même de cette affaire qui dérange. Ne vous leurrez pas, vous n'arriverez pas à détester Lisa, malgré tout le mal qu'elle a fait, à l'accusé pour commencer, à ses proches qui l'ont crue, à elle-même aussi.

Dans ce petit roman, même si le contexte judiciaire est assez bien développé, tout se concentre sur les deux femmes et plus particulièrement sur ce qui en découle de leur face à face. On ne saura que ce qu'il faut sur elles pour que l'histoire soit crédible et attirante. En si peu de pages de toute façon, il aurait été difficile d'approfondir le reste, et étonnamment je n'en ai pas été gênée. Ainsi, on ne sait pas où se déroulent les événements, même si on devine qu'on est pas loin de la côte atlantique (ou de la Manche peut-être), l'environnement et les décors ne sont nullement décrits. Physiquement, on ne sait pas à quoi ressemblent les protagonistes. Leurs vies privées, familiales, sont juste évoquées, sans le moindre détail. L'autrice a tout misé sur la psychologie de ses deux protagonistes principaux, et ça fonctionne bien. J'en suis d'ailleurs la première étonnée, moi qui apprécie tant d'habitude que les auteurs prennent le temps de tout implanter avant que l'histoire ne démarre vraiment.

Il est clair que cette histoire dérange, met mal à l'aise, certainement parce qu'il nous est impossible de haïr cette petite menteuse, parce que ses raisons sont justifiées, lui octroyant de ce fait des circonstances atténuantes valables, ou du moins qu'on est amené à comprendre. Certainement aussi parce que l'accusé (Marco Lange) n'est qu'un personnage secondaire à qui, a-t-on l'impression, l'autrice n'accorde que peu d'importance. Dans cette affaire, c'est en fait lui la victime, et pourtant la narration ne lui octroie aucune empathie. Trop peu souvent nous sont données les occasions d'éprouver de la pitié ou de la compassion pour ce pauvre gars qui croupit en prison depuis 1195 jours pour rien... C'est très perturbant, malaisant, et paradoxalement attrayant.

J'émets tout de même un bémol sur la fin. Je ne comprends pas pourquoi l'autrice ne nous dévoile pas le contenu de la lettre que Lisa a donné à son avocate en lui demandant de ne la lire qu'après le verdict rendu. Pourquoi l'évoquer dans ce cas ?

Globalement, j'ai passé un agréable moment de lecture, très perturbant effectivement, mais pas déplaisant du tout.
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Voilà un livre qui m'a agacée pendant toute sa lecture. Oui bien sûr il y a des femmes qui sans MeeToo n'auraient jamais parlé. de même qu'à l'époque de MeeToo, on imagine forcément des hommes accusés à tort de viol par des femmes qui veulent se venger ou autre. Un sujet important, celui de la crédibilité des victimes, que Pascale Robert-Diard aborde avec, me semble t il, maladresse. La chroniqueuse judiciaire du Monde s'inspirant d'une histoire vraie pour bâtir une histoire qui sonne faux. D'abord par des dialogues improbables, ou au mieux peu convaincants. Ensuite par des personnages stéréotypés : comme l'avocate bourrue apte à comprendre et défendre, grâce à son professionnalisme sans faille, une jeune fille que j'ai trouvée horripilante, non parce qu'elle a fait condamner un homme innocent, mais par sa motivation, aussi dérisoire qu'hypothétique, qui donne envie de lui flanquer des claques. le coupable, un arabe ouvrier plâtrier de son état, étant rendu guère plus sympathique par une défense que l'auteure réduit à une phrase. Bref un roman dans l'air du temps peu convaincant, mais qui se vendra bien, ce qui était j'imagine l'objectif de son auteure. Donc une réussite de ce point de vue au moins (d'où mes trois étoiles 😊).
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