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EAN : 9782021034981
272 pages
Seuil (07/04/2011)
3.64/5   21 notes
Résumé :
Le discours politiquement correct a installé l’idée que la « mondialisation » libérale (par la libéralisation des échanges et de la finance) était un « phénomène » quasi naturel dessinant le prochain cadre universel et éternel où se poursuivrait l’histoire de l’humanité. Cette «mondialisation », que dans le reste du monde on dénomme « globalisation », n’est en fait qu’un moment de l’histoire construit par une série de choix politiques inaugurée en 1973, avec l’aband... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Analyse sérieuse et passionnante, très argumentée, par un grand économiste engagé...

Dernier ouvrage en date de l'économiste Jacques Sapir, ce livre dense est peut-être regrettablement intitulé « La démondialisation », terme abondamment utilisé avec dérision (comme l'invective « économiste souverainiste » à l'égard de l'auteur) par les défenseurs libéraux de quelques mythologies contemporaines...

Loin de la polémique, Sapir poursuit son travail méticuleux d'analyste, appliquant des méthodes de travail trop souvent abandonnées par les purs idéologues du marché-roi : démoyennisation des résultats constatés (montrant ainsi que la « croissance » mondiale prétendument due à la mondialisation a profité en fait à très peu de personnes et à très peu de pays – et tout particulièrement à ceux qui s'affranchissent largement de la doxa libérale), ou remise à plat de définitions trop vite considérées comme allant de soi (« économie ouverte », « politique nationale »,...), en tirant parti de sa connaissance précise et intime des économies russe, chinoise et désormais brésilienne.

« de fait, les pays qui ont associé des politiques protectionnistes à des bonnes politiques macroéconomiques connaissent des taux de croissance qui sont largement supérieurs à ceux des pays plus ouverts (...). Ceci nous ramène à la problématique du développement, qui s'avère être autrement plus complexe que ce que les partisans d'un libre-échange généralisé veulent bien dire. Les travaux d'Alice Amsden, Robert Wade ou ceux regroupés par Helleiner montrent que dans le cas des pays en voie de développement le choix du protectionnisme, s'il est associé à de réelles politiques nationales de développement et d'industrialisation, fournit des taux de croissance qui sont très au-dessus de ceux des pays qui ne font pas le même choix. le fait que les pays d'Asie qui connaissent la plus forte croissance ont systématiquement violé les règles de la globalisation établies et codifiées par la Banque mondiale et le FMI est souligné par Dani Rodrik. Voici qui nous renvoie à la question des politiques nationales et à la problématique de l'État développeur qui renaît dans le débat depuis quelques années. Cette problématique est en réalité au coeur du réveil industriel de l'Asie. En fait, ce sont ces politiques nationales qui constituent les véritables variables critiques pour la croissance et le développement, et non l'existence ou non de mesures de libéralisation du commerce international. Mais admettre cela revient à devoir reconsidérer le rôle de l'État dans les politiques économiques et le rôle du nationalisme comme idéologie associée au développement. On touche ici à de puissants tabous de la pensée orthodoxe en économie comme en politique. »

Après cette robuste introduction, démontant chiffres en main les « mythes et légendes de la globalisation », les chapitres suivants analysent de près le rôle des institutions prétendument « incontournables », et en particulier celui de l'OMC, puis la nature des bénéficiaires réels de la globalisation, avant de se pencher sur son poids actuel, dans tous les sens du terme, et sur la manière dont l'échec du système de Bretton Woods, en agitant opportunément le spectre du désordre mondial, a conduit dès 1980 à un dévoiement systématique du système monétaire international au service d'une forme bien particulière de globalisation financière, montrant au passage à quel point l'euro lui-même constitue un mécanisme fortement dévoyé par rapport à sa vocation première (« monnaie commune » vs. « monnaie unique »). La conclusion fournit un certain nombre de pistes pour mettre fin de manière volontariste aux plus évidents de ces différents errements, profondément hostiles au bien commun, même masqués sous d'épaisses couches d'orthodoxie économique libérale...

Le livre rencontrera bien entendu de nombreux sceptiques, surtout parmi ceux, cadres dirigeants notamment, qui se réjouissent encore de la mondialisation financière, gage d'échanges sympathiques, autour de vins de prestige, avec leurs homologues de Boston, Singapour ou Milan, tandis que leurs avoirs accumulés fructifient gentiment à Guernesey ou aux Bahamas. C'est pourtant précisément à ceux d'entre eux qui se piquent de rationalité partagée, et non d'un simple égoïsme à court terme, que cet ouvrage s'adresse au premier chef. Et l'effort en vaut la peine.
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Après avoir lu « L'illusion économique » d'Emmanuel Todd, j'ai eu envie de continuer sur ma lancée avec « La démondialisation » de Jacques Sapir. Une bonne partie de ce livre m'est passée au-dessus de la tête, mais paradoxalement, c'est pour cela que je vous le conseille vivement et je vais m'en expliquer.
Pour ou contre la globalisation du commerce et de la finance ? Rester dans la zone euro ou en sortir ? Cela fait partie des questions que l'on se pose au moment d'aller voter. Jusqu'ici, je l'avoue, un peu honteux, j'y avais peu réfléchi. Ma culture en économie politique est proche de zéro et je suis assez énervé par certains discours militants de gens qui sortent dans la rue pour manifester contre la globalisation, affichant une réaction purement émotionnelle face aux banquiers qui nous gouvernent ou encore une peur de l'ouverture (oui, je sais, ils ne sont pas tous comme ça, mais ceux-là, je les mets dans le même sac que ceux qui militent en confondant un réacteur nucléaire et une bombe atomique… ;-) ). Et voilà qu'ici, je trouve un discours posé, structuré, ouvert, qui explique, preuves à l'appui, que la globalisation, cela ne fonctionne pas.
Une bonne partie des arguments de « La démondialisation » m'est passée au-dessus de la tête, mais c'était parce que ma tête était trop bas. Et le livre de Jacques Sapir est recommandable parce qu'il m'a donné l'envie d'ouvrir d'autres livres et de me faire une culture pour que ma tête remonte. Les énervés qui font du vent, je leur tourne le dos. Mais ceux qui comme Jacques Sapir, inspirent le respect, ils me donnent envie de les comprendre.
A-t-il tort ou a-t-il raison ? A ce stade de mon inculture, je n'en sais rien. Mais peu importe: il pose les bonnes questions. Et c'est pour cela que je vous recommande ce livre.
En fait, et c'est ce qui m'a séduit dans son discours, il ne prône pas le repli sur soi (il remplacerait la monnaie unique par une monnaie commune, à côté des monnaies nationales), mais il invite à tenir compte des spécificités de chaque nation, rejoignant ainsi les considérations anthropologiques d'Emmanuel Todd. Je suis persuadé que ce retour à l'humain est la clé. Je ne dirais pas qu'il faut laisser chacun faire ce qu'il veut, ce serait le chaos, mais plutôt que la société aurait tout intérêt à placer chacun dans un cadre où il puisse donner le meilleur de lui-même. de ce point de vue-là, j'avais été fort marqué par la lecture de « Reinventing organizations : Vers des communautés de travail inspirées » de Frédéric Laloux, une brique passionnante que je vous recommande aussi (et je ne dis pas cela uniquement parce que l'auteur est belge ;-) ). Et il en va des nations comme des individus: chaque nation devrait avoir de l'espace où elle puisse donner le meilleur d'elle-même. Voilà tout le cheminement que ce livre m'a fait faire !
Enfin, petite mention pour l'affectueux morceau de biographie de Keynes que nous livre Jacques Sapir, Keynes mort d'épuisement à force d'avoir voulu défendre ses idées.
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L'analyse de Jacques Sapir sur la globalisation en 2010 est très claire et juste au vue de ce qu'il se passe sept ans plus tard. Je recommande fortement ce livre pour les sceptiques.
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critiques presse (2)
NonFiction
16 septembre 2011
On doit [...] se demander (en particulier au regard des exemples les plus caricaturaux que présente l’auteur à l’appui de sa démonstration) si ses critiques ne sont pas datées et si les meilleurs défenseurs du libre-échange ne seraient pas aujourd’hui disposés à les accepter, tout au moins en partie.
Lire la critique sur le site : NonFiction
NonFiction
23 août 2011
Le plaidoyer d’un économiste hétérodoxe pour une démondialisation ordonnée, qui force la gauche à s’interroger sur les stratégies et les objectifs d’une rupture avec le néolibéralisme.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La globalisation marchande a atteint aujourd’hui les limites du supportable.

C’est une évidence du point de vue écologique quand on regarde les dégâts provoqués dans le monde entier par la logique de développement dit « global » que nous avons suivie depuis une vingtaine d’années. La globalisation n’est plus « soutenable » et elle commence à poser des problèmes tout à fait dramatiques dans nombre de régions du globe.

C’est tout aussi bien une évidence d’un point de vue économique. Non seulement la globalisation marchande s’est avérée incapable d’aider les pays en voie de développement, mais aussi elle conduit à de profondes régressions sociales dans les pays développés. De ce point de vue, elle apparaît comme une politique qui « appauvrit les pauvres des pays riches et enrichit les riches des pays pauvres ». En fait, la globalisation a été une puissante arme dans les mains des dominants pour tenter de reprendre tout ce qu’ils avaient concédé des années 1950 aux années 1970. Mais la globalisation a aussi atteint ses limites politiques. L’échec des négociations du « cycle de Doha » le prouve. Nous sommes donc confrontés à un basculement de paradigme dont on ne sait encore ni le temps qu’il prendra pour se matérialiser, ni les formes qu’il adoptera.

L’heure est venue de revenir à des politiques nationales coordonnées, qui sont seules capables d’assurer à la fois le développement et la justice sociale. Ces politiques sont déjà à l’œuvre dans un certain nombre de pays. À cet égard, le retard qui a été pris sur le continent européen est particulièrement tragique. Sous prétexte de construction d’une « Europe » dont l’évanescence politique se combine à l’incapacité de mettre en œuvre de réelles politiques industrielles et sociales, nous avons abandonné toute ambition en la matière. Mais, comme le rappelle Dani Rodrik, le problème n’est plus le pourquoi de telles politiques mais il doit désormais en être le comment.
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La globalisation financière établit bien un pouvoir supérieur aux États qui leur impose leurs politiques, mais il n'en est ainsi que parce que ces mêmes États le veulent bien. On se souvient de cette phrase prononcée quelques années avant 1789: "Les Grands ne le sont que parce qu'ils sont juchés sur nos épaules. Secouons-les et ils joncheront la terre."
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La globalisation n'est nullement le fait de la nature, comme un ouragan, une inondation ou une quelconque calamité naturelle. [...] Elle est bien le produit de l'activité humaine, non pas dans le rapport des hommes à la nature mais dans le rapport social, celui d'hommes à d'autres hommes. Or ce que des hommes ont fait, d'autres le déferont.
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Il faut ici le réaffirmer : action unilatérale et action concertée sont [...] profondément liées. L'action concertée démultiplie les effets de l'action unilatérale, et cette dernière permet de dépasser les blocages qui surgissent dans l'action concertée en imposant des modifications de contextes, donc de priorités, aux autres décideurs.
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