Jacques Lacan est un des intellectuels français - comme Sartre, Barthes ou Foucault - qui ont marqué leur époque mais il reste pourtant auréolé de mystère, tantôt haï et tantôt idolâtré. Elisabeth Roudinesco qui l'a bien connu nous donne ici quelques pistes pour mieux comprendre cet homme de façon dépassionnée, de comprendre les apports importants qu'il a fait à la psychanalyse et à la philosophie mais aussi ses errances et ses dérives. C'est davantage à un parcours intellectuel de la vie de Jacques Lacan qu'à une biographie auquel nous invite ER dans ce livre bref et intense.
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Dans un essai d'une belle honnêteté intellectuelle, Elisabeth Roudinesco honore sans l'admirer ce maître paradoxal, saluant l'événement que fut sa parole dans le champ scientifique et bien au-delà.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Depuis la publication, en 1993, de la troisième partie de mon Histoire de la psychanalyse, entièrement consacrée à la pensée, à la vie, à l’œuvre et à l’action de Jacques Lacan, j’ai souvent eu le sentiment qu’il me serait un jour nécessaire d’effectuer un bilan, non seulement de l’héritage de ce maître paradoxal, mais aussi de la manière dont fut commenté mon propre travail à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté psychanalytique.
(…) j’ai eu envie, trente ans après la mort de Lacan, alors que se profile l’évanouissement progressif d’une certaine époque (dite ‘héroïque’) de la psychanalyse et que les psychanalystes se transforment en psychothérapeutes organisés en une profession réglementée par l’Etat, de parler autrement, et de façon plus personnelle cette fois, du destin du dernier grand penseur d’une aventure intellectuelle qui avait commencé à déployer ses effets à la fin du XIXe siècle (…)
J’ai voulu évoquer, à l’intention du lecteur d’aujourd’hui, quelques épisodes marquants d’une vie et d’une œuvre à laquelle toute une génération a été mêlée, et les commenter avec le recul du temps, de façon libre et subjective. Je voudrais que ce livre soit lu comme l’énoncé d’une part secrète de la vie et de l’œuvre de Lacan, un vagabondage dans des sentiers méconnus : un envers ou une face cachée venant éclairer l’archive, comme dans un tableau crypté où les figures de l’ombre, autrefois dissimulées, reviennent à la lumière.
Lacan était athée, même si, par bravade, il avait rêvé un jour de grandes funérailles catholiques (...)
Marc-François* proposa aux fidèles de prier pour son frère. Il rappela que toute son œuvre était imprégnée de culture catholique, bien que ‘l’Eglise et l’Evangile n’y fussent pas essentiels(...)
Un jour qu’il devisait avec son amie Maria-Antonietta Macciocchi, Lacan lui avait dit sur le mode de la confidence et avec une intense émotion :’Ah ! chère, les italiens sont tellement intelligents ! Si je pouvais choisir un lieu pour mourir, c’est à Rome que je voudrais finir mes jours. Je connais de Rome tous les angles, toutes les fontaines, toutes les églises… Et si ce n’était pas Rome, je me contenterais de Venise ou de Florence : je suis sous le signe de l’Italie. (...)
Lacan mourut sous un faux nom, le 9 septembre 1981, à la clinique Hartmann des suites d’un cancer du côlon qu’il n’avait jamais voulu soigner. Bien qu’il eût émis le vœu de finir ses jours en Italie, à Rome ou à Venise, et qu’il eût souhaité des funérailles catholiques, il fut enterré sans cérémonie et dans l’intimité au cimetière de Guitrancourt.
* Le frère de Jacques Lacan, devenu moine bénédictin après avoir prononcé ses vœux en 1929.
Elle permet ( la parole ) au patient de se déprendre de son illusoire prétention à la maitrise de soi et au thérapeute d'inventer des interprétations libératrices.
Elisabeth Roudinesco - Soi-même comme un roi : essai sur les dérives identitaires