Max Zajack est le héros récurrent de
Mark SaFranko, on dit souvent que c'est son double, ce que sincèrement je n'espère pas pour l'auteur. Max est un type qui joue les angoissés pour mieux glander. Et comme tout vrai glandeur, il est constamment en train de tenter un truc pour faire rentrer un peu de fric, et aussi malheureusement d'échouer. Écrivain sans lecteurs qui se rêve acteur, Max collectionne les rôles foireux tel ce cadavre en début de film qu'on ne voit quelques secondes. C'est un mec sympa, un peu vaurien mais pas méchant ; il est soutenu moralement par l'admirable Gayle avec qui il vit et qui croit dur comme fer en ses talents d'auteur.
L'histoire de l'écrivain raté a déjà été raconté des dizaines, c'est à nouveau le cas. Il n'y a pas vraiment d'intrigue dans «
Tout sauf Hollywood ». Il ne se passe rien de vraiment exceptionnel.
Et pourtant c'est bon, furieusement bon ! Connaissez-vous beaucoup d'auteurs capables d'écrire des phrases de ce genre : « Moi, par terre, j'aurais pu être n'importe quoi — un gant, une chaussure, un poil de cul. » ; ou comme « Ma seule apparition torpillait la plus animée des conversations, qui devenait aussi morte qu'
Abraham Lincoln. » ; une dernière « Tout était tellement mauvais qu'on aurait pas su dire où ça péchait ».
le livre est truffé de pépites comme celles-ci, il est difficile de choisir une citation en particulier. Cela paraît si facile, si simple, alors que non, tout mot est pesé, évalué, taillé.
Mark SaFranko est un styliste ; tout son talent est entièrement contenu dans cette modestie, cette humilité qui chaque fois m'étonne, cette totale absence de recherche de la phrase qui fait mouche. Ça frôle le rudimentaire, ou la nonchalance.
Max Zajack c'est un personnage d'
Emmanuel Bove ou de Pascal Garnier, qui serait passé par les « Idées noires » de
Franquin et chez Blake Edwards. Un humour assez noir traverse les pages, et côtoie le désespoir, la tristesse de vieillir, et cette chose inventée pour souffrir : le besoin de reconnaissance. On a envie de prendre dans les bras ce pauvre gars qui court en tous sens pour quelques dollars, quitte à imiter un chef Indien dans une pub pour des hot-dogs. Il bataille pour essayer de placer « Le dragon écliptique », sa pièce sur
Henry Miller. Mais c'est à croire que tout se ligue contre lui. Acteurs, metteurs en scène, producteurs, tous flanchent à un moment ou un autre, sans exception.
Max collectionne les humiliations, excelle dans les échecs. Une pareille constance dans la malchance mérite le respect.
Max Zajack est un obstiné malgré lui.