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EAN : 9782918698210
40 pages
Editions Invenit (22/11/2011)
5/5   3 notes
Résumé :
Effacement : c'est ainsi que Dominique Sampiero intitule cette lecture libre de l'Etude pour saint Dominique (1950-51, musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis) que Matisse réalisa pour la Chapelle du Rosaire à Vence. L'art de Matisse y atteint une épuration ultime. Selon le peintre, il "suffit d'un signe pour évoquer un visage, il n'est nul besoin d'imposer aux gens des yeux, une bouche... il faut laisser le champ libre à la rêverie du spectateur." Le texte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il y a, dans la commune de Vence, non loin de Nice, un lieu de silence et de paix qui mérite que nous y fassions halte. La Chapelle du Rosaire, chef-d'oeuvre de l'art sacré, fut construite et offerte par Henri Matisse à l'ordre des Dominicains. Pendant 4 ans, de 1948 à 1951, le peintre travailla sur les plans et la décoration de cette chapelle. Matisse a 78 ans quand il commence son projet. Il est malade. Mais dans cette petite chapelle, il va mettre toutes ses forces, tout son talent et toute son âme. Lui-même le disait: " Cette oeuvre m'a demandé quatre ans d'un travail exclusif et assidu, et elle est le résultat de toute ma vie active. Je la considère malgré toutes ses imperfections comme mon chef-d'oeuvre."
Pour le bâtiment extérieur, il a travaillé en collaboration avec Auguste Perret. le célèbre architecte est alors au sommet de son inspiration puisque c'est en 1951 que débutera le chantier de l'une des plus belles églises de France, l'Eglise Saint-Joseph du Havre.
Pour l'intérieur, en revanche, Matisse est seul. Seul? Peut-être pas tout à fait. Peut-être est-il entouré d'une Présence qui lui souffle de n'utiliser que trois éléments: la lumière, la simplicité et le vide qui dès lors devient le plein.

Dominique Sampiero a toujours eu une profonde admiration pour Matisse. Il a notamment écrit "L'Odalisque", une fiction sur les dernières années du peintre. C'est donc tout naturellement qu'il a répondu à l'invitation de cette collection d'art ( Ekphrasis) pour écrire une étude sur le portrait de Saint Dominique qui orne le fond de la Chapelle du Rosaire. Sur ce portrait que Matisse peignit avec un pinceau attaché au bout d'un très long bâton, Saint Dominique n'a ni yeux, ni bouche, ni nez. Matisse a tracé les contours du saint homme sans nous le dessiner vraiment.
"Il suffit d'un signe pour évoquer un visage, il n'est nul besoin d'imposer aux gens des yeux, une bouche... il faut laisser le champ libre à la rêverie du spectateur." disait le peintre dans "Ecrits et propos sur l'art".
Pourtant, ce visage sans traits nous emplit de sa profonde humanité et procure un grand calme intérieur. Il est l'humilité même. Il est la place faite au grand mystère. Il est, par son dépouillement extrême, l'image du recueillement.

Dominique Sampiero a nommé son étude "Effacement". C'est une étude libre qui ne se veut pas analyse d'oeuvre mais plutôt cheminement fécond aux côtés du peintre. Réussir à nous débarrasser de nos multiples visages n'est pas chose aisée. Pourtant, c'est de cet abandon que peut naître la richesse intérieure et jaillir l'art, jolie façon d'offrir aux autres ce qui nous a été donné. Tout en écrivant cet "Effacement", Dominique Sampiero s'interroge sur son métier d'écrivain et se fait humble devant le miracle de l'écriture qui lui vient parfois comme une grâce, un apaisement.
"J'écris et ma main seule décide, en glissant mot à mot sur la page, décide d'une crispation qui elle-même s'oublie. Mes outils, main, bras, plume, encre, papier, regard, pensée, disparaissent et je n'ai plus conscience ni d'être là, ni d'agir, absorbé tout entier par le personnage d'un mot ou d'un paysage. C'est vrai qu'il s'agit d'une apparition quasi miraculeuse quand elle me dévore tout entier jusqu'à me guérir des douleurs morales ou physiques, l'instant d'un éclair, oui, car alors dans l'élan qui invente sa propre lumière, s'engouffre aussi tout ce qui n'est pas lui: la peur, le manque, la finitude."

Cet apaisement nous le ressentons en tournant les pages de cette étude. L'écriture y est douce et ronde. Elle accueille le lecteur en sa matière et lui permet de mieux voir, de mieux comprendre ce portrait de Saint Dominique et peut-être bien plus encore. D'une certaine manière, elle emplit le vide et le comble de lumière, de cette lumière douce qui ne descend pas du ciel mais monte du fond de soi.
"Que mon regard soit une nuit ouverte au moindre mouvement des ténèbres quand elles s'éclairent en leur sein d'une aurore qui n'est pas l'aurore."
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Retrouver le silence et ses mouvements de ciel au fond du corps. Les laves de nuages, d'averses endormies. Passer en faisant le moins de bruit possible, fossile de sa propre chair, l'oreille tendue aux chuchotements de ce qui va mourir, écorces, feuillages et mouches.

Apprendre à vivre avec le peu, le presque rien, au bord, jusqu'à ce que le froid, en raidissant la chair, brise tous les visages sur le miroir gelé des étangs.
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Chaque regard porté sur le chemin, sur la maison de l'autre côté du trottoir, l'arbre devant la porte, oui, chaque regard donne une direction, un mouvement, quelque chose comme une joie simple.

Et même assis pour écrire, j'ai l'impression d'avancer, d'être là, tout simplement, au cœur du foisonnement qui pousse la sève au printemps à grimper dans les écorces, pour redescendre sous terre à l'automne, le même élan, le même désir de racine dans le terreau de ne rien posséder, ni moi, ni rien, ni les autres.
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À PETITES GORGÉES, LA FENÊTRE BOIT MON REGARD. Près de la vitre, un peu de buée respire l'air frais du matin. En posant mes mains bien à plat sur le papier, mon sang réchauffe le livre qui a froid. La pluie efface une à une les pages et les rides. J'écris l'histoire de mon visage mangé par le silence.

Une balançoire berce le ciel ou quelqu'un de transparent. Ce léger mouvement est un sourire. Puis des oiseaux se jettent des nuages vers les branches. On croirait qu'ils vont tomber mais non. Dans ce vide qui change de reflet à chaque seconde, j'entre comme au premier jour, pour ne pas rester là où je suis. J'entre pour avancer vers qui, vers quoi, là où je ne suis jamais clos.

p.9
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Video de Dominique Sampiero (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dominique Sampiero
Jacques Bonnaffé lit "Lap remière tarte", texte extrait du livre de Dominique Sampiero, Territoire du papillon, à paraître aux Éditions Alphabet de l'espace le 11 janvier 2010, un livre-dvd avec aussi Élodie Guizard.
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