Ce roman graphique nous raconte ces semaines incroyables qui, du 3 avril au 25 octobre, vont voir le mouvement de bascule complet de la Russie, qui, dans la même année, passe du tsarisme au bolchevisme, avec un bref passage par un gouvernement provisoire qui rêvait d'installer une monarchie parlementaire. On y découvre comment les bolcheviks, fortement minoritaires en février, finissent par s'emparer du pouvoir en octobre, un pouvoir que, nous le savons, ils ne lâcheront pas de sitôt !
C'est le roman de l'habileté politique, de la manipulation, et, peut-être, d'une des premières utilisations massives de la presse pour faire passer des messages, qui tiennent en deux slogans : « Tout le pouvoir aux soviets », et « le pain, la paix ».
Lénine et Trotski, qui n'a pas créé La Pravda pour rien, alors qu'il était en exil à Vienne, comprennent rapidement que ces slogans, qui ont fait descendre des centaines de milliers de russes dans les rues, sont aussi ceux qui pourraient les porter au pouvoir.
On croise aussi, au fil des pages, Maïakovski et sa muse,
Lili Brik – soeur d'
Elsa Triolet – dont la poésie accompagne la révolution ;
Alexandra Kollontaï, militante marxiste féministe, qui sera la première femme de l'époque contemporaine à être nommée ministre, d'abord, puis ambassadrice.
On voit aussi, au fil des pages, se mettre en place, dès ces premières semaines, tous les ressorts de ce qui va tourner à la dantesque lutte pour le pouvoir entre tous ces acteurs, et qui verra, à partir de la mort de
Lénine, en 1924, Staline éliminer systématiquement tous ses rivaux, pour régner sur le Kremlin jusqu'à sa mort, en 1953.
L'intelligence politique transpire à toutes les pages.
Alexandra Kollontaï, par exemple, à l'occasion d'une réunion des principaux leaders bolcheviks, souligne l'un des ressorts de leur incroyable succès. « Tous les partis sont pour la guerre. Notre parti doit être le parti de la paix », dit-elle (p. 21).
Le 4 juillet 1917, un premier coup de chaud agite Petrograd. Mais c'est encore trop tôt, et
Lénine le dit : « Nous ne pouvons pas être contre les masses. Nous ne pouvons pas être vraiment avec. Il est essentiel que les soldats, les marins, les ouvriers aient le sentiment que notre parti est avec eux. Mais si le coup de force échoue, nous ne devons pas être impliqués » (p. 41). Plus manipulateur, on ne peut pas. Et en effet, c'est un nouvel échec, les bolcheviks sont déclarés hors la loi, certains ont le temps de se cacher à nouveau, d'autres sont jetés en prison. Mais, comme un coup du sort, le général Kornilov, nouveau commandant en chef des armées russes, veut en finir avec la révolution, et attaque Petrograd, amenant le gouvernement provisoire à libérer Trotski pour mobiliser les troupes – une stratégie à courte vue, on le comprend aisément, puisque c'est le même Trotski qui, dans les semaines qui suivent, met au point le plan qui va assurer définitivement aux bolcheviks la prise du pouvoir -.
Ces événements, les connaissiez-vous ? C'est passionnant, de voir ainsi s'assembler pièce après pièce ce qui va constituer l'URSS, aux dépends des hommes de ce pays. Les dessins sont faits de telle manière à ce que l'on reconnaisse assez facilement les différents protagonistes. Bref, si une petite escapade à Petrograd vous intéresse, c'est par ici !
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