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EAN : 9782072716591
96 pages
Gallimard (06/04/2017)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Fort d'un amour passionné - mais platonique - pour la comtesse d'Houdetot, Jean-Jacques Rousseau rédige six lettres dans lesquelles, tel un professeur de vertu, il délivre une invitation à la sagesse. "L'objet de la vie humaine est la félicité de l'homme, mais qui de nous sait comment on y parvient ? L'étude que je vous propose remplit l'âme de tout ce qui fait le bonheur de l'homme".
Que lire après Le chemin de la perfection vous est ouvert...Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'été dernier j'ai visité à Genève la maison natale de Jean-Jacques Rousseau, une visite d'autant plus émouvante pour moi que j'affectionne particulièrement Jean-Jacques depuis quelques années déjà, après que j'ai eu un coup de coeur immense pour Les rêveries du promeneur solitaire, qui fut l'une des lectures les plus marquantes de ma vie. J'ai depuis lu plusieurs écrits qui parlent de Rousseau, — et qui m'ont fait le connaître et l'aimer davantage — mais je ne l'avais plus relu, lui, dans le texte. Alors avant de quitter sa maison natale (transformée en musée) j'ai voulu repartir avec un petit souvenir, j'ai donc choisi ce tout petit livre.
Il s'agit d'un ensemble de six lettres que Rousseau a adressées à une certaine madame Houdetot. En recherchant un peu j'ai découvert que c'est une femme que Jean-Jacques a rencontré à Eaubonne en 1757 et dont il s'est épris — passion semble t-il non réciproque, et j'ai également appris qu'il parle longuement d'elle dans le livre IX de ses Confessions (mais que je n'y suis pas encore).
Bref tout ceci n'a guère d'importance car Rousseau aurait pu écrire à n'importe qui ça ne change rien à la lecture ni à la compréhension du texte. Bien que la première lettre commence par une longue éloge de sa bien aimée, il explique en même temps la raison d'être de ces lettres : à savoir répondre à sa propre demande de lui écrire des “règles de morales” ou “règles d'usages”. Jean-Jacques précise dans cette introduction qu'il n'a pas tant l'intention d'édicter des règles que de lui livrer une véritable profession de foi, de confier tous les principes auxquels il croit et qui pourront aider la jeune femme dans la vie. C'est donc ce qu'il va faire dans les cinq lettres suivantes. Des lettres d'une richesse inouïe.
Il va y délivrer toute sa pensée, sa vision des choses et de la vie. Un mélange de morale et de philosophie. Il commence par la recherche du bonheur, but de toute existence, qui selon lui passe par la connaissance de soi, l'introspection, le questionnement sur soi et le monde qui nous entoure. Puis il élargit sa réflexion vers l'homme en général, nos capacités, nos sens — qu'il considère comme trompeur —, notre rapport aux animaux pétri d'orgueil et de supériorité. Il évoque la philosophie en tant que discipline et l'imposture qu'elle cache, tout comme l'excès de savoirs qui conduit vers une fausse supériorité.
Que sommes-nous et que savons-nous ? Voilà comment on pourrait résumer ces lettres (si tant est qu'on veuille résumer un écrit si riche). Jean-Jacques prône l'humilité en toute chose ainsi que la conscience. Il termine en donnant quelques conseils concrets pour aider à se retrouver soi, notamment grâce à la nature et à la campagne.
Bref, ne vous fiez pas à ma piètre critique, Rousseau exprime sa pensée bien mieux que je ne saurai jamais le faire et évoque bien plus de concept que ce que j'ai cité. Mais tout cela se rejoint pour, in fine, parler tout simplement de la vie.
C'est écrit de façon extrêmement claire, concise et à la fois poétique. Etant donné que ce sont des lettres et non un ouvrage académique, c'est très aisée à comprendre, c'est simple et fluide. Il va directement à l'essentiel. Et outre leur richesse intrinsèque, ce qui est formidable avec ces lettres c'est qu'on y décèle les grandes lignes de la pensée philosophique de Rousseau, comme une sorte de condensé ou abrégé de tous ces autres écrits. Ces lettres peuvent donc être une porte d'entrée vers les thèses générales de Rousseau.
Ou tout simplement rester des conseils de vie.
Et plus que cela ce qu'on décèle également c'est la personnalité de Rousseau ; désabusé, mélancolique, mais jamais désespéré, lucide et généreux. Encore une fois il m'a profondément touché. Non seulement par sa pensée mais aussi par l'homme derrière la pensée.
Ces lettres sont à la fois belles, riches, émouvantes et instructives. Elles auraient pu s'adresser à vous ou à moi et c'est en ça qu'elles sont si riches ; c'est un texte qui élève en même temps qu'il met les pieds sur terre, chacun peut y puiser le nécessaire à son coeur ou à son esprit. Pour ma part je les garderai longtemps près de moi, comme les Rêveries.
Merci Jean-Jacques.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'objet de la vie humaine est la félicité de l'homme, mais qui de nous sait comment on y parvient ?
Sans principe, sans but assuré, nous errons de désirs en désirs et ceux que nous venons à bout de satisfaire nous laissent aussi loin du bonheur qu'avant d'avoir rien obtenu. Nous n'avons de règle invariable, ni dans la raison qui manque de soutien, de prise et de consistance, ni dans les passions qui se succèdent et s'entredétruisent incessamment. Victimes de l'aveugle inconstance de nos cœurs, la jouissance des biens désirés ne fait que nous préparer des privations et des peines, tout ce que nous possédons ne sert qu'à nous montrer ce qui nous manque et faute de savoir comment il faut vivre nous mourons tous sans avoir vécu. S'il est quelque moyen possible de se délivrer de ce doute affreux c'est de l'étendre pour un temps au-delà de ses bornes naturelles, de se défier de tous ses penchants, de s'étudier soi-même, de porter au fond de son âme le flambeau de la vérité, d'examiner une fois tout ce qu'on pense, tout ce qu'on croit, tout ce qu'on sent et tout ce qu'on doit penser, sentir et croire pour être heureux autant que le permet la condition humaine. Voilà, ma charmante amie, l'examen que je vous propose aujourd'hui.
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L'art de raisonner n'est point la raison, souvent il en est l'abus. La raison est la faculté d'ordonner toutes les facultés de notre âme convenablement à la nature des choses et à leurs rapports avec nous. Le raisonnement est l'art de comparer les vérités connues pour en composer d'autres vérités qu'on ignorait et que cet art nous fait découvrir. Mais il ne nous apprend point à connaître ces vérités primitives qui servent d'élément aux autres, et quand à leur place nous mettons nos opinions, nos passions, nos préjugés, loin de nous éclairer il nous aveugle, il n'élève point l'âme, il l'énerve et corrompt le jugement qu'il devrait perfectionner.
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Que voyons-nous, que savons-nous, qu'est-ce qui existe ? Nous ne courons qu'après des ombres qui nous échappent. Quelques spectres légers, quelques vains fantômes voltigent devant nos yeux et nous croyons voir l'éternelle chaîne des êtres. Nous ne connaissons pas une substance dans l'univers, nous ne sommes pas même sûrs d'en voir la surface et nous voulons sonder l'abime de la nature. Laissons un si puéril travail à ces enfants qu'on appelle des philosophes. Après avoir parcouru le cercle étroit de leur vain savoir il faut finir par où Descartes avait commencé. Je pense, donc j'existe. Voilà tout ce que nous savons.
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Ne disons point dans notre imbécile vanité que l’homme est le Roi du monde, que le soleil, les astres, le firmament, l'air, la terre, la mer sont faits pour lui, que les végétaux germent pour sa subsistance, que les animaux vivent afin qu'il les dévore ; avec cette manière de raisonner, cette dévorante soif de bonheur, d'excellence et de perfection, pourquoi chacun ne croira-t-il pas que le reste du genre humain fut créé pour le servir ? et ne se regardera-t-il pas personnellement comme l'unique objet de toutes les œuvres de la nature ? Si tant d'êtres sont utiles à notre conservation sommes-nous sûrs d'être moins utiles à la leur ?
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Nous ne savons rien, ma chère Sophie, nous ne voyons rien; nous sommes une troupe d'aveugles; jetés à l'aventure dans ce vaste univers. Chacun de nous n'apercevant aucun objet se fait de tous une image fantastique qu'il prend ensuite pour la règle du vrai, et cette idée ne ressemblant à celle d'aucun autre, de cette épouvantable multitude de philosophes dont le babil nous confond il ne s'en trouve pas deux seuls qui s'accordent sur le système de cet univers que tous prétendent connaître, ni sur la nature des choses que tous ont soin d'expliquer. Malheureusement, ce qui nous est précisément le moins connu est ce qu'il nous importe le plus de connaître savoir l'homme. Nous ne voyons ni l'âme d'autrui, parce qu'elle se cache, ni la nôtre, parce que nous n'avons point de miroir intellectuel. Nous sommes de tout point aveugles, mais aveugles nés qui n'imaginons pas ce que c'est que la vue, et ne croyant manquer d'aucune faculté voulons mesurer les extrémités du monde tandis que nos courtes lumières n'atteignent comme nos mains qu'à deux pieds de nous.
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Vidéo de Jean-Jacques Rousseau
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « Neuvième promenade », _in Les confessions de J.-J. Rousseau,_ suivies des _Rêveries du promeneur solitaire,_ tome second, Genève, s. é., 1783, pp. 373-374.
#JeanJacquesRousseau #RêveriesDuPromeneurSolitaire #Pensée
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