La différence entre le promeneur et le marcheur: le premier dort à la maison, le second change de lit souvent. Le premier habite, le second transite, n'écrit jamais sur la même table. Il ne retrouvera ce soir que ce qu'il emporte dans son petit sac à dos. Ainsi je me suis mis à aimer chaque objet que je transporte. Je ne suis pas pour autant un chemineau qui ne possède que ce qu'il emporte. Ni un vagabond. J'ai un but. Dans quelques semaines, je retrouverai un chez-moi, une chambre pleine de livres, des armoires avec d'autres chemises et chaussettes. Gitan intermittent, avec une carte de crédit.
A la sortie du bourg, de nouveau l'écrasement du marcheur face à l'horizon rectiligne qui separe le vert des blés en herbe et le bleu que la mince couche d'oxygène donne aux pourtours de notre petite planète.
Sentiment de plénitude. Marcher seul, sans avoir à se préoccuper de converser avec un autre, sans négocier ni son rythme, ni son parcours, sans se confronter aux désirs d'un compagnon de route, sans interrompre le cours de sa propre réflexion .
Ce qui me plait par dessus-tout , c'est le dépouillement du marcheur qui doit compter sur lui, faire confiance à son corps. Il y a toujours un moment , en général dans les premières heures de marche, ou les différentes parties du corps se manifestent .....Traiter ça par le mépris, ne plus y penser, tout passe . Et le soir, après des heures d'effort , sous la douche, on remercie ce corps de nous avoir transporté.
La marche, c'est comme ça, on se saisit d'une expression et on la répète à voix haute, comme une fleur cueillie le long de la route, on herborise avec des mots: cœur , ouvrage ......
Payot - Marque Page - Daniel de Roulet - L'oiselier